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Rétention administrative : le Conseil constitutionnel censure une dérive sécuritaire et confirme les limites de l’enfermement

Communiqué de la CIMADE du 08.08.2025

La Cimade se félicite de la décision du Conseil constitutionnel du 7 août 2025 censurant les articles clés de la proposition de loi « visant à faciliter le maintien en rétention des personnes condamnées pour des faits d’une particulière gravité et présentant de forts risques de récidive ». Cette censure marque un arrêt net à la volonté du législateur et du gouvernement d’allonger encore la durée maximale de la rétention administrative, en violation manifeste de la liberté individuelle garantie par l’article 66 de la Constitution.

Alors que la durée initiale de rétention n’était que de 7 jours en 1981, cette loi visait à porter le maximum à 210 jours, soit 7 mois d’enfermement. Une telle évolution, qui s’inscrit dans le contexte d’un débat public trop souvent teinté de relents xénophobes et de stigmatisation des personnes étrangères, constituait une nouvelle illustration d’une inacceptable dérive du droit vers une logique de punition administrative  et de détournement de la rétention à des fins prétendument sécuritaires, contraire aux principes fondamentaux de l’état de droit. 

Une atteinte disproportionnée à la liberté individuelle 

En censurant partiellement la loi, le Conseil constitutionnel réaffirme que la rétention administrative ne peut s’appliquer qu’à des conditions strictes, encadrées et proportionnées. Il rappelle que la privation de liberté ne peut reposer sur des considérations générales ou sur de simples soupçons. 

Cette décision est une reconnaissance des atteintes disproportionnées que la loi entendait légaliser. Elle s’inscrit à rebours d’une dérive voulue par les gouvernements successifs qui, réforme après réforme, ont démontré leur souhait de faire de la rétention un outil de leur politique sécuritaire visant à exclure les personnes que l’administration juge indésirables, loin de l’objet initial de cette privation de liberté.
Le Conseil sanctionne également l’instauration d’un effet suspensif automatique à l’appel de l’administration ou du ministère public contre une décision judiciaire de remise en liberté. Cette disposition aurait vidé de sa substance le rôle du juge judiciaire, pourtant seul garant de la liberté individuelle selon la Constitution. 

Une vigilance toujours nécessaire 

Si La Cimade salue cette décision, elle déplore que le Conseil ait validé certaines dispositions problématiques, notamment celles relatives à l’identification contraintes des personnes étrangères placées en rétention. Elle rappelle que les mesures de contrôle ne peuvent en aucun cas se substituer à une politique migratoire respectueuse des droits humains. 

Par ailleurs, la validation partielle du placement en rétention des demandeurs d’asile appelle une extrême vigilance. La Cimade restera attentive à la mise en œuvre des garanties posées par le Conseil, notamment l’obligation pour l’administration de démontrer une menace réelle, actuelle et grave ou un risque de fuite établi. 

De 7 jours à 7 mois : une logique de banalisation de l’enfermement 

Depuis 40 ans, la durée maximale de la rétention administrative n’a cessé d’augmenter, passant de 7 jours en 1981 à 90 en 2018, jusqu’à ce projet de loi visant les 210 jours. Cette inflation sécuritaire ne se justifie ni par l’efficacité des éloignements ni par la sauvegarde de l’ordre public. La rétention administrative reste une mesure privative de liberté, aux conséquences humaines graves. Elle ne peut devenir la norme d’une politique migratoire uniquement fondée sur la peur et le rejet.  

La Cimade appelle à un changement de paradigme : il est temps d’en finir avec le triptyque stigmatiser/enfermer/expulser, pour enfin déployer des politiques garantissant le respect des droits fondamentaux, tournées vers l’accueil et la solidarité. 

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