Gaza: le bilan d'Amnesty International
Sans faire de parallèle entre Israel et le Hamas, AI tire le bilan de l'offensive contre Gaza, et démontre que l'état d'Israel refuse une enquête impartiale sur cette guerre.
Les forces israéliennes ont tué des centaines de civils palestiniens non armés et détruit des milliers d'habitations à Gaza dans le cadre d'attaques qui bafouaient les lois de la guerre, a conclu Amnesty International dans le nouveau rapport très circonstancié qu'elle publie ce jeudi 2 juillet 2009 – premier rapport d'envergure qui traite du conflit de vingt-deux jours ayant éclaté au début de l'année.
« Les autorités israéliennes se montrent peu enclines à enquêter dûment sur la conduite de leurs troupes à Gaza, y compris sur les crimes de guerre, et refusent obstinément de coopérer avec la mission d'enquête indépendante et internationale de l'ONU dirigée par Richard Goldstone. Il est clair qu'Israël souhaite se soustraire à un examen public et à l'obligation de rendre compte de ses actes, a indiqué Donatella Rovera, qui a conduit une mission de recherche sur le terrain à Gaza et dans le sud d'Israël durant et après le conflit.
« La communauté internationale, à l'instigation du Conseil de sécurité de l'ONU, doit user de toute son influence pour qu'Israël coopère pleinement à la mission d'enquête de Richard Goldstone, qui représente actuellement le meilleur moyen d'établir la vérité. »
Le Hamas et d'autres groupes armés palestiniens ont tiré des centaines de roquettes sur le sud d'Israël, tuant trois civils israéliens, faisant de nombreux blessés et provoquant la fuite de milliers de civils. « Ces attaques menées en toute illégalité constituent des crimes de guerre et relèvent de l'inacceptable », a ajouté Donatella Rovera.
Fondé sur des éléments de preuve recueillis par les délégués d'Amnesty International, dont un expert militaire, au cours de recherches menées sur le terrain en janvier et février 2009, le rapport donne des précisions sur l'utilisation par Israël d'armes conçues pour les champs de bataille contre une population civile prise au piège à Gaza, incapable de fuir.
L'ampleur et l'intensité des frappes contre Gaza étaient sans précédent. Parmi les 1 400 Palestiniens tués par les forces israéliennes, on a recensé quelque 300 enfants et des centaines de civils non armés n'ayant pas pris part au conflit.
La plupart ont été victimes d'armes de haute précision, guidées par des drones de surveillance dotés d'optiques d'une qualité exceptionnelle qui permettent aux opérateurs de voir leurs cibles en détail. D'autres ont été tués par des armes imprécises, notamment des obus au phosphore blanc, qui n'avaient jamais été utilisées à Gaza auparavant et ne devraient en aucun cas l'être dans des zones à forte densité de population.
Après avoir enquêté sur plusieurs attaques, Amnesty International a conclu que les victimes n'avaient pas été prises entre deux feux durant les affrontements entre militants palestiniens et troupes israéliennes, pas plus qu'elles n'avaient servi de boucliers humains à des militants ou à des objectifs militaires. Beaucoup ont péri dans le bombardement de leur maison, pendant leur sommeil. D'autres étaient assises dans leur cour ou étendaient du linge sur leur terrasse. Les enfants ont été touchés alors qu'ils jouaient dans leur chambre, sur le toit ou près de chez eux. Les secouristes et les ambulanciers ont été agressés à plusieurs reprises alors qu'ils s'efforçaient de porter secours aux blessés ou de récupérer les corps des victimes.
« La mort d'un si grand nombre de civils – et d'enfants – ne peut être simplement qualifiée de " dommage collatéral ", comme le laisse entendre Israël, a déclaré Donatella Rovera. De nombreuses questions restent en suspens sur ces attaques et sur le fait qu'elles se sont poursuivies sans relâche malgré le nombre croissant de civils tués. »
Les frappes israéliennes ont démoli plus de 3 000 maisons et en ont endommagé environ 20 000, réduisant en ruines des quartiers entiers de Gaza et portant le dernier coup à une situation économique déjà catastrophique. La plupart des destructions étaient gratuites et non justifiées par une « nécessité militaire ».
Au cours des cinq derniers mois, l'armée israélienne a ignoré les demandes répétées d'Amnesty International, désireuse d'obtenir des informations sur des cas précis exposés dans son rapport et de rencontrer des responsables pour débattre de ses conclusions.
« Quant au Hamas, il n'a cessé de justifier les tirs de roquettes quotidiens de ses combattants et d'autres groupes armés palestiniens en direction de villes et villages du sud d'Israël durant le conflit qui a duré vingt-deux jours. Bien que moins meurtrières, ces frappes utilisant des projectiles non guidés impossibles à diriger contre des cibles précises ont violé le droit international humanitaire et ne sauraient en aucune circonstance être justifiées », a ajouté Donatella Rovera.
Outre les roquettes artisanales Qassam, les militants palestiniens ont tiré de nombreux missiles Grad de plus longue portée, introduits en contrebande à Gaza depuis l'Égypte par des tunnels. Frappant plus loin sur le territoire israélien, ils mettaient un plus grand nombre de civils en danger.
« Durant cinq mois, aucune des parties au conflit ne s'est montrée disposée à renoncer à ses pratiques ni à respecter le droit international humanitaire, ce qui laisse présager que les civils seront une nouvelle fois les premières victimes si les affrontements devaient reprendre », a averti Donatella Rovera.
Aux termes du droit international, il incombe aux États d'appliquer le principe de compétence universelle et d'ouvrir des enquêtes pénales devant des tribunaux nationaux, dès qu'il existe suffisamment d'éléments prouvant que des crimes de guerre ou d'autres crimes relevant du droit international ont été commis. Ils sont ensuite tenus d'arrêter les auteurs présumés et de les traduire en justice.
« Toute personne qui s'est rendue responsable de crimes de guerre ou d'autres graves atteintes aux droits humains ne doit pas échapper à son obligation de rendre des comptes, pas plus qu'à la justice », a renchéri Donatella Rovera.
Dans son rapport, Amnesty International recommande notamment aux États de suspendre tous les transferts de munitions, d'assistance et d'équipements militaires à destination d'Israël, du Hamas et des groupes armés palestiniens – tant qu'ils risquent de s'en servir pour violer gravement le droit international.
L'organisation invite Israël à prendre l'engagement de ne plus lancer d'attaques directes, aveugles ou disproportionnées contre des civils, de cesser les tirs d'artillerie, de mortiers et d'obus au phosphore blanc dans des zones densément peuplées, et de mettre fin au blocus de la bande de Gaza, qui impose une sanction collective à toute la population.
Enfin, elle exhorte le Hamas à renoncer à sa politique de tirs de roquettes illégaux en direction de localités israéliennes abritant une population civile et à empêcher les autres groupes armés de se livrer à de telles frappes.