Communiqué LDH du 03.07.2025
Sept ans de prison ! C’est la peine à laquelle Christophe Gleizes, journaliste sportif collaborateur de So Foot et Society, a été condamné en Algérie où il avait été arrêté en mai 2024, alors qu’il s’apprêtait à réaliser un reportage sur l’histoire du club de football de la Jeunesse Sportive de Kabylie. On lui reproche d’avoir rencontré entre 2015 et 2017 un des dirigeants de ce club, par ailleurs à la tête du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), un mouvement que l’Algérie a classé « terroriste » plusieurs années plus tard, en 2021.
A travers la condamnation scandaleuse de Christophe Gleizes pour « apologie du terrorisme », c’est bien toute la profession qui est atteinte. Quel journalisme serait possible si les journalistes se voient soupçonnés de collusion ou de soutien vis-à-vis de toute personne, de tout responsable ou de n’importe quel mouvement rencontrés dans le cadre d’enquêtes ou de reportages ? Et même si son reportage avait été sur le MAK, de quelle protection peuvent jouir les journalistes s’ils se voient confondus avec leur sujet ? La LDH (Ligue des droits de l’Homme) dénonce cette atteinte grave à la liberté d’information et alerte sur le danger de l’incrimination d’apologie du terrorisme, dont on perçoit la dimension politique : son instrumentalisation par le pouvoir est aisée. Elle est d’ailleurs systématiquement utilisée ces dernières années pour condamner les militants et les défenseurs des droits humains algériens, en usant de l’article 87 bis du Code pénal.
La Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples juge que « la liberté d’expression protège non seulement les informations ou les opinions favorablement accueillies ou considérées comme inoffensives, mais aussi celles qui heurtent, choquent ou inquiètent un Etat ou une frange de la population ». Le cas de Boualem Sansal est, lui aussi, symptomatique d’une censure à tout va. Arrêté en novembre 2024, pour « atteinte à l’unité nationale » et condamné à cinq ans de prison après avoir dit que selon lui, sous la colonisation française, le territoire marocain aurait été amputé au profit de l’Algérie, Boualem Sansal a vu sa peine confirmée le 1er juin par la Cour d’appel d’Alger. Outre la condamnation choquante pour un propos qui relève de la liberté d’expression, l’exécution de la peine d’emprisonnement est inadmissible au regard de son état de santé puisqu’on lui a diagnostiqué un cancer en décembre 2024. Le 23 janvier 2025, le Parlement européen a voté une résolution demandant sa libération immédiate, suivie par un vote identique à l’Assemblée nationale française le 4 mars 2025. En vain.
La LDH s’alarme et dénonce ces graves atteintes à la liberté pour les journalistes de s’informer et à la liberté d’expression. Elle demande aux autorités européennes et françaises d’agir, comme elles l’avaient fait pour le cas de Boualem Sansal, en faveur du journaliste Christophe Gleizes et elle assure de son soutien à So Foot et Society et l’ensemble de la profession. Les efforts pour obtenir la libération du journaliste et de l’écrivain ne doivent pas faiblir.
Boualem Sansal et Christophe Gleizes