L’expérience vécue par les déportés dans les camps nazis est presque impossible à transmettre. L'horreur y a atteint un tel degré que les mots sont souvent impuissants à la décrire. Et puis, les survivants peuvent-ils trouver le courage de se replonger dans cet univers concentrationnaire, et ceux qui ne l'avaient pas connu voulaient-ils savoir ou étaient-ils capables de l'entendre ?
Juliette Cheriki-Nort est venue à Vouziers pour évoquer la mémoire de Ceija Stojka. Membre d'une famille Rom vivant en Autriche, elle a été déportée comme beaucoup de "tziganes". On estime que 220 000 membres des différentes communautés de "gens du voyage" sont morts dans les camps lors de la 2e guerre mondiale.
Ceija Stojka a commencé tard à témoigner de son expérience. Il semble que la mort d'un de ses fils et la rencontre avec une documentariste aient constitué le facteur déclenchant à la libération de sa mémoire, dans les années 1980. Elle utilise la peinture, le récit et aussi la chanson comme outils pour laisser une trace de la tragédie des camps.
Juliette Cheriki-Nort utilise cette diversité de matériaux pour évoquer par touches successives la vie de Ceija Stojka, avant, pendant et après sa déportation.
Avant, c'était la vie errante dans les roulottes tirées par les chevaux au travers de la nature et au sein d'une communauté unie. Pendant, ce n'est plus que la faim, la maladie, la brutalité, l’humiliation à un degré extrême dans un monde où le temps n'existe plus, mais où l'humour et la tendresse maternelle survivent malgré tout.
Juliette Cheriki-Nort utilise les projections d'images et de films pour évoquer ce parcours, elle le confronte à d'autres témoignages (Simone Veil, Germaine Tillion, Boris Cyrulnik). Ces autres récits confortent les mémoires de Ceija Stojka, que ce soient ses écrits ou ses productions artistiques.
Les expériences traumatiques, surtout de cette ampleur, demandent souvent du temps pour cicatriser, comme l'indiquait la conférencière, pouvoir mettre les souvenirs dans les archives de sa mémoire. Il n'est pas question d'oubli, mais de laisser ces moments les plus terribles d'une vie dans un dossier encore accessible, mais à une distance suffisante pour continuer à vivre parmi les autres.
Quelques ouvrages avaient paru peu de temps après la libération des camps ("L'univers concentrationnaire" de David Rousset en 1945 ou "Si c'est un homme" de Primo Levi en 1947) mais d'autres on attendu des années avant de témoigner à leur tour ( "l'écriture ou la vie" de Jorge Semprun date de 1994).
Malheureusement; tous ces témoignages résonnent encore avec l'actualité de notre monde, ce qui prouve bien la nécessité de les faire connaître, afin que personne n'ignore où peuvent mener la haine et le rejet de l'autre.
Les tableaux reproduits sur cette page sont de Juliette Cheriki-Nort.
Vous trouverez ci-dessous des photographies de cette conférence.
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