Chargée depuis 2012, au sein d’Amnesty International Brésil, de suivre le dossier des expulsions forcées, Renata Neder, assure que la proximité avec les habitants des favelas et les mouvements sociaux est indispensable pour comprendre les réalités du terrain et accomplir efficacement sa mission. À condition, pour Amnesty International, de savoir conserver la bonne distance. Entretien
Après la vague d’expulsions forcées de 2010 et 2011, quelle est la situation pour les habitants des favelas de Rio de Janeiro ?
Il existe, aujourd’hui encore, de nombreuses favelas dans lesquelles les habitants sont menacés d’expulsion. Ces menaces sont de deux types : d’abord les grands travaux d’aménagements urbains liés aux méga-événements tels que la Coupe du monde 2014 et les jeux Olympiques 2016 ; ensuite les expulsions lorsque les autorités estiment que les favelas sont construites sur des zones dites à risques, notamment d’effondrements ou d’inondations. Aujourd’hui, les principales menaces d’expulsions sont liées à la construction, en cours ou à venir, de trois axes routiers qui traversent la ville : la TransOlimpica, la TransCarioca et la TransBrasil. Un autre axe routier, la TransOeste, a été achevé l’an dernier. Sa réalisation a donné lieu à de massifs et violents déplacements de populations et nous savons que ces trois autres chantiers ont déjà et vont encore en entraîner. La question est de savoir dans quelles conditions vont se réaliser ces déplacements.
Comment analysez-vous les expulsions forcées survenues à Rio de Janeiro depuis l’attribution de la Coupe du monde, puis des jeux Olympiques ?
Lorsque l’on regarde en arrière, on s’aperçoit que les expulsions forcées ont souvent été accompagnées d’une série récurrente de violations des droits. Parmi elles, le manque d’accès aux informations liées aux projets (planification des travaux, dates de déplacements prévus des populations). La plupart du temps, il n’existe aucun dialogue avec les communautés afin d’évoquer les alternatives à un déplacement, notamment en réalisant des travaux de contention. Lorsque des solutions sont évoquées, toute une série de problèmes se pose comme des propositions d’indemnisations très faibles, qui poussent les habitants à demeurer dans des logements informels et précaires. Ou alors, les relogements proposés se trouvent dans des lieux très distants.
Dans ce contexte, en quoi consiste le travail d’Amnesty Brésil ?
Amnesty International n’a ouvert son antenne au Brésil qu’en 2012. Jusque-là, le travail avait été réalisé à distance à partir d’informations récoltées auprès de partenaires locaux. Depuis, la nature du travail a évolué. D’abord, le fait que nous soyons plus près de la réalité change les relations que nous avons avec les habitants des favelas et avec les partenaires locaux. Ensuite, nous nous étions fixés comme objectif de produire rapidement davantage de contenu et d’avoir une incidence politique sur les autorités locales. Nous nous sommes donc impliqués dans deux collectifs importants : le « Comité populaire pour la coupe et les jeux Olympiques », regroupant des dizaines d’associations et de mouvements sociaux de l’ensemble du Brésil, et le « Forum communautaire du port », qui accompagne spécifiquement la favela de Morro da Providencia.
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