Communiqué de la Confédération Paysanne du 17.01.2024.
Le délibéré prononcé par le tribunal correctionnel de Niort ce matin est inacceptable. Suivant quasiment à la lettre les réquisitions du procureur, le président du tribunal a fait preuve de déni climatique en refusant de prendre en compte l’état de nécessité, alors même que la justice nous a plusieurs fois donné raison sur le fond.
Tous les responsables syndicaux poursuis ont été reconnus coupables d'organisation d'une manifestation interdite. C'est une décision choquante car l'organisation de manifestations est un droit pour les syndicats et les organisations. Elle l'est aussi car des militants ne doivent pas être tenus personnellement responsables pour une manifestation organisée par le syndicat dont ils sont les porte-parole.
Certaines peines ont été assorties d'une interdiction du territoire des Deux-Sèvres pendant 3 ans, ce qui constitue une grave entrave à la liberté fondamentale de circuler et d'agir syndicalement. Les trois confédérés condamnés, qui ont dix jours pour faire appel, souhaitent se donner le temps de la réflexion avec leurs instances nationales pour engager un éventuel appel.
Nous sommes solidaires de nos camarades de Bassines non Merci et des Soulèvements de la Terre qui se voient infliger des peines de prison avec sursis parce qu'ils luttent pour la défense de l'eau. La violence de ce jugement s'inscrit dans la continuité des violences subies à Sainte-Soline.
Cette décision de justice condamne aussi toutes les paysannes et paysans victimes de l'accaparement et de la privatisation de l'eau au profit de quelques-uns. L'eau doit être gardée dans les sols et non pompée par une minorité pour le modèle agro-industriel.
Ces condamnations n'ont qu'un objectif : étouffer la mobilisation paysanne et citoyenne contre les méga-bassines. Comme nous l'avons tous dit ce matin devant le tribunal de Niort, la lutte continue. Nous restons déterminés à œuvrer pour la préservation et le partage de l'eau car les paysannes et paysans ont besoin de ce changement.
17.01.2024 Sept des neuf défenseurs de l'eau devant le tribunal correctionnel de Niort ce matin.
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Ce 17 janvier marque l’issue d’un procès où le tribunal de Niort s’est illustré une nouvelle fois par sa détermination à se mettre au service du pouvoir et du système bassines. Le juge Durafour a choisi comme à son habitude de suivre, et a même durci, les peines demandées par le parquet, en distribuant de lourdes amendes, peines de prisons avec sursis et bannissement des Deux-Sèvres pendant plusieurs années. Incarnant ce matin la voix du vieux monde, le juge est allé jusqu’à justifier sa décision en remettant en cause, au nom de son analyse lunaire des rapports du GIEC, l’état de nécessité et l'urgence à agir face à l’urgence climatique. Il a conclu ses motivations par une promotion désinhibée du système bassines pendant laquelle les condamnés ont choisit de sortir de la salle. Ceux-ci ont préféré marqué au dehors et avec leurs soutiens la nécessité de continuer le combat et les mobilisations sur le terrain et face à la justice. Voici une analyse à chaud de cette séquence et des suites à donner à ce jugement.
Neuf personnes ont été condamnées aujourd’hui par une justice aux ordres. Mais c'est bel et bien le droit fondamental à manifester d'un côté et le mouvement anti-bassines qui est visé par cette condamnation politique.
Ce procès s’est tenu dans un contexte d’intenses pressions des pouvoirs exécutif et législatif pour criminaliser le mouvement écologiste en général et tenter de mettre un coup d’arrêt au mouvement anti-bassines en particulier. Il s'est déroulé dans le sillage de la Commission d’Enquête Parlementaire formatée pour justifier de nouvelles propositions de lois liberticides après Sainte-Soline et faciliter les dissolutions d'associations. Il a répondu aux appels du garde des Sceaux à en finir avec la « petite musique de la désobéissance civile » et à judiciariser systématiquement et en priorité les mobilisations écologistes. Il a appuyé les désignations diabolisantes du ministère de l’Intérieur sur les « éco-terroristes ». L'objet du procès pour le parquet était bel et bien de dédouaner le gouvernement de sa responsabilité écrasante dans le maintien de l'ordre sanglant à Sainte-Soline.
Nous y avons opposé notre conviction résolue de la nécessité de défendre les biens communs à l'heure de la catastrophe climatique, l'eau et les terres que le modèle agro-industriel empoisonne et s'accapare. Nous avons défendu avec les milliers de personnes rassemblées le 8 septembre l'état de nécessité et la liberté de manifester. Nous avons pointé le danger qu'il y aurait à condamner des personnes parce qu'elles assument de prendre la parole pour un mouvement. Nous avons montré avec nos témoins l'inadaptation fondamentale des bassines aux enjeux climatiques, la corruption et les conflits d'intérêts au sein des institutions qui régissent l'usage de l'eau et leur soumission à des lobbys et intérêts privés. Nous avons plaidé pour le renouveau d'une agriculture paysanne qui prenne réellement soin de la biodiversité et d'un alimentation saine.
Le juge de Niort a choisi de se soumettre à l'intimidation politique et de condamner pour l’exemple quelques unes des voix de ce mouvement pour tenter d'étouffer les autres.
Les peines retenues pour organisation de manifestation interdite vont d‘amendes de 1000 euros avec interdiction de territoire à des peines de sursis jusqu’à 3 mois, ce qui abouti, avec les différents cumuls, à l’image de ce procès politique « fourre tout », à des peines allant jusqu’à 16 mois d’emprisonnement avec sursis pour Julien Le Guet, porte parole de Bassines Non Merci. Des interdictions de territoire de 3 ans ont été prononcées pour tous les prévenus qui ne résident pas dans les Deux Sèvres, et interdiction de Mauzé et Sainte-Soline pour Julien Le Guet. Le montant total des amendes et dommages requis avoisine les 20 000 euros.
Les peines d'exclusion des Deux-Sèvres de 3 ans demandées sont la traduction emblématique de cette volonté d’étouffer un mouvement. Le fait d'interdire pendant des années à des personnes profondément engagées dans une mobilisation citoyenne et qui en portent régulièrement la parole de se rendre sur le territoire où ce mouvement se déploie, fusse-t-il de la taille d'un département entier, n’est ni plus ni moins qu’un bannissement politique. Les peines de prison, pour avoir supposément participé à l’« organisation d’une manifestation », fruit du travail et de l’engagement de milliers de militant-es, est un parti-pris répressif extrêmement inquiétant vis à vis des libertés publiques et syndicales dans ce pays. C’est la première fois que la CGT est condamnée pour organisation de manifestation interdite depuis l’occupation en 39-40. Quand un mouvement écologiste, syndical et paysan dérange, la réponse du pouvoir et celle du tribunal de Niort sont dorénavant claires : couper les liens militants, amicaux, les attachements profonds et intimes aux territoires que l’on défend, les mettre en exil ou les incarcérer.
Chacun des condamnés va se concerter au sein de son organisation et très certainement faire appel de cette décision que l’on ne peut laisser passer. Les batailles juridiques vont se poursuivre. La récente saisine par des dizaines de blessées de la Défenseur Des Droits aura pour but d'établir la vérité sur ce qui s'est passé à Sainte-Soline. Un recours va être également déposé auprès du Conseil d'État pour faire annuler les travaux et les conclusions de la commission d'enquête. Mais bientôt, nous devrons aussi batailler contre le projet de Loi d'Orientation de l'Avenir Agricole (LOAA) porté par le gouvernement. Celui-ci prévoit notamment d'inscrire les projets de bassines en "intérêt majeur", afin de pouvoir s'affranchir des réglementations et garde-fous juridiques qui ont permis jusqu'alors de ralentir le bassinage généralisé du territoire.
Aider financièrement le mouvement pour la défense de l'eau et contre les #mégabassines Si vous le pouvez, n'hésitez pas à donner à cette cagnotte pour nous permettre de faire appel de la décision de mercredi et à poursuivre la lutte : https://www.helloasso.com/.../association.../formulaires/4