© Chappatte dans Le Temps
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Lundi 6 mai. En direct de Kiev, une délégation d’Amnesty International, menée par Agnès Callamard, notre secrétaire générale, présente les conclusions de notre nouveau rapport sur les crimes commis par les forces russes dans la région au nord-ouest de Kiev. « Les pratiques criminelles des forces russes que nous avons constatées comprennent des attaques illégales et des homicides volontaires visant des civils », explique Agnès Callamard.
Ces derniers jours, la délégation s’est entretenue avec des survivants et des familles de victimes, et a rencontré des hauts fonctionnaires ukrainiens. « Nous avons rencontré des personnes dont les proches ont été tués dans de terribles attaques et dont les vies ont été bouleversées à jamais par l’invasion russe. Nous soutenons leurs appels à la justice et demandons aux autorités ukrainiennes, à la Cour pénale internationale et à d’autres entités de veiller à ce que les éléments de preuve soient préservés afin de permettre d’étayer de futures poursuites pour crimes de guerre. Il est essentiel que toutes les personnes responsables, notamment celles haut placées dans la chaîne de commandement, soient traduites en justice.»
Des frappes aériennes illégales à Borodianka
Les 1er et 2 mars, plusieurs frappes aériennes russes ont touché huit bâtiments résidentiels de la ville de Borodianka, à environ 60 kilomètres au nord-ouest de Kiev, où vivaient plus de 600 familles.
Les frappes ont fait au moins 40 morts parmi les habitants et ont détruit les bâtiments ainsi que des dizaines d’autres bâtiments et maisons aux alentours. La plupart des victimes ont été tuées dans les sous-sols des bâtiments, où elles avaient cherché refuge. D’autres personnes sont mortes dans leur appartement.
Le 2 mars au matin, une frappe unique a tué au moins 23 personnes dans le Bâtiment 359 de la rue Tsentralna. Parmi les victimes figuraient les proches de Vadim Zahrebelny : sa mère Lydia, son frère Volodymyr et son épouse Ioulia, ainsi que les parents de cette dernière, Loubov et Leonid Hourbanov.
Dessin de Chappatte pour "Le Temps"
Depuis le 24 février 2022, de nombreux Russes descendent dans la rue pour dénoncer l’invasion de l’Ukraine. L’opposition à la guerre est réelle mais les autorités veulent l’effacer. Les arrestations de manifestants se comptent par milliers. Un arsenal législatif renforcé les rend possibles. Explications.
Plus de 15 400 manifestants pacifiques ont été arrêtés en Russie depuis le début de la guerre en Ukraine (chiffre fourni par l’ONG russe OVD-info au 7 avril). Les arrestations sont massives, immédiates, presque surréalistes : pour la seule journée du 6 mars, 5 000 personnes ont été arrêtées dans 69 villes russes.
« NON À LA GUERRE ! » : AUSSITÔT DIT, AUSSITÔT ARRÊTÉ
« Non à la guerre ! ». Voici l’un des slogans scandés par les manifestants de la place Rouge à Moscou, des places centrales de Saint Pétersbourg et de dizaines d’autres villes partout en Russie. À cette opposition à la guerre, la police répond par une vague d’arrestations, arbitraires et souvent brutales. Même des enfants participants aux rassemblements ont été arrêtés, plus de 100 selon l’ONG OVD-info.
Les images des arrestations qui nous sont parvenues de Russie sont choquantes. Porter des ballons aux couleurs de l’Ukraine : arrestation. Ecrire « Non à la guerre » dans la neige : arrestation. Applaudir ou passer à côté d'une manifestation : arrestation. Détourner une pancarte en écrivant « Deux mots » (en référence au slogan « Nyet voyne », qui signifie « Non à la guerre») : arrestation. Tenir une pancarte blanche, sans aucun message de protestation : arrestation.
Les autorités ont lancé une véritable chasse aux sorcières en instrumentalisant le système judiciaire russe pour poursuivre les manifestants antiguerre.
UN ARSENAL DE LOIS RÉPRESSIVES
La répression n’est pas chose nouvelle en Russie. Depuis plus de quinze ans, les autorités russes utilisent des lois de plus en plus restrictives pour réduire au silence toute dissidence.
Avec la guerre en Ukraine, la répression s’est accélérée. Ces lois sont utilisées comme un outil de répression dans un contexte où les autorités russes entendent contrôler tout ce qui va être dit ou vu.
Une trentaine d’organisations de la société civile française expriment leur solidarité avec les populations touchées par la guerre en Ukraine, mettant l’accent sur l’accueil indiscriminé des personnes, contre un traitement à deux vitesses vis-à-vis des personnes fuyant d’autres conflits dans le monde
Depuis la nuit du 23 au 24 février, après que Vladimir Poutine a ordonné l’invasion de l’Ukraine, plus de 10 millions de personnes ont été déplacées de force : plus de 4,2 millions ont franchi les frontières internationales ukrainiennes, dont plus de 36 000 sont arrivées en France.
Depuis la nuit du 23 au 24 février, après que Vladimir Poutine a ordonné l’invasion de l’Ukraine, plus de 10 millions de personnes ont été déplacées de force : plus de 4,2 millions ont franchi les frontières internationales ukrainiennes, dont plus de 36 000 sont arrivées en France.
Les États membres de l’Union Européenne, d’habitude si peu enclins à s’accorder sur une politique d’accueil commune, se sont rassemblés le 4 mars 2022 en Conseil et ont actionné le dispositif exceptionnel de protection temporaire. La Directive 2001/55/CE – encore jamais activée, alors même que d’autres guerres ont déjà jeté des millions de personnes sur les routes de l’exil – offre une protection immédiate et collective à des personnes déplacées pour une période initiale d’un an qui peut être prolongée jusqu’à 3 ans.
Cet effort collectif des gouvernements européens, aussi inhabituel que surprenant, ne peut qu’être salué. Il est la preuve qu’une autre politique migratoire européenne et française, basée sur un accueil digne, est possible. C’est également la confirmation que les moyens existent et que promouvoir les droits fondamentaux de toute personne migrante est in fine une question de volonté politique.
Malgré le constat de cet élan de solidarité, nos organisations s’inquiètent du traitement à deux vitesses accordé aux exilés ukrainiens d’une part, et aux non ukrainiens d’autre part. Des témoignages ont rapidement fait état d’un traitement discriminatoire réservé aux personnes non ukrainiennes qui essayaient de fuir la guerre. C’est le cas, principalement, des étudiants africains contraints de quitter l’Ukraine, aux frontières avec la Pologne ou la Hongrie mais également des personnes russes et biélorusses exilées en Ukraine.
À l’heure où l’Europe se met en ordre de bataille pour accueillir les Ukrainiennes et Ukrainiens fuyant la guerre, il est important de rappeler que le droit d’asile est un droit universel. En 2021, plus d’un tiers des 154 pays analysés dans le cadre de notre rapport annuel ont refoulé des hommes, des femmes et des enfants à leur frontière ou les ont renvoyés illégalement dans leur pays, parfois au péril de leur vie. Ce sombre constat nous interroge : le « risque de mourir » serait-il devenu acceptable ?
En 2021, 84 millions de personnes ont quitté leur foyer. Un nombre record. Des personnes poussées hors de chez elles en raison des inégalités, du changement climatique ou des violences liées aux conflits. Le retour au pouvoir des Talibans en Afghanistan en août 2021, l’enlisement de la guerre en Éthiopie et la situation au Myanmar ont, par exemple, entraîné de nouvelles vagues de déplacements. De la même façon, le conflit persistant en République démocratique du Congo a conduit, à lui seul, 1,5 million de personnes à abandonner leur domicile en 2021. Tandis qu’au Venezuela, c’est l’aggravation de la crise humanitaire et la pauvreté extrême qui a conduit des milliers de personnes a quitté le pays cette année encore. Depuis l’éclatement du conflit en Ukraine et à l’heure où l’on écrit ces lignes, près de 4 millions d’Ukrainiennes et d’Ukrainiens ont trouvé refuge dans les pays voisins selon le HCR.
Communiqué d'Amnesty International
Après des semaines d'escalade, le président russe Vladimir Poutine a donné l’ordre d’attaquer l’Ukraine, le 24 février 2022, à 5 heures du matin. Cette invasion viole la Charte des Nations unies : elle constitue un “crime d’agression” au regard du droit international.
Le droit international humanitaire bafoué
Parce que même la guerre a ses "lois", nous enquêtons depuis le début de l'invasion sur les violations des droits humains en Ukraine. Nous avons documenté plusieurs attaques aveugles et l’utilisation par les forces armées russes d’armes non discriminantes, comme des bombes à sous-munitions, dans des zones urbaines. Nous avons également documenté des attaques contre des civils et des infrastructures civiles comme à Irpine, dans la banlieue de Kiev. Il s’agit de violations graves du droit international humanitaire et de possibles crimes de guerre.