Dans un nouveau rapport sur la situation des Roms en France, Amnesty International dénonce une politique insuffisante qui n’a pas interrompu le cycle infernal des expulsions forcées.
Intitulé « Condamnés à l’errance. Les expulsions forcées des Roms en France », ce rapport revient sur les différentes mesures prises par le gouvernement depuis un an et leurs conséquences sur la situation des Roms en France.
Il repose sur des recherches menées sur l’Ile de France mais également sur les agglomérations de Lille et de Lyon qui concentrent à elles seules près d’un quart de la population rom en France. Le rapport s’appuie sur de nombreux témoignages et entretiens menés auprès d’associations, collectifs de soutien, avocats, institutions indépendantes et personnes roms.
Il passe notamment en revue plusieurs dispositifs « d’anticipation et d’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites » préconisés par la circulaire interministérielle du 26 août.
Une politique insuffisante
Il souligne l’importante distorsion entre les dispositions de la circulaire et l’application qui en est faite de la part des préfets. La conséquence est qu’invariablement les dispositifs mis en place sont largement insuffisants et inefficaces car ils n’ont pas pour objectif principal la mise à l’abri des personnes et des familles excepté pour quelques individus considérés comme « vulnérables ».
Les évacuations sont menées en dépit des normes du droit international qui prévoit que des garanties soient mises en place afin de ne pas rendre les familles sans abri. A l’inverse, les familles continuent d’être expulsées sans avoir été ni informées, ni consultées et sans se voir proposer de solutions d’hébergement adaptées ou de relogement.
Les conséquences des expulsions : le témoignage d’Adela
Adela, 26 ans, habite en Île-de-France depuis 2002. Elle vit avec son mari Gheorghe et ses trois enfants dans un campement informel à Grigny, et elle est sur le point d’accoucher. Elle a été expulsée de Ris Orangis le 3 avril 2013 suite à un arrêté municipal, ce qui constituait d’après elle sa quinzième expulsion depuis qu’elle vit en France.
C’était comme toutes les expulsions depuis que je suis en France. La police est venue à 7 h 30, mais nous on était réveillés depuis 5 h 30, on avait même réveillé les enfants. Ils nous ont donné 15 minutes pour dégager. Tu peux rien faire, c’est leur boulot, nous on a pas de problèmes avec la police ; c’est pas de leur faute. Ça ne sert à rien de résister, tu sors comme tout le monde. »
Après l’expulsion, Adela a d’abord été hébergée cinq jours dans un hôtel à Nanterre, puis une semaine à Saint-Ouen. Ses trois enfants étaient scolarisés à Viry Chatillon, où elle avait vécu deux ans et demi, la plus longue période de stabilité qu’elle ait connu. En raison de la distance entre les hôtels et Viry Chatillon, ses trois garçons de 5, 8 et 11 ans n’ont pas été à l’école jusqu’à ce qu’elle se réinstalle à Grigny sur un autre campement informel deux semaines environ après l’expulsion.
Amnesty International rejoint les recommandations du Défenseur des droits dans son bilan d’application de la circulaire, et exhorte le ministre de l’Intérieur à rappeler à tous les préfets que les opérations d’évacuation doivent être effectuées en conformité avec les normes du droit international relatif aux droits humains.
Enfin, l’organisation regrette les propos qui sont tenus régulièrement par des personnalités politiques qui perpétuent les clichés et attisent les réactions d’animosité et de rejet. Le sort des Roms ne doit pas être réglé au regard des déclarations stigmatisantes et de vagues d’expulsion vers le pays d’origine. Il ne le sera que par l’affirmation d’une volonté politique d’accueillir des êtres humains qui n’aspirent qu’à une vie normale et à devenir des européens comme les autres.