Un patrimoine au service du devoir d’histoire et d’amitié entre deux peuples et plus généralement en faveur de la paix
En ce dimanche 20 Juillet, sous un ciel tourmenté mais en fin de compte clément, une foule était réunie au cimetière allemand de Chestres : délégation militaire française, réservistes allemands de la ville de Püttlingen, porte-drapeaux et représentants des associations patriotiques, délégation de jeunes sapeurs-pompiers de Vouziers, consul honoraire représentant Madame l’Ambassadrice d’Allemagne en France, parlementaire ardennais et élus locaux, Sous-Préfet de l’arrondissement de Vouziers, membres de l’association des Falaîrats d’Argonne, habitants de Falaise…
Par des dépôts de gerbes un hommage est rendu aux soldats allemands et français morts pendant la première guerre mondiale. Dans ce cimetière ont été transférées vers 1930, parmi d’autres, une partie des sépultures des soldats initialement inhumés à Falaise, dans un cimetière provisoire ouvert dès le début de la guerre dans un clos, au cœur du village, à proximité du cimetière civil.
Falaise, commune d’étape de soldats de la IIIe armée, engagés sur le front de Champagne tout proche, était desservie par des trains circulant sur une voie étroite de 0,60m qui se terminait d’ailleurs à Falaise. Ce lien ferré conférait une importance au cantonnement militaire allemand où les relèves du front venaient se réconforter à un rythme régulier. Les soldats trouvaient là des structures d’accueil, de repos et de soins dont un hôpital de campagne. Les blessés et malades qui y mourraient recevaient une sépulture sous une croix de bois.
La chapelle
Construite vraisemblablement dans la seconde moitié de l’année 1917 et au début de 1918, ce petit édifice qui mêle de la belle pierre de taille jaune d’or à de la brique locale couverte de crépis est décoré par deux bas-reliefs symboliques. Sur le fronton de la façade, un légionnaire tient dans sa main droite une couronne de laurier et sa main gauche ne brandit plus le lourd glaive rangé dans son étui. Honneur aux combattants et aspiration à la paix. Au dessus des plaques de pierre gravées des noms des morts, au fond de la chapelle, le second bas-relief représente une mère, une épouse et son enfant éplorés de part et d’autre d’une urne funéraire. La guerre est une épreuve cruelle qui plonge des familles dans la peine. La chapelle ne porte aucun signe religieux, c’est une construction dont le caractère laïc témoigne du respect envers tous les soldats quelles que soient leurs convictions.
Depuis 2005, sous l’impulsion de David Murzin, un historien local tenace et persévérant, un projet de restauration prend corps. Il va au fil du temps réunir un groupe de bénévoles qui s’organise au sein de l’association des Falaîrats d’Argonne présidée aujourd’hui par Mireille Michelet. Simultanément, par l’heureux intermédiaire de Karl Freudenstein et par un réseau de connaissances, l’amicale des réservistes de la ville de Püttlingen, en Allemagne, avec à sa tête, l‘enthousiaste Bernd Längler, s’engage dans le projet de restauration de la chapelle. Depuis 2010 par des chantiers conjoints des Falaîrats conduits par Dominique Forêt et des réservistes allemands autour des frères Längler , la restauration complète du bâtiment est réalisée.
Aujourd’hui au cours d’une cérémonie émouvante la chapelle fut inaugurée. C’était la première manifestation ardennaise labellisée « Centenaire 1914-1918 ». Après le dépôt de trois gerbes sur les marches de la chapelle, le poète Pascal Lefèvre de Sarrebourg, déclama trois sonnets inspirés par la chapelle et célébrant la Paix. Un aumônier militaire allemand bénit la chapelle. Des enfants (photo ci-dessous) lurent des lettres poignantes de soldats allemands et français. Bernd Längler (photo ci-contre) rappela la chronologie de l’engagement des réservistes et les travaux qu’ils réalisèrent. Le professeur Jean-Claude Etienne, natif de Falaise, fit une brillante allocution et rendit hommage aux efforts partagés des Falaîrats et des réservistes allemands. Le Sous-préfet conclut les discours en se félicitant de cette initiative privée au service de la mémoire et du patrimoine et en célébrant l’amitié entre les peuples et leur aspiration à la Paix.
René Busquet et Jacques Lantenois, les deux maires qui soutinrent successivement le projet furent chaleureusement remerciés.
Une dernière cérémonie devant le monument aux morts de la commune fut suivie par un vin d’honneur.