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Les migrants reçus comme des princes
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Crise humanitaire à Lampedusa : le reflet de politiques défaillantes
Publié le 15.09.2023 pae Amnesty InternationalEn deux jours, des centaines d’embarcations de fortune sont arrivées sur l’île de Lampedusa, en Italie. Plus de 6 000 personnes étaient présentes à bord. Face à ce nouveau drame, la réponse des autorités italiennes est très insuffisante. Tout comme la solidarité européenne.
Un nourrisson âgé de cinq mois seulement a perdu la vie au large de Lampedusa, dans la confusion des opérations de débarquement menées par les garde-côtes italiens. Sa mère, une mineure guinéenne, a été sauvée avec les 45 personnes avec lesquelles elle voyageait sur une embarcation partie de Sfax, en Tunisie.
L’agitation était telle à Lampedusa ces dernières heures que l’attention s’est vite déportée de ce drame : en deux jours, plus de 6 000 personnes sur plus d’une centaine d’embarcations ont débarqué sur l’île par leurs propres moyens ou avec l’assistance des garde-côtes.
Ces personnes proviennent pour la plupart de pays subsahariens. Nombre d’entre elles sont mineures.
Elles sont parties depuis la Libye, touchée récemment par le cyclone Daniel, et surtout depuis la Tunisie.
Des moyens d’accueil insuffisants
Les nombreuses personnes qui ont débarqué à Lampedusa ces dernières heures sont confrontées à l'insuffisance de l'intervention de l'État italien.
Les médecins et autres professionnel·les de la santé et les médiateur·ices sont en nombre insuffisant pour répondre aux besoins, de sorte que les personnes qui arrivent, après avoir voyagé sur des embarcations de fortune dans des conditions très difficiles, sont contraintes d'attendre parfois plusieurs heures au soleil pour obtenir une première prise en charge et un transfert dans des bus de la Croix-Rouge au hotspot de Contrada Imbriacola.
Ce sont les forces de l’ordre qui gèrent la situation à l'embarcadère de Favarolo. La Guardia di Finanza y a lancé une charge contre un groupe de personnes exilées. Les images qui y ont été filmées sont indignes.
Entre-temps, le seul centre d’accueil de Lampedusa a largement dépassé son seuil de saturation : plus de 6 000 personnes y sont présentes pour une capacité de 400 places, ce qui engendre une forte promiscuité entre hommes, femmes et personnes mineures. Pour tenter de remédier à la situation, des transferts sont organisés, y compris par des navires militaires, vers d'autres régions italiennes.
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Le sauvetage est un droit et un devoir, pas un crime ! Stop aux attaques contre les OSC et les personnes en mouvement
Plus de 30 organisations de la société civile (OSC) font part de leurs préoccupations et adressent leurs recommandations à l’Union européenne et à ses États membres avant la réunion du Conseil “Justice et affaires intérieures” d’aujourd’hui et de demain sur la dimension extérieure des migrations et le pacte européen sur la migration et l’asile.
Les 2 et 3 juin 2023, EuroMed Droits a rassemblé plus de 30 OSC de toute la région euro-méditerranéenne travaillant sur la migration et l’asile lors d’un séminaire de deux jours et d’une série d’ateliers sur le droit au sauvetage en Méditerranée et sur la criminalisation accrue et les représailles contre les OSC et les personnes en mouvement en Europe et dans la région du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (MENA).
Depuis de nombreuses années, les OSC et les personnes migrantes et réfugiées elles-mêmes sont témoins d’une escalade féroce des attaques contre elles et leur travail, avec des lois, des politiques et des pratiques qui portent atteinte à leurs droits, y compris avec des peines sévères et la privation de liberté. Les ONG de recherche et de sauvetage (SAR) en Italie, en Grèce, à Malte et en Méditerranée centrale ont été criminalisées et empêchées de sauver des vies en mer, comblant ainsi le vide laissé par les États qui ne respectent pas leurs obligations et responsabilités internationales.
Il est vraiment nécessaire de changer complètement les politiques actuelles de migration et d’asile et de mettre en œuvre des politiques de migration et d’asile véritablement fondées sur les droits humains. Il est temps d’augmenter structurellement les voies légales et sûres de protection, en augmentant le nombre de visas, de réinstallations et de couloirs humanitaires, en élargissant les critères et en simplifiant les procédures de regroupement familial, ainsi qu’en respectant le droit à la liberté de circulation et en ne l’entravant pas par tous les moyens possibles, en contenant les migrations et en procédant à des refoulements illégaux. Il est important de mettre en place une opération de recherche et de sauvetage à l’échelle de l’UE afin de réduire le nombre de décès et de disparitions en mer.
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Pourquoi la criminalisation des migrants étrangers ne règlera pas la question migratoire ?
Tribune de Jean-Claude Samouiller, président d'Amnesty International France.
L’énoncé même de cette question est révélateur. D’emblée est posée l’affirmation que la migration est une « question à régler », et qu’elle constitue forcément un problème.
Les discours dominants parlent de « flots », de « vagues migratoires ». Utiliser de tels mots, des mots qui déshumanisent, c’est occulter la gravité des souffrances des personnes dans leur pays d’origine, tout au long de leur parcours migratoire et dans le pays d’’'accueil”.
C’est faire percevoir ces personnes comme une menace. C’est faux, c’est injuste, c’est insultant.
Mais rien n’y fait. Dans les discours publics, dans les médias, ces personnes sont assimilées à des délinquants ou à des criminels. Alors qu’au pire elles ne font qu’enfreindre des dispositions administratives.
Jamais ne sont déconstruits les discours alarmistes et faux, alors que les chiffres parlent d’eux même : le solde migratoire est constant d’une année sur l’autre en France d’environ 150 000 personnes (0,22% de la population).
Sur la vingtaine de textes de loi publiés en 30 ans sur le sujet, “le migrant”, “le demandeur d’asile” est toujours présenté comme le problème, comme le danger, comme la personne à contrôler et à expulser le plus rapidement possible.
Le projet de loi tel qu’il se dessine ne fait pas exception à la règle. Il faut accélérer les procédures, délivrer des Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) avant même la fin des recours ce qui complexifie et fragilise encore un peu plus la situation du demandeur d’asile. Il faut passer à un juge unique pour la Cour Nationale du Droit d’Asile (CNDA) au risque d’une moins bonne connaissance de la situation du pays d’origine de la personne.
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Les outre-mer sous tutelle du ministère de l’intérieur : un signal inquiétant
Communiqué du collectif "Migrants Outre-Mer"
La suppression, dans le Gouvernement Borne 2 d’un ministère dédié à l’outre-mer pour placer celui-ci sous l’égide du Ministre de l’Intérieur constitue un signal inquiétant notamment pour les personnes étrangères.
Certes, il appartient au ministère de l’intérieur, si l’on en croit les textes officiels, de maintenir la cohésion des institutions du pays et de garantir aux citoyens l’exercice des droits, devoirs et libertés affirmés par la Constitution.
Mais nos associations craignent que ce rattachement ne confirme le traitement plus sécuritaire que social et économique des problèmes dans les départements et territoires ultra-marins.
Nous dénonçons quotidiennement l’utilisation des Outre-Mer comme laboratoire des discriminations par l’application d’un droit dérogatoire, spécifique et “à la carte” selon les territoires. Les expérimentations en matière de maintien de l’ordre, les barrages permanents, les possibilités de contrôles d’identité étendues à tout le territoire et l’usage abusif de la Légion Etrangère traduisent le traitement avant tout sécuritaire des problèmes de l’outre-mer. Par ailleurs, l’impossibilité pour les personnes de faire une demande d’asile ou de droit au séjour dans de bonnes conditions, l’usage systématique de la visioconférence pour les audiences devant la Cours Nationale du Droit d’Asile, la quasi-absence de dispositifs d’accueil et une allocation (ADA) minorée bafouent le droit d’asile. En matière d’accès aux soins, l’insuffisance d’infrastructures, l’iniquité des couvertures maladie disponibles entre les territoires (Aide Médicale d’Etat, Complémentaire Santé Solidaire, etc.) ont des effets délétères sur la santé des personnes. Les jeunes mineur·e·s isolé·e·s (ou non), les personnes de nationalité française comme étrangères sont victimes chaque jour de ce droit dérogatoire sur les douze départements et territoires de la Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion, Mayotte, La Nouvelle-Calédonie, La Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes et antarctiques françaises et les îles de Wallis-et-Futuna.
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Migrations : Il faut mettre fin à « la politique qui ne génère que maltraitance et violence »
Tribune, Le Monde, publiée le 4 février 2022
Signé il y a dix-neuf ans par Paris et Londres, ce texte fait de la France le « bras policier » de la politique migratoire du Royaume-Uni pour empêcher les personnes exilées de traverser la Manche, dénoncent une trentaine d’ONG dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Depuis plusieurs décennies, des hommes, des femmes et des enfants originaires d’Europe de l’Est, d’Afrique de l’Est, du Moyen-Orient ou d’Asie du Sud-Est, toutes et tous en recherche de protection, survivent sur le littoral de la Manche et de la mer du Nord. La plupart de ces personnes exilées présentes sur nos côtes n’ont qu’un seul objectif : franchir – par tous les moyens – la frontière qui se dresse devant elles et qui les empêche de rejoindre le Royaume-Uni.
Il y a dix-neuf ans, le 4 février 2003, à la suite de la fermeture du centre de Sangatte et dans le prolongement du traité de Canterbury du 12 février 1986, la France et le Royaume-Uni signent le traité du Touquet. La frontière britannique est externalisée sur le sol français moyennant des financements de la Grande-Bretagne. La France devient le « bras policier » de la politique migratoire du Royaume-Uni pour empêcher les personnes exilées de traverser la Manche.
Expulsions, confiscations
Sur les côtes françaises, les autorités mettent en œuvre une politique de lutte contre la présence des personnes exilées et d’invisibilisation de celles-ci. Les maltraitances quotidiennes qu’elle implique sont nombreuses : expulsion de lieux de vie, confiscation d’affaires, maintien à la rue en l’absence de services permettant de couvrir leurs besoins fondamentaux, entrave à l’action des associations, etc.
Cette politique n’est pas seulement indigne et inacceptable, elle est également mortelle : au moins 342 personnes ont perdu la vie à la frontière franco-britannique depuis 1999, dont 36 en 2021. La poursuite année après année de cette politique inhumaine, la répétition de ces maltraitances et de ces drames pourraient nous pousser au fatalisme. Au contraire, nous agissons pour l’amélioration de la situation, pour le respect des droits et de la vie des personnes en exil.
C’est dans cet esprit que la Plate-forme des soutiens aux migrant·e·s, dont nous sommes membres ou que nous soutenons, a demandé à l’anthropologue Marta Lotto (« On The Border, la vie en transit à la frontière franco-britannique ») et au politologue Pierre Bonnevalle (« Enquête sur trente ans de fabrique politique de la dissuasion : l’Etat français et la gestion de la présence des personnes exilées dans la frontière franco-britannique. Harceler, expulser, disperser ») d’enquêter, pour l’une, sur les conditions de vie des personnes en transit et, pour l’autre, sur la gestion par les autorités françaises de la présence des personnes exilées à la frontière [présentation des deux rapports le 4 février, à l’université du Littoral-Côte d’Opale (ULCO), à Dunkerque].
Leurs analyses fines nous permettent une compréhension globale de la situation et nous contraignent, nous citoyens, à mettre les autorités face à leurs responsabilités et à leur imposer la mise en œuvre d’une politique alternative.
Aux portes de leur rêve
En effet, Marta Lotto, dans son rapport, nous indique que les raisons pour lesquelles ces personnes sont à Calais (Pas-de-Calais), Grande-Synthe (Nord), Ouistreham (Calvados) ou, pour d’autres, moins nombreuses, à Norrent-Fontes (Pas-de-Calais), Steenvoorde (Nord) ou Cherbourg (Manche), sont diverses.
Certaines ont commencé leur parcours migratoire avec l’objectif de vivre en Grande-Bretagne ; après un périple de quelques jours ou de plusieurs années, elles se retrouvent bloquées aux portes de leur rêve.
D’autres, au contraire, n’ont jamais imaginé aller en Grande-Bretagne, mais les circonstances de leur parcours les ont conduites aux portes de ce pays, qui est alors devenu le dernier recours face aux rejets auxquels elles ont été confrontées ailleurs en Europe.
Depuis trente ans, sans cesse, parce qu’elles veulent rejoindre leur famille, parce qu’elles sont anglophones ou parce qu’elles nourrissent de vains espoirs d’accéder à une vie meilleure, des personnes tentent de franchir les quelques dizaines de kilomètres qui les séparent de la Grande-Bretagne.
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Naufrage meurtrier dans la Manche : chronique d’un drame annoncé
Publié le 25.11.2021 par Amnesty International.Un nouveau drame a eu lieu. 27 personnes sont décédées hier, en essayant de rejoindre l'Angleterre en bateau depuis Calais. Ces tragédies récurrentes à nos frontières sont insupportables. Elles pourraient pourtant être évitées.
Non, les passeurs ne sont pas les uniques responsables de ce drame. Ce drame, comme tant d’autres en mer Méditerranée ou à nos frontières avec l’Italie, l’Espagne ou la Grande Bretagne, est aussi la conséquence de 30 années de politiques migratoires sécuritaires organisées par la France, la Grande Bretagne et l’Union Européenne.
Et oui, le naufrage survenu hier dans la Manche, faisant état de 27 personnes mortes et une personne disparue, est une tragédie qui aurait pu être évitée.
C’est ce que nous dénonçons dans une lettre ouverte adressée aux autorités françaises, et co-signée par La Cimade, Médecins sans Frontières, Médecins du Monde et Secours Catholique-Caritas France.
Notre indignation face à la réaction des autorités
Si nous souhaitons d’abord et avant tout exprimer notre profonde tristesse et présenter nos condoléances aux proches des personnes décédées, nous voulons également faire part de notre indignation face à la réaction des autorités.
La France et le Royaume-Uni se dérobent à leurs responsabilités. Les personnes migrantes qui traversent aujourd’hui la Manche pour rejoindre le Royaume-Uni le font uniquement car aucune autre voie légale n’est possible pour rejoindre ce pays.