Écrit par Natalia Priloutskaïa, chercheuse sur la Russie à Amnesty International. Publié le 18.01.2019.
Pour la deuxième fois en moins de deux ans, en Tchétchénie, une violente répression s’abat sur les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres et intersexuées (LGBTI), qui craignent désormais pour leur vie. Cette semaine, l’ONG Russian LGBT Network a confirmé les informations selon lesquelles les autorités tchétchènes ont de nouveau procédé à l’arrestation de nombreux gays et lesbiennes présumés, les ont détenus et torturés. Selon des sources protégées par l’ONG, une quarantaine de personnes ont été arrêtées depuis le mois de décembre et au moins deux sont mortes des suites de tortures. En outre, la police aurait exigé que les familles des gays et des lesbiennes se livrent à des crimes « d’honneur » contre leurs proches et en fournissent la preuve. Ces informations glaçantes s’inscrivent dans la continuité de la « purge homosexuelle » de 2017, au cours de laquelle des centaines d’hommes ont été arrêtés et torturés. Le bilan déplorable de la Tchétchénie en matière de droits humains avait alors bénéficié de l’attention de la communauté internationale. L’an dernier, je me suis rendue à plusieurs reprises dans la capitale tchétchène Grozny.
À chaque fois, j’ai été frappée par le contraste qu’offrent les gratte-ciel de verre lumineux, les boutiques de luxe et les cafés tendance bordant les rues de la ville avec le parfum de peur qui flotte dans l’air. Dans les discussions, chacun fait soigneusement attention aux mots qu’il utilise.
Les enjeux sont d'une extrême gravité : le leader tchétchène Ramzan Kadyrov orchestre depuis des années une campagne de harcèlement, d’intimidation et de violence contre les défenseurs des droits humains. Plusieurs défenseurs renommés ont été tués en raison de leur travail, tandis que d’autres croupissent en prison. Ceux qui recensent les attaques contre les LGBTI font preuve d’un courage inimaginable, risquant d’être arrêtés, torturés, maltraités voire tués s’ils sont identifiés. Derrière les façades miroitantes des nouveaux buildings qui ne cessent de jaillir à travers Grozny, les murs des logements, des boutiques et des bureaux sont envahis par les portraits de Ramzan Kadyrov. Il est quasi impossible de regarder la télévision ou d’écouter la radio sans entendre son nom.