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Quel objectif pour la loi travail ?

Plus de deux mois après son adoption grâce au 49-3, la loi du 08 août 2016 ne fait plus beaucoup parler d'elle. L'actualité déroule son rouleau compresseur, de l'élection américaine à la révolte des policiers en passant par la reconquête de Mossoul. Les opposants sont en partie démobilisés, les partisans restent prudents puisque tout peut être remis en question après les élections de 2017.

C'est probablement le bon moment pour tirer un premier bilan de l'adoption de cette loi, et de remettre en perspective son application. C'est ce qu'a fait Michel Miné, membre du bureau national de la LDH, dans une conférence-débat donnée au FJEP de Vouziers ce vendredi, à l'appel de la section locale de la LDH. Si le public était malheureusement réduit, il a été entièrement conquis par le conférencier expert sur le sujet et pédagogue de talent. Il faut dire qu'il cumule une expérience de terrain (inspecteur du travail) avec de hautes fonctions d'enseignement et de recherche au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM). Vous pouvez d'ailleurs retrouver son cours en ligne par ce lien.

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Michel Miné a d'emblée pris du recul par rapport aux débats récents, en posant la question : pourquoi une loi travail ?

Pour lui, il ne s'agit pas d'une loi de simplification. A l'inverse, il constate que de nombreux décrets seront nécessaires pour que cette loi s'applique, et que de très nombreuses pages de texes seront toujours à prendre en compte par les parties prenantes.

Il ne voit pas non plus dans ce texte une référence pour fixer la place et les droits des salariés dans l'entreprise. Il qualifie même cette loi de "valise vide", car elle laisse le rapport de force local régler la plupart des questions.

Il voit en fait dans ce texte l'écriture nouvelle d'un "droit à la compétitivité", qui s'inscrit dans une continuité de textes antérieurs.

Pour Michel Miné, cette loi achève la mise à mal du principe de faveur. Ce principe a été pour la première fois remis en cause par une loi de 1982, puis par les lois travail de François Fillon et  Xavier Bertrand. Ce principe de faveur est bien expliqué par Wikipédia : "Dans le droit du travail français, le principe de faveur est une disposition qui prévoit que la convention et l'accord collectif de travail peuvent comporter des dispositions plus favorables aux salariés que celles des lois et règlements en vigueur.

Il est considéré comme un principe fondamental au sens de l'article 34 de la Constitution. Il peut s'exprimer de la façon suivante : « Lorsque deux normes sont applicables à une même relation de travail, il faut, en principe, retenir la plus favorable aux salariés. »

Une telle disposition est exceptionnelle dans le droit français, dans la mesure où elle entre en contradiction avec le principe de la hiérarchie des normes. En principe, chaque norme doit être conforme aux normes qui lui sont supérieures dans la hiérarchie. Là, des contrats (individuels ou collectifs) peuvent déroger à des dispositions situées à un niveau juridique supérieur, avec pour garde-fou l'impératif qu'elles doivent être plus favorables au salarié. Le juge contrôle donc strictement ce que peut contenir une clause plus favorable."

La loi du 08 août 2016 renverse ce principe, et donne une part beaucoup plus restreinte au contrôle du judiciaire.

Les articles de la loi regorgent de "dispositions supplétives" qui s'appliquent lorsqu'aucun accord n'est signé. En voici deux exemples, tirés directement du texte officiel (Légifrance) :

« Art. L. 3121-11.-Une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut mettre en place les astreintes. Cette convention ou cet accord fixe le mode d'organisation des astreintes, les modalités d'information et les délais de prévenance des salariés concernés ainsi que la compensation sous forme financière ou sous forme de repos à laquelle elles donnent lieu.

Dispositions supplétives
« Art. L. 3121-12.-A défaut d'accord prévu à l'article L. 3121-11 :
« 1° Le mode d'organisation des astreintes et leur compensation sont fixés par l'employeur, après avis du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent, et après information de l'agent de contrôle de l'inspection du travail ;


« Art. L. 3133-11.-Un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, une convention ou un accord de branche fixe les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité.
« Cet accord peut prévoir :
« 1° Soit le travail d'un jour férié précédemment chômé autre que le 1er mai ;
« 2° Soit le travail d'un jour de repos accordé au titre de l'accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44 ;
« 3° Soit toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées en application de stipulations conventionnelles ou des modalités d'organisation des entreprises.

Dispositions supplétives

« Art. L. 3133-12.-A défaut de stipulation dans la convention ou l'accord conclu en application de l'article L. 3133-11, les modalités d'accomplissement de la journée de solidarité sont définies par l'employeur, après consultation du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, s'ils existent. » 

Ces articles renvoient bien la décision à un accord de branche ou d'entreprise, mais à défaut, l'employeur décide ! Quant à la prééminence de l'accord d'entreprise, Michel Miné y voit une mise en concurrence des travailleurs, ce qui n'était pas le cas  pour les accords de branche.

Il trouve d'autres points négatifs dans ce texte notamment la diminution du rôle du médecin du travail, et la diminution du pouvoir de décision des tribunaux prud'homaux, en particulier dans la fixation des indemnités en cas de licenciement abusif.

Le conférencier a également insisté sur la méconnaissance quasi-générale du droit européen et du droit international, ceux-ci étant pourtant souvent plus favorables au travailleur que le droit français.

Il retrouve des points positifs, mais limités, dans cette loi, en particulier dans les dispositions concernant les travailleurs détachés.

Interrogé sur le positionnement des organisations syndicales lors de la phase de discussion, il a dit ne pas être surpris par le soutien apporté par la CFDT au texte. S'il ne partage pas son analyse, il comprend que cette centrale, qui se donne comme principe de privilégier les accords qui mobilisent les travailleurs, puisse voir une avancée dans ce texte. Il doute que le rapport de force local puisse être souvent favorable aux salariés, compte tenu de l'histoire et de  la réalité de terrain du mouvement syndical en France.

Sachez enfin que la refonte du code du travail dans un sens identique n'est pas terminée, la loi dans son article 1 prévoyant ce qui suit :

"Une commission d'experts et de praticiens des relations sociales est instituée afin de proposer au Gouvernement une refondation de la partie législative du code du travail. Elle comprend un nombre égal de femmes et d'hommes.
Cette refondation attribue une place centrale à la négociation collective, en élargissant ses domaines de compétence et son champ d'action, dans le respect du domaine de la loi fixé par l'article 34 de la Constitution. Les dispositions supplétives applicables en l'absence d'accord collectif doivent, sauf à des fins de simplification, reprendre des règles de droit positif. (souligné par nous)

(...)

La commission remet ses travaux au Gouvernement dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi.

A suivre donc ...

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Michel Miné a pointé du doigt les orientations principales (et contestables) de la loi travail

 

Commentaires

  • Une belle leçon de démocratie avec un langage de vérité vient d'être donné par Mr Magnette, président-ministre au parlement Wallon pour le refus du CETA avec le Canada . Ce discours peut-être visionné sur le site " Le Yeti " .
    voila ce genre de discours que nous aimerions entendre de nos dirigeants .

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