Alerte sur l’instrumentalisation de la guerre en Ukraine par les représentants d’une agriculture productiviste. 26 organisations environnementales, citoyennes et paysannes ont adressé une lettre ouverte à Emmanuel Macron, Président de la République à la tête de la présidence française de l’Union européenne (PFUE), et à Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation.
Monsieur le Président de la République, Monsieur le Ministre de l’Agriculture,
Vous représentez la France à un moment particulièrement dramatique pour l’Europe. Face à des choix décisifs qui engagent son avenir, nous, organisations environnementales, citoyennes et paysannes voulons vous faire part de notre inquiétude quant aux orientations qui se dessinent en matière d’agriculture et d’alimentation, et vous soumettre notre vision des enjeux et les propositions qui en découlent.
Avant toute chose, nous tenons à exprimer toute notre solidarité envers les Ukrainiens et les Ukrainiennes, plongés dans l’effroi de la guerre, ainsi que tous les Russes qui s’y opposent au péril de leur vie. Si les pays européens sont potentiellement affectés par la perturbation des échanges de matières premières, c’est sans commune mesure avec ceux qui en sont le plus dépendants, notamment au Moyen-Orient et en Afrique. C’est la sécurité alimentaire mondiale qui est ainsi mise en danger.
Face à cette situation, il n’aura fallu que quelques jours pour que les porte-étendards de l’agriculture industrielle s’engouffrent dans la brèche créée par la guerre pour tenter de réduire la portée de la stratégie “De la ferme à la fourchette”, volet agricole du Green Deal, portée par la Commission européenne. Cette stratégie répond de manière responsable aux enjeux de l’agriculture et de l’alimentation face aux risques climatiques, environnementaux et sanitaires, en prévoyant notamment une réduction de 20% de l’usage des engrais et de 50% des pesticides d’ici 2030, ainsi que l’accroissement des surfaces nécessaires à la biodiversité. Dès le 28 février, la FNSEA a appelé à l’abandon de cette stratégie, la qualifiant de “décroissante”, et défendu une “libération de la production” pour pouvoir nourrir les peuples qui auront faim, en conséquence de la guerre en Ukraine. Or il faut casser un mythe : en dehors des contextes d’urgence humanitaire, la faim n’est pas une question de production mais de répartition. Un tiers des productions mondiales sont gaspillées. Si nous voulons réellement faire face à la question de l’insécurité alimentaire, ce n’est pas la course à la production qu’il faut amorcer.