Communiqué de la FNE
D’ici le premier août, la France doit notifier à la Commission européenne ses premiers arbitrages sur la mise en œuvre du verdissement de la nouvelle Politique agricole commune (PAC). Mais le Ministre de l’agriculture a déjà annoncé ses intentions. Cédant une fois de plus aux lobbys agroindustriels, l’Etat français s’apprête à tirer encore plus vers le bas le niveau d’ambition environnementale, déjà désastreux, de la réforme européenne. Les organisations signataires livrent leur analyse.
Un verdissement de façade
Pour justifier le budget considérable alloué à la PAC, l’Union européenne a mis en place un « verdissement » : 30% des aides directes aux agriculteurs sont désormais liées à des pratiques environnementales et climatiques (diversification des cultures, maintien des prairies permanentes et mise en place de 5% de surfaces d’intérêt écologique sur l’exploitation agricole). Déjà très peu ambitieuse - malgré les apparences - la réforme laissait aux Etats membres des marges de manœuvre pour son application. Mais au lieu de les utiliser à bon escient, la France s’apprête à affaiblir toute leur portée potentielle !
Diversification des cultures… sauf pour la monoculture de maïs !
Avec la diversification des cultures sur les exploitations agricoles, l’objectif est d’encourager la rotation, qui est l’un des principes de base de l’agronomie. Mais, sous la pression des lobbys, la France a déjà demandé à la Commission Européenne d’exonérer la monoculture de maïs de cette obligation. Ce cadeau aux maïsiculteurs conduira à l’aggravation de la banalisation des paysages, du déclin de la faune et de la flore, et fait perdre toute crédibilité à la réforme.
Surfaces d’intérêt écologiques… avec des cultures et des pesticides !
5% de l’espace agricole doit être consacré à des surfaces d’intérêt écologique. Ces surfaces devraient être constituées de haies, de bosquets, de mares… abritant des oiseaux et des insectes participant à la lutte contre les parasites des cultures. Au lieu de cela, la France permettra que ces espaces soient réservés à des cultures qui recevront des engrais chimiques et des pesticides évidemment destructeurs de la biodiversité. Comment dans ces conditions, peut-on encore parler de surfaces d’intérêt écologique ?
Prairies permanentes… déclin annoncé !
Les prairies permanentes représentent un patrimoine en termes de paysages, de biodiversité, de qualité de l’eau, mais aussi de lutte contre les changements climatiques grâce au stockage de carbone. Leur surface diminue de manière inquiétante en France notamment au profit des céréales.
Dans le cadre du verdissement, les Etats doivent veiller à ce que la surface des prairies permanentes ne diminue pas. Au lieu d’organiser une veille précise, au plus près du terrain, la France s’apprête à opter pour un système d’observation au niveau national aussi approximatif qu’inefficace qui aboutira à une inévitable régression des prairies.
Changement climatique : tout faux !
De plus, la France qui dit vouloir faire preuve d'exemplarité en vue de la grande conférence sur le climat qu'elle accueillera en 2015, s'apprête à prendre deux mesures qui vont mettre à mal cette prétendue exemplarité : le retournement annoncé des prairies permanentes au profit des céréales ne fera que relâcher plus de CO2 dans l’atmosphère et l’encouragement de la monoculture de maïs, culture très gourmande en eau, fragilisera la situation des agriculteurs face aux événements climatiques extrêmes. Or ces mesures sont pourtant essentielles pour favoriser l’adaptation au changement climatique ainsi que l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre !
Une analyse plus détaillée se situe en annexe
Pour Samuel Féret, coordinateur de la plateforme Pour Une Autre PAC, « Autoriser des pesticides sur des cultures admissibles aux surfaces dites d'intérêt écologique irait clairement à l'encontre de l'agenda agro-écologique fixé par le ministre de l'agriculture. Une telle incohérence, non seulement démobiliserait les agriculteurs les plus vertueux, mais décrédibiliserait la réforme de la PAC pourtant annoncée comme plus verte ».
Jean-Claude Bévillard, vice-président de FNE en charge des questions agricoles, conclut : « Le Ministre de l’agriculture doit prendre la mesure des conséquences graves des arbitrages qu’il s’apprête à rendre à la Commission européenne sur la PAC. Si les mesures de la PAC ne servent pas l’intérêt général, le citoyen-contribuable n’acceptera plus de verser des sommes aussi importantes aux agriculteurs. »
Prairie près de Savigny sur Aisne (photo L'An Vert DR )