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Nucléaire : le gouvernement doit accepter le débat démocratique

Président de France Nature Environnement, Antoine Gatet répond à une tribune pronucléaire de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, le 25 août. Il rappelle que les émissions de carbone ne peuvent être le seul critère d’analyse du problème, et que le gouvernement ne peut rester sourd aux concertations en cours.

L’urgence climatique est une réalité et nous saluons le fait que ce sujet soit enfin inscrit à l’agenda politique sous l’autorité de la Première ministre. Si l’on peut aussi saluer la trajectoire à la baisse des émissions de gaz à effet de serre en France, il faut rappeler que cette baisse est deux fois inférieure au rythme nécessaire pour atteindre nos objectifs de neutralité carbone. Dans une tribune récente où elle plaide pour le nucléaire, Agnès Pannier-Runacher invoque des réalités objectives et scientifiques pour affirmer qu’il s’agit, aux yeux du gouvernement, d’un outil essentiel de la décarbonation de la France. Elle appelle aussi à un débat public sur le sujet.

Mais pour que débat public il y ait, il faut ne pas omettre la réalité des controverses qui concernent le nucléaire. France Nature Environnement, qui a pour objet l’information et la participation au débat public, tient à sa disposition nombre de ces éléments. En voici certains parmi les plus importants, qu’elle a largement omis de mentionner.

La ministre revendique le fait que le nucléaire soit «une des énergies les moins carbonées». Certes, mais le nucléaire est objectivement une source d’énergie très polluante. Ses impacts environnementaux, de la production d’uranium (la France doit gérer les millions de tonnes de déchets radioactifs issus de décennies de production minière sur son territoire, entraînant des pollutions importantes des milieux ; pollutions aujourd’hui subies par les populations du Niger) à la gestion des déchets, en passant par la gestion de l’eau par les centrales en période de sécheresse , le bilan environnemental global de cette énergie est lourd et largement passé sous silence au seul prétexte d’une comparaison des émissions carbone d’une centrale nucléaire et d’une centrale à charbon.

La ministre revendique un nucléaire «compétitif». C’est omettre le coût réel de la filière si elle intégrait l’ensemble des externalités économiques liées aux pollutions qu’elle produit, et c’est passer sous silence le fait que ce secteur est sous perfusion financière étatique, comme l’illustre la prise en charge de la multiplication par cinq du coût de l’EPR de Flamanville, passé de 3,3 milliards d’euros prévus à une facture de 19 milliards, et le renflouement régulier d› EDF par l’Etat. Il est d’ailleurs notable que l’approche économiquement libérale que la ministre défend, par exemple pour les énergies renouvelables, ne semble pas s’appliquer dans le cas du nucléaire, probablement parce que les investisseurs privés ne partagent pas ses conclusions.

La ministre revendique le fait que le nucléaire «nous permet de limiter notre approvisionnement en énergies fossiles importées de pays qui ne sont pas toujours des alliés». C’est omettre que 100 % de l’uranium brûlé dans nos centrales est importé, c’est omettre le fait que l’approvisionnement en uranium et son enrichissement, comme la gestion des déchets produits par le nucléaire français, nous rendent dépendants de pays comme la Russie, le Kazakhstan, l’Ouzbékistan ou le Niger.

La ministre oublie enfin de mentionner le sujet des accidents nucléaires, de la gestion du risque dans un monde en crise et des liens entre nucléaire civil et prolifération nucléaire militaire. Sujets particulièrement importants dans un débat démocratique que nous demandons le plus ouvert et transparent.

Alors si, comme Agnès Pannier-Runacher, nous croyons qu› «il est temps de contribuer à un vrai débat sur l’énergie», un «débat au service des Français», nous appelons à cesser de refuser ce débat avec les Françaises et les Français mobilisés pour l’action climatique, et en premier lieu celles et ceux mobilisés dans nos 6 500 associations et fédérations partout en France hexagonale et en outremer.

La relance de la filière nucléaire appartient aux sujets devant faire l’objet d’un débat public préalable à toute décision publique. Tant RTE que l’Ademe, dans leurs propositions de décarbonation de la France, avancent des scénarios tantôt avec, tantôt sans nucléaire. Le choix est donc possible. Ce fait est largement oublié par le président de la République quand il annonce la construction de nouvelles centrales sans débat préalable, ou par la ministre quand elle fait voter par le parlement une loi sur la relance de la filière nucléaire sans attendre le résultat d› une concertation alors en cours sur l’avenir énergétique de la France et un débat public portant en particulier sur la relance du nucléaire dans le cadre des projets d’EPR2 de Penly. Ce dernier débat a d’ailleurs montré l’ampleur des controverses techniques non-tranchées liées aux EPR. Les ignorer ne les fait pas disparaître.

La responsabilité de la ministre est de mettre en œuvre les cadres démocratiques prévus par le droit de l’environnement, et non de fermer le débat en simplifiant l’équation nucléaire et en oubliant les cadres de consultation du public prévus, en particulier en oubliant de consulter les associations environnementales ou le Conseil économique, social et environnemental (qui s’est pourtant saisi du sujet et qui regroupe l’ensemble de la société civile organisée).

L’avenir du nucléaire en France n’est pas qu’un sujet de politique partisane, c’est un sujet sociétal qui oblige la ministre.

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