Il y a 40 ans, des marcheurs issus des quartiers populaires de grandes villes françaises arrivaient à Paris pour dénoncer le racisme et défendre l’égalité des droits. 40 ans après, ce combat est toujours d’actualité, d’autant plus que le gouvernement s’apprête à faire passer ce projet de loi à l’Assemblée nationale dès la fin novembre. Le projet initial était déjà synonyme de précarité aggravée des étranger-e-s y compris celles et ceux ayant des papiers. La version du texte votée par le Sénat a durci considérablement le projet initial. Elle réussit à pousser l’attaque contre les droits fondamentaux des personnes étrangères à un niveau d’inhumanité jamais atteint auparavant, au mépris des textes internationaux, des traités européens et même de la Constitution et de son préambule, dans un élan de surenchère xénophobe.
Si le texte était voté en l’état, ce serait sous prétexte de motivations aussi floues et flottantes que le « non respect des principes républicains » ou de « menace pesant sur l’ordre public » :
– la fin du renouvellement automatique de certains titres de séjour,
– la possibilité de supprimer le titre de séjour, voire d’expulser toute personne étrangère sur simple décision administrative, à la discrétion des préfets.
Les droits des étranger·es en général seraient fortement restreints et aucune solution acceptable ne serait apportée à la situation des milliers de personnes sans-papiers, en particulier grâce à leur régularisation mais les dispositifs disponibles pour les précariser, les réprimer et les expulser seraient renforcés.
-> L’aide médicale d’Etat pour les sans papiers serait transformée en aide médicale d’urgence et donc supprimée pour l’immense majorité des soins.
-> Le délit de séjour irrégulier (aboli en 2012) serait rétabli et passible de 3750€ d’amende.
-> Des quotas migratoires devraient être votés par le Parlement tous les 3 ans pour fixer le nombre d’étranger-e-s admis-es à s’installer en France
(hors demandeurs d’asile) : c’est une façon d’exclure de toute possibilité de régularisation des milliers de personnes qui pourraient l’être.
-> La durée du séjour ouvrant droit au regroupement familial passerait de 18 à 24 mois.
-> L’accès aux cartes de séjour et de résident pour les conjoint-e-s de Français-es et les parents d’enfants français serait restreint.
-> Les étudiant-e-s qui effectueraient leur premier séjour en France seraient contraint-e-s d’avoir une somme d’argent fléchée comme « caution de
retour ».
-> Le droit aux allocations familiales et à l’ aide personnalisée au logement (APL) serait conditionné à 5 ans de séjour régulier.
-> L’accès à la nationalité française pour les conjoint-e-s de Français-es serait conditionné à un niveau de français plus élevé qu’auparavant.
-> L’acquisition automatique de la nationalité à leur majorité pour les enfants nés en France de parents étrangers serait supprimée.
-> Le délai de résidence pour demander la naturalisation passerait de 5 à 10 ans de séjour régulier. Et bien d’autres mesures toutes plus inhumaines et restrictives des droits les unes que les autres.
Concernant la régularisation des sans-papiers par le travail
-> L’article 3 qui prévoyait un titre de séjour de plein droit dans les métiers en tension a été supprimé. Sa logique était de rendre le salarié captif de son employeur pour longtemps. Quant à la prétention du projet d’enlever des mains des patrons la régularisation, le texte sorti du Sénat obligera les préfectures à vérifier la réalité du travail auprès des employeurs. Et aucun d’entre eux n’aura intérêt à avouer à l’État qu’il utilise de la main-d’œuvre sans-papiers.
Et soulignons que tous les pseudo-droits existants ou concédés se heurteront, de toute manière, à la quasi-impossibilité d’obtenir un rendez-vous pour le dépôt de la demande. L’article 3 est remplacé par le nouvel article 4 bis et c’est un véritable recul y compris par rapport au droit actuel.
Enfin, un fichier des mineur·es étranger-e-s isolé-e-s délinquant-e-s serait créé, les jeunes majeur-e-s recevant une obligation de quitter le territoire Français (OQTF) se verraient systématiquement privé·es de la possibilité de bénéficier d’un contrat jeune majeur·e et les OQTF, accompagnées dans un nombre grandissant de cas d’interdiction de revenir sur le territoire (IRTF), seraient rendues encore plus faciles et même systématisés notamment pour les personnes déboutées du droit d’asile sans même vérifier qu’elles sont expulsables ce qui aggravera le nombre de personnes dites ni-ni, c’est à dire ni régularisables et inexpulsables privées de tous leurs droits.
Plus que jamais, nous disons que d’autres politiques sont possibles basées sur l’accueil, le respect et l’égalité des droits. C’est possible quand les responsables politiques le décident comme on l’a vu avec les réfugié-e-s ukrainien-ne-s.