Extraits de l'article de Jeanne Cassard pour Reporterre
Devant le dôme doré des Invalides, la colère agricole, reflétée par le jaune vif des drapeaux de la Confédération paysanne, s’est ravivée. Ce mardi 14 octobre à Paris, plusieurs centaines de paysans et leurs soutiens ont manifesté contre le traité de libre-échange entre l’Union européenne et le marché commun sud-américain du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay et Bolivie).
Le texte, qui prévoit de supprimer 90 % des droits de douane entre les deux zones, doit permettre aux pays membres d’exporter plus de voitures, machines, vins et spiritueux et facilite en échange l’importation de viande bovine, volaille, sucre, miel, riz et soja sud-américains.
Tandis que des tracteurs stationnent le long de la pelouse des Invalides avant le départ du cortège, une rangée de camions de CRS se tient bien en évidence juste derrière. De la foule, s’élèvent des pancartes « Sauvons les paysan(ne)s et le vivant », « Mercosur mort à coup sûr » ou encore « Libre circulation, pas libre-échange ». La mobilisation, organisée par la Confédération paysanne, fait suite à l’accélération du calendrier : le traité a été validé le 3 septembre par la Commission européenne, mais il doit encore être signé par les États membres, si possible avant la fin de l’année 2025.
La date de la manifestation n’a pas été choisie par hasard : le même jour se tient le procès de deux membres du syndicat agricole, jugés pour « violences sur personne dépositaire de l’autorité publique » et « rébellion » à la suite d’une action contre le traité du Mercosur à Paris, en décembre 2024.
Si personne ici n’espère quoi que ce soit d’Emmanuel Macron ou du nouveau gouvernement pour s’opposer à cet accord, tous restent mobilisés. « Si nous ne contestons pas le Mercosur, qui d’autre le fera ? On brade l’agriculture pour vendre des services et des voitures », se désole Nicolas Fortin, secrétaire national de la Confédération nationale.
Une concurrence déloyale
Éleveur de bovins et de porcs dans la Vienne, il critique le double jeu du chef de l’État disant être contre l’accord « en l’état » au dernier Salon de l’agriculture de Paris, sans avoir repris la parole depuis les dernières annonces de la Commission européenne en septembre.
« Presque toute la classe politique refuse le traité du Mercosur, mais rien ne change, les clauses de sauvegarde [qui permettent de suspendre des importations en cas de déstabilisation de filières européennes] sont extrêmement complexes à mettre en œuvre et on ne sait pas comment elles pourraient être activées. »
Comme beaucoup, l’éleveur estime que l’accord de libre-échange va introduire une concurrence déloyale : « On nous met en concurrence avec des produits qui ne répondent pas aux mêmes normes ni aux mêmes coûts de production. »
Si à 56 ans, en fin de carrière, il parvient à se dégager un revenu, il craint que l’arrivée de viande sud-américaine fasse s’écrouler les prix. « Le prix de la carcasse a progressé ces deux dernières années pour atteindre entre 6,50 et 7 euros le kilo, on sortait enfin la tête de l’eau, mais ça risque de ne pas durer. » Même s’il fait de la vente directe et travaille avec des coopératives, « la baisse des prix dans la grande distribution aura forcément un impact sur tout le secteur ».
C’est aussi ce que redoute Didier Marion. Dans le Gard, l’homme aux cheveux et à la barbe fournis élève environ 850 volailles en plein air et produit 4 tonnes d’huile d’olive par an qu’il vend ensuite en circuit court. S’il espérait atteindre un Smic d’ici un an, avec l’arrivée de volailles sud-américaines, « ce sera impossible, je vends mes volailles à 14,50 euros le kilo, c’est un public déjà restreint qui fait un effort financier pour manger mieux ».
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