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Manifestation contre le racisme et l'antisémitisme : un ferme discours de riposte

Voici l'intégralité du discours de Michel Coistia devant l'école Dora Levi de Vouziers ce samedi 21 décembre 2013

Madame Claude Baudier a dessiné  la silhouette de cette petite fille, symbole de jeunesse et d’innocence pour donner chair et sens à « Dora Lévi » le nom choisi en mars 1986 par le conseil municipal de la Ville pour cette école maternelle. Cette petite fille sautillant sous les étoiles, légère comme l’oiseau son complice et ami, pouvait-elle penser qu’un jour, une sinistre étoile s’accrocherait sur le bustier de sa robe et que de noirs charognards assombriraient le ciel de son enfance. Dora avait 12 ans quand elle est arrêtée, en classe, à l’école Taine, par deux soldats allemands le 12 octobre 1942. Avec ses parents, Abraham son père et Renée sa mère, elle est conduite à Charleville pour y être interrogée. Les 16 et 17 juillet précédents, la police française avec quelques officiers nazis a conduit la rafle du vel d’hiv’au cours de laquelle 12 884 juifs étrangers dont 4051 enfants sont arrêtés. Du camp de Drancy à celui d’Auschwitz, « nus et maigres, tremblants, dans des wagons plombés qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent. » Arrêtée une seconde fois , toujours en classe , à l’école Taine, le 3 janvier 1944, Dora est emportée de nuit, avec sa mère Renée, en compagnie de Moïse, Esther et Fernand Scheuer, sous une pluie battante et glaciale, dans un camion non bâché, pour le funèbre  camp de Drancy. En descendant du train dans la nuit du 22 au 23 janvier, à Birkenau à 2 km d’ Auschwitz, sous les aboiements des chiens menaçants que maitrisent mal des ombres hurlantes procédant à un sinistre tri, Dora et sa mère, suivent la longue file des 460 femmes, des 221 enfants et des 396 hommes faibles et malades condamnés à mourir dans ces simulations de  douches que sont les chambres à gaz au Zyklon B où ils sont tous conduits dès leur arrivée et où ils meurent le 23 janvier 1944. Dora née le 29 septembre 1930 n’a pas 14 ans.

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Un âge proche des enfants qui jouent sur le skate parc. « Mort au juif » y était écrit à la peinture noire. Cet appel haineux, ce crachat mortifère que je me refuse à appeler graph ou tag car ces mots trop ambigus ou trop faibles sont en général associés à des messages moins nauséeux, cette noire  vomissure antisémite a souillé des murs, des affiches, des journaux, des textes de lois comme ceux de Vichy établissant un statut pour les juifs, des tracts et sous sa forme orale, des discours, depuis bien longtemps et dans une relative indifférence. Le peuple juif est confronté à l’antisémitisme depuis sa création. Mais depuis la shoah, les mêmes mots se sont chargés de la mise à mort de 5 750 000 Juifs. Insupportables déjà au moment de l’affaire Dreyfus, les appels, les actes, les agressions antisémites sont devenues intolérables depuis l’holocauste. Ils nous donnent la nausée  et  nous aimerions que cette nausée fasse se lever un front du refus, puissant et déterminé. Ce n’est malheureusement pas encore  le cas. Et pourtant, les tireurs lâches à la gâchette de peinture fielleuse, ont forcé la dose de venin en  ajoutant  d’autres slogans racistes, fascistes  pour atteindre  un niveau d’ignominie inimaginable. La référence au white power, au pouvoir blanc, expression d’une nostalgie de l’esclavage, de l’apartheid et de la colonisation la plus rétrograde , référence chère aux skinheads de l’extrême droite, admirateurs d’Adolphe Hitler, connus pour leurs agressions physiques contre les immigrés, les hippies, les homosexuels, les juifs, les musulmans, les communistes, la croix celtique écourtée, symbole de ralliement de ceux là mais aussi , chez nous, du mouvement Occident à  Ordre Nouveau, d’ Unité radicale aux mouvements identitaires.

 

Mais le plus alarmant ne nait pas d’un inventaire des organisations racistes, homophobes, antisémites, islamophobes mais du constat que leurs idéologies immondes sont partagées toujours davantage et de façon de moins en moins insidieuse par beaucoup de personnes. L’élection récente d’une jeune fille à la peau  brune au titre de miss France déclenche sur les réseaux sociaux un flux d’insultes racistes d’une extrême violence, chacune d’elle constituant  un délit. Des enfants accompagnés de leurs parents insultent Christiane Taubira. L’indignation est peu partagée. La victime déclare d’ailleurs qu’il vaut racisme,antisémitisme,xénophobie,vouziers,ldh,dora levimieux ne pas  trop en parler. C’est ce que disent aussi, en général, les témoins d’expressions d’intolérance. On ne dit rien, à quoi ça servirait ? Devant cette réelle  résignation  il est un devoir de réagir publiquement et de clamer haut et fort, notre indignation. Mais il est un autre devoir c’est de tenter de comprendre. La misère matérielle ajoutée à une pauvreté culturelle, le sentiment d’être abandonné par la société au point de s’y sentir oublié, humilié même, conduit à considérer la réussite, l’existence même de l’autre avec lequel on ne peut s’identifier parce qu’il est différent, comme une provocation insupportable. L’absence de reconnaissance  de ces détresses, la multiplication de  ces désespérances conduisent  à  chercher des boucs émissaires et à les trouver parmi ceux auxquels on ne peut s’identifier, ceux desquels on se sent étranger. Elles incitent aussi à espérer en un pouvoir radical voire barbare qui puisse éradiquer de la société ces briseurs d’espoirs, ces voleurs d’avenir. La main qui ne leur est plus tendue, ils la tendent vers le ciel, ils la plient en quenelle sur leurs avant-bras. Au signe de leur reconnaissance, de leur écoute qu’ils attendent en vain de notre société ils préfèrent la croix celtique ou gammée, signe de leur appartenance à une communauté qui répond à leurs fausses espérances. Par leurs mots, leurs cris, leurs bulletins de vote, ils crachent au visage de notre république leur déshumanité.

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Il faut sans aucun doute refuser toutes les formes d’intolérance mais il paraît nécessaire, si l’on vise l’efficacité, à ne pas rejeter les intolérants. Les chemins de l’écoute, du dialogue, de l’explication sont difficiles et pourtant ils semblent incontournables. L’Histoire nous apprend que rejeter l’insupportable ne suffit pas à l’éradiquer. A l’occasion de ce rassemblement, nous pourrions peut-être, prendre et partager cette  double résolution : nous ne laisserons rien passer en matière de racisme, d’antisémitisme, d’islamophobie, d’homophobie et de toute expression niant le droit à la différence mais en même temps nous tenterons d’expliquer et de convaincre celles et ceux qui en sont les porteurs et les diffuseurs qu’ils se trompent et qu’ils ont leur place dans la république libre, égale et fraternelle que nous aimons.

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