Sitôt la chute du régime de Bachar el-Assad, la France et de nombreux Etats européens ont annoncé vouloir revoir les conditions d’accès des réfugiés syriens sur leur territoire, voire, pour certains pays, suspendre la délivrance du statut de réfugié ou souhaiter procéder à des retours massifs. La France et les autres Etats européens sont pourtant tenus par leurs engagements internationaux, qui les obligent à mener un examen individualisé des demandes d’asile, et ne pouvoir procéder à des retours massifs de personnes déjà réfugiées sous peine de violer le droit international.
La situation en Syrie est extrêmement imprévisible et mettra des mois ou des années à se stabiliser. Dès lors, souhaiter ne plus traiter les demandes d’asile de personnes syriennes en attendant une hypothétique stabilisation du pays risque de plonger indéfiniment les personnes syriennes qui demandent l’asile dans l’incertitude et la précarité.
Nous sommes particulièrement inquiets des signaux lancés par l’administration française. Dans un communiqué diffusé le 9 décembre 2024, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) dit suivre attentivement la situation en Syrie, et rappelle que « comme toujours, en cas de situation évolutive dans un pays d'origine de demandeurs d'asile, cela peut conduire à suspendre provisoirement la prise de décision sur certaines demandes d'asile émanant de ressortissants syriens, en fonction des motifs invoqués. »
Rappelons que d’après l’institution, 2500 demandes d’asile ont été introduites par des personnes syriennes depuis début 2024 (plus de 4450 en 2023), et qu’aujourd’hui, « environ 700 demandes (mineurs inclus) sont toujours en cours de traitement à l’Office ».
Conformément au droit international, les demandes d’asile doivent être instruites rapidement et efficacement, et dans un délai raisonnable. Et quand bien même des clauses de cessation du statut de réfugié seraient prévues et applicables dans le cas syrien, l’Agence des Nations unies pour les Réfugiés rappelle que les appliquer « de manière prématurée ou pour des motifs insuffisants peut avoir des conséquences importantes (...) Lorsque ces changements sont intervenus de manière violente, par exemple par le renversement d’un régime, il faudra laisser un laps de temps plus important pour s’assurer que ce changement est durable. »
Si pour le moment, rien ne peut présager en France d’une restriction du droit d’asile pour les ressortissants syriens, nous restons particulièrement vigilants sur les orientations que voudra donner le nouveau gouvernement à sa politique en matière de droit d’asile. La France a en effet déjà tenté d’expulser deux personnes vers la Syrie en 2022, en violation du principe de non-refoulement, qui demeure un pilier du droit d’asile.
Plus largement, les pays européens, dont la France, doivent continuer à mener un examen individualisé des demandes d’asile, et rejeter les appels au retour de Syriens dans leurs pays et à restreindre leur droit à la réunification familiale. Nous appelons en outre les Etats européens à autoriser les réfugiés syriens à retourner dans leurs pays pour de courtes visites à leur famille, sans crainte d’un impact négatif sur leur statut de réfugié.