Les réactions de plus en plus nombreuses provoquées par le fichier "Edwige" font hésiter même N. Sarkozy . Il ne veut pas paraître reculer sur un dossier de type sécurité qui est son fond de commerce (ou d'électeurs), mais affronte des craintes exprimées au sein même de son gouvernement (Morin en particulier) . La situation reste chaude, et la mobilisation ne cède pas . Voici ce qu'en dit "l'Humanité" :
Touché, mais pas encore coulé. La mobilisation contre Edvige a remporté une bataille en contraignant Nicolas Sarkozy à un savant rétro-pédalage. Hier, le chef de l’État a réitéré, lors du Conseil des ministres, sa volonté de « lever toutes les inquiétudes ». Et proposé d’amender ce vaste fichier de police qui permet de recenser les personnalités politiques, syndicales ou économiques, ainsi que toute personne, dès treize ans, « susceptible de porter atteinte à l’ordre public ».
« Première victoire »
Selon son entourage, le chef de l’État souhaite abandonner les mentions concernant la santé et la sexualité des personnes fichées. Mais aussi mettre fin au fichage des personnalités, estimant que le Who’s Who suffisait, surtout à l’heure où Internet procure des informations immédiates sur les personnes publiques. Dans le même temps, Nicolas Sarkozy a demandé à la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, d’ouvrir rapidement une « concertation » qui devra être suivie de « décisions pour protéger les libertés ». En clair, il s’agirait d’inscrire des garanties concernant les libertés dans la future loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi II), qui devrait être prête d’ici à quelques semaines.
Opposition et associations ont salué prudemment ce recul. « C’est une première victoire, note Jean-Pierre Dubois, le président de la Ligue des droits de l’homme. Mais les mots ne suffisent pas, Nicolas Sarkozy doit donner des garanties. » Même son de cloche chez Hélène Franco, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature : « On est satisfait qu’il y ait enfin un débat public alors que le gouvernement a tout fait pour l’éviter. Mais ces concessions sont encore insuffisantes. La seule solution, maintenant, c’est le retrait pur et simple et l’organisation, ensuite, d’un débat parlementaire. » Une position qui rassemble toute la gauche, le Modem et même le président UMP de l’Assemblée nationale, Bernard Accoyer.
Seulement voilà : sur ce point, le chef de l’État a opposé hier une fin de non-recevoir. Faisant comprendre qu’il ne reculerait pas sur les autres aspects polémiques du fichier, à commencer par la possibilité d’y faire figurer les mineurs dès treize ans. « Le président de la République a insisté sur l’importance de ces fichiers, a rapporté le porte-parole du gouvernement Luc Chatel. Rappelons-nous les émeutes des banlieues que nous avons connues, avec une nouvelle forme de délinquance, avec des jeunes mineurs. Donc, c’est très important que soient inclus dorénavant dans ce fichier les mineurs. » Un argumentaire repris illico par l’UMP et Michèle Alliot-Marie. À la sortie d’une nouvelle réunion à l’Élysée, après le conseil des ministres, la ministre de l’Intérieur a souligné que « 46 % des vols avec violence » et « 25 % des viols » étaient commis par des mineurs. Pour la présidente du groupe CRC au Sénat, Nicole Borvo Cohen-Seat, la vigilance reste donc de mise : « Ne nous laissons pas abuser par le discours propagandiste de ce matin. »
Parodie de concertation ?
Autre point en suspens : l’organisation de la « concertation », préalable au débat parlementaire. Saluée dans un premier temps, cette initiative prend une tournure polémique, avec notamment la décision de MAM de ne pas y associer les représentants du collectif Non à Edvige (1), qui regroupe pourtant quelque 800 organisations. « Ces gens, de toute façon, sont des opposants systématiques », affirme la ministre dans le Figaro. Des déclarations qui laissent Hélène Franco songeuse : « Ne pas inviter les douze associations qui ont déposé le recours devant le Conseil d’État serait un choix politique que nous contesterions, il tournerait le dos avec mépris à tous ceux qui se sont mobilisés contre ce texte. »
Dans un communiqué publié hier, le collectif a souligné à son tour que cette mise à l’écart irait « manifestement à l’encontre de la démarche d’apaisement et de dialogue mise en avant par le président de la République pour garantir les libertés ». Dans l’attente du retrait du décret, les associations maintiennent donc leur journée de mobilisation du 16 octobre, jour de la « Sainte Edwige ». Et appelent toujours à signer leur pétition. Hier, celle-ci approchait les 150 000 paraphes.
Laurent Mouloud "