Les salariés de Thomé-Génot ont vécu la liquidation judiciaire de leur entreprise, et après la reprise par Ardennes Forge une deuxième liquidation : le sauveur annoncé n'a pas tenu ses promesses . Un dispositif de CTP ( contrat de transition professionnelle) a été mis en place, mais il apparaît que les salariés n'aient pas bénéficié des formations liées à ce contrat . Une partie de l'argent a-t-elle été détournée ? C'est ce que doit dire la justice qui est saisie . Voici le compte rendu du"Monde" :
Jusqu'au bout, Thomé-Génot aura été poursuivi par le mauvais sort. Il y a vingt ans, cet équipementier automobile, niché dans la vallée de la Meuse, à Nouzonville (Ardennes), trônait en leader mondial du pôle d'alternateurs. Aujourd'hui, le coeur de l'usine a cessé de battre, mais son nom continue d'apparaître dans un interminable feuilleton judiciaire, qui vient de connaître de nouveaux rebondissements : le dernier directeur du site a été mis en examen pour abus de biens sociaux et escroquerie aux Assedic.
Dépouillée de sa trésorerie par des actionnaires américains indélicats, l'entreprise avait été poussée à la liquidation en octobre 2006 (Le Monde du 22 novembre 2006). Mais les collectivités locales s'étaient démenées pour sauver l'activité. Vice-président du conseil général, à l'époque, Philippe Mathot (photo ci-contre) avait fait venir des investisseurs, avec l'appui d'un autre élu de l'assemblée départementale, Boris Ravignon, aujourd'hui conseiller à l'Elysée. Finalement, Bruno Quéval, patron d'une filiale du groupe néerlandais Farinia, avait repris l'affaire et créé, sur les cendres de Thomé-Génot, une nouvelle société :Ardenne Forge Pour favoriser l'envol de cette SARL, le conseil général et Oseo, un établissement public qui soutient les PME, avaient donné un coup de pouce. Durant plusieurs mois, une partie de la rémunération des salariés avait été prise en charge dans le cadre du contrat de transition professionnelle (CTP), un dispositif réservé à certains bassins d'emploi. De même, des aides à la formation avaient été accordées à l'entreprise.
Malgré toutes ces mesures, Ardennes Forge a dû fermer ses portes, après une seconde mise en liquidation prononcée en juin 2008. Epaulés par leur avocat, Me Xavier Médeau, les salariés ont alors déposé plainte contre le directeur d'Ardennes Forge : ils lui reprochaient d'avoir empoché des subsides en contrepartie d'actions de formation qui ne furent pas dispensées, selon eux.
"QUE JUSTICE PASSE"
Le parquet de Charleville-Mézières a ouvert une enquête préliminaire, puis une information judiciaire. Début novembre 2008, M. Quéval a été placé en garde à vue pendant un peu plus de 24 heures, et interrogé par les enquêteurs du SRPJ de Reims. L'un de ses collaborateurs a, comme lui, été mis en examen - mais uniquement pour escroquerie, indique-t-on au parquet. Outre la question des formations qui seraient inexistantes, les policiers mènent des investigations sur des sommes qui auraient transité d'Ardennes Forge vers d'autres sociétés.
M. Quéval ne comprend pas les reproches qui lui sont faits. "Ça me paraît disproportionné", confie-t-il. Les dispositifs, dont Ardennes Forge a profité, lui avaient été proposés par "les services de l'Etat, avec la bénédiction de tout le monde". "Que justice passe, déclare-t-il. On rétablira la vérité."
M. Mathot, lui, assume pleinement le rôle qu'il a joué fin 2006, début 2007, et se dit même "très fier" d'avoir "mis M. Quéval dans le circuit". Cet industriel, ajoute-t-il, a fait preuve de "courage" en reprenant une usine qui évoluait dans un secteur où la concurrence est féroce. La tournure prise par cette affaire est "écoeurante", aux yeux de M. Mathot.