Publié le 18 novembre 2020 par Greenpeace.
Ce matin, Greenpeace France a déposé un recours devant le Conseil d’Etat contre l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui n’exige pas d’évaluation environnementale pour autoriser le fonctionnement d’un réacteur au-delà de 40 ans.
Greenpeace estime que la France est en situation d’illégalité. En effet, aucune évaluation environnementale n’est prévue dans le cadre des visites décennales actuellement en cours pour étendre de 10 ans le fonctionnement des réacteurs nucléaires atteignant 40 ans. Or, l’ampleur et les coûts des travaux de prolongation des centrales justifient une évaluation environnementale, comme la Cour de justice de l’Union européenne l’a rappelé à la Belgique.
La Belgique condamnée pour des faits similaires
En Belgique, la décision d’allonger la durée de vie des réacteurs 1 et 2 de Doel sans évaluation environnementale avait été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne en juillet 2019. Le coût et l’ampleur des travaux nécessaires pour ces prolongations justifiaient la réalisation d’une évaluation environnementale. En mars 2020, la Cour constitutionnelle belge avait donc dû annuler la loi de 2015 qui autorisait la prolongation de l’activité de ces réacteurs.
Des évaluations environnementales pleinement justifiées
Les centrales nucléaires françaises actuellement en activité ont été conçues pour fonctionner 40 ans. Au-delà, les réacteurs nucléaires entrent dans une phase de vieillissement non prévue par leurs concepteurs et inconnue pour l’exploitant EDF, avec des risques accrus pour l’environnement et la population.
EDF a d’ores et déjà entamé des travaux d’ampleur pour tenter de relever le niveau de sûreté de ses centrales. « Sans évaluation environnementale préalable, sans consultation des citoyen·nes et dans l’attente des prescriptions de l’ASN, comment garantir que ces rénovations sont pertinentes et suffisantes ? D’autant que nous savons qu’il est matériellement impossible de mettre des centrales de plus de 40 ans aux normes de sûreté et de sécurité actuelles », analyse Laura Monnier, chargée de campagne juridique à Greenpeace France.
Le vieillissement des centrales a déjà des conséquences négatives sur l’environnement qui demanderaient à être bien mieux étudiées. Une étude de la Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité (CRIIRAD), commandée par Greenpeace France et finalisée en mai 2020, sur les rejets radioactifs de la centrale du Tricastin, met ainsi en évidence des fuites d’eaux contaminées dans la nappe phréatique, qui risquent de s’aggraver avec le vieillissement des installations (1).
Les conséquences du changement climatique, de plus en plus prégnantes en France, justifient également de réévaluer l’impact des centrales sur les milieux fragiles.
Pour Laura Monnier, « l’exception nucléaire française est intenable. On évalue l’impact environnemental des travaux modifiant une station-service, mais pas ceux qui prolongent de dix ans la durée de vie d’une centrale nucléaire ».
Inquiétudes des pays voisins
La prolongation des centrales nucléaires françaises vieillissantes préoccupe les Etats frontaliers, qui ne semblent pas avoir leur mot à dire. Le comité des Nations unies chargé de l’application de la Convention d’Espoo a été saisi du sujet. Les autorités publiques françaises sont actuellement interrogées par ce Comité sur les raisons de l’absence d’évaluation environnementale. Le cas français devrait être au cœur des discussions de la réunion des Parties à la Convention d’Espoo, du 8 au 11 décembre à Vilnius, en Lituanie.
Greenpeace France s’inquiète du mépris du droit persistant affiché par EDF et l’ASN, qui pourrait avoir des conséquences graves sur l’environnement et la population. Il est temps que l’ASN demande davantage de comptes à EDF et qu’elle exige le plus rapidement possible une évaluation environnementale de la prolongation des centrales nucléaires françaises par une autorité environnementale indépendante.