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Plastique, l’escroquerie du recyclage

Extraits de l'article de Mohamed Larbi Bouguerra publié le 05.08.2025 par le Monde Diplomatique

Pollution plastique : s’en indigner vivement – mais sans agir. L’ouverture ce lundi à Genève d’une session extraordinaire de négociations pour mettre d’accord 175 pays sur un traité juridiquement contraignant rendra-t-elle caduc ce lieu commun des relations internationales ? Six mois plutôt, à Busan (Corée du Sud), les pays producteurs de pétrole et leurs lobbyistes avaient torpillé les pourparlers. De leur côté, les industriels promeuvent déjà le grand changement qui permettra de ne rien changer : plutôt que d’interdire la production du plastique, il s’agirait de le recycler. « Après quatre décennies de propagande, moins de 10 % des 6,3 milliards de tonnes de plastique produit et jeté entre 1950 et 2017 a fait l’objet d’un recyclage », écrivait Mohamed Larbi Bouguerra en novembre 2024. Retour sur une grande escroquerie.

La fin de l’âge du fer ? Au début des années 1960, scientifiques et plasturgistes prédisent que les progrès fulgurants dans la fabrication des polymères permettront aux plastiques de détrôner métaux, verres et bois sur le podium des matériaux dominants. Chacun s’extasie. Le sémiologue Roland Barthes qualifie en 1957 le produit de la distillation du pétrole de « substance alchimique », de « matière miraculeuse ». Un an plus tard, le poète Raymond Queneau succombe au chant du styrène et à l’esthétique des « innombrables objets au but utilitaire » appelés à surgir du naphta, ce liquide provenant du raffinage à partir duquel se fabriquent l’essentiel des plastiques (1). Au XXIe siècle, les plastiques écrasent effectivement la concurrence. Entre 1950 et 2015, le secteur pétrochimique en a produit plus de 8 milliards de tonnes, surtout au cours des vingt dernières années, et l’accélération se poursuit (2).

Après l’extase, l’effroi : soixante-dix ans plus tard, 350 millions de tonnes de déchets plastiques se déversent chaque année sur le monde. La pollution qu’ils engendrent fait peser sur les vivants et non-vivants une menace aussi lourde que documentée (3). On boit, on mange, on respire du plastique. Pour faire face à ce cataclysme synthétique, les industries pétrochimiques promeuvent sans relâche une solution selon elles miraculeuse : le recyclage, avec son ruban de Möbius — une flèche circulaire conçue par les lobbies à la fin des années 1980 —, symbole d’une économie où rien ne se perd et tout se transforme. Une économie qui continue donc à produire ce poison environnemental, mais sous une forme partiellement réutilisable.

(...)

Mais la grande escroquerie du recyclage réside ailleurs : le procédé n’a jamais été viable, ni techniquement ni économiquement ; les industriels le savent de longue date, mais jouent avec succès sur la corruptibilité des pouvoirs et la crédulité du public. Un rapport du Center for Climate Integrity (CCI) publié en février 2024 a détaillé un secret que nul au fond ne voulait exhumer (8). Pendant des décennies, les grandes compagnies pétrochimiques ont sciemment provoqué la crise des déchets plastiques. « Ils ont menti, affirme M. Richard Wiles, un responsable du CCI. Voici venu le temps de rendre des comptes pour les dégâts qu’ils ont commis. »

Sur les milliers de variétés produites, seules deux présentent des propriétés qui rendent le recyclage viable à ce jour : les PET et les polyéthylènes à haute densité (PEHD). Le procédé nécessite donc un tri méticuleux qui renchérit le coût et conduit à écarter les éléments composés d’alliages de plastiques ou de plusieurs matériaux que l’on trouve dans de nombreux objets jetables. Un flacon et un bocal tous deux en PET devront être séparés s’ils comportent des additifs ou des colorants différents, de même que les bouteilles en PET vertes et transparentes. Autre difficulté de taille : les plastiques se dégradent à chaque réutilisation et ne peuvent donc être réemployés qu’une fois ou, plus rarement, deux fois. Faute de quoi non seulement leurs propriétés se dénaturent, mais leur toxicité peut s’accroître.

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Daniel Firman. – « Color Safe » (Sans danger pour les couleurs), 2003
© ADAGP, Paris, 2024

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