Article de Moran Kerinec pour Reporterre
À Lyon, le recyclage de vélos opéré par les Ateliers de l’audace est en pleine croissance. Des réutilisations qui sont une nécessité grandissante, si la filière veut être aussi écolo que le mode de déplacement qu’elle promeut.
« Le vélo n’est plus du tout écologique dans sa conception actuelle », assène Priscillia Petitjean. Cette observation tombe sous le coup de l’évidence pour la fondatrice des Ateliers de l’audace, une association qui forme les personnes en insertion professionnelle à la réparation des bicyclettes. Logé dans le 3ᵉ arrondissement de Lyon, l’atelier a pour règle de ne rien gâcher. « Nous privilégions les pièces récupérées sur les vélos irréparables pour en retaper d’autres et les vendre », présente Smaïne, l’un de ses mécaniciens.
Preuve que tout est bon dans le biclou, les étagères du local débordent de potences, pédales et dérailleurs recyclés. Le réemploi des vélos mis au rebut atteint 90 % quand ils sont traités par des structures spécialisées comme les Ateliers de l’audace. Pourtant, 28 788 tonnes de vélos et de trottinettes sont jetées chaque année, estime une étude de l’Agence de la transition écologique (Ademe) publiée en 2020.
Comment expliquer que les vélos produits aujourd’hui ont environ 7 ans d’espérance de vie en France alors que des modèles des années 50 roulent toujours leur bosse ? La réponse se cache dans leurs détails de fabrication.
« La raréfaction des métaux oblige les constructeurs à utiliser des alliages de moins bonne qualité, explique Priscillia Petitjean en pointant les différents modèles présents dans son atelier. Les tubes des vieux vélos sont particulièrement fins et emmanchés dans des pièces métalliques. Les vélos modernes sont dotés de grosses pièces soudées entre elles. »
Appréciés pour leur légèreté, les cadres en aluminium et en carbone sont également plus fragiles que l’acier utilisé par le passé. En cas de fissure, il est presque impossible de les réparer, alors qu’un cadre en acier peut être ressoudé.
La mécanicienne dénonce une « obsolescence programmée » dans le choix de produire certaines pièces maîtresses du vélo en plastique plutôt qu’en acier. Tel le boîtier de pédalier, qui fixe le mécanisme au cadre et assure sa rotation. Le manque de compatibilité entre les marques complique également les réparations.
« Il y a plus de 160 pièces par vélo, dont beaucoup changent à chaque nouvelle collection parce qu’il n’y a aucune législation là-dessus », se désole Priscillia Petitjean. « Les marques se distinguent par leurs choix technologiques et leurs design, c’est la loi du marché », assume Olivier Moucheboeuf de l’Union sport et cycle, la fédération des industriels du vélo.