Communiqué de presse de FNE du 26.09.2023.
France Nature Environnement, à l’instar d’autres associations, a participé à la présentation du 18 septembre à Matignon de la première version de la planification écologique. Nous faisons le constat de l’avancée considérable de la place de l’environnement dans les politiques publiques : l’environnement est enfin reconnu comme un sujet global et transversal au-dessus des arbitrages interministériels traditionnels.
Nous sommes aussi heureux de constater que l’ampleur des enjeux, les objectifs et la réalité des efforts soient enfin partagés par l’ensemble des acteurs. Il s’agit là de l’apport le plus tangible du travail de la planification écologique.
Cependant, le plan tel qu’il a été proposé n’est pas à la hauteur d’une transition réussie pour la France, dans ses mobilités, son habitat, son alimentation, la façon de travailler, ses solidarités. Il s’agit plutôt d’une première « programmation » présentée comme susceptible de répondre à l’objectif de -55 % de GES (gaz à effets de serre, calculé en équivalents CO2) en 2030, en décidant d’une répartition des efforts à fournir par ailleurs très discutable.
Plusieurs éléments indispensables font défaut :
- une déclinaison territoriale encadrée par un Etat stratège qui donnerait des droits et des devoirs garantissant l’intérêt général,
- un budget dédié, qui permettrait de financer les objectifs fixés : seuls 7 milliards sont annoncés, sur les 60 milliards d’investissements annuels qu’impose une réelle transition écologique,
- une conditionnalité écologique des investissements publics et privés (les banques sont absentes du document).
La majorité des trajectoires reposent sur des fortes ruptures de pente dès 2024, et des hypothèses très optimistes.
Une méthode qui interroge
Le processus démocratique à partir duquel cette planification a été élaborée nous laisse interrogatifs. La démocratie participative en matière d’environnement est pourtant inscrite dans l’article 7 de la Charte de l’Environnement adossée à la Constitution. Or si l’on voit bien comment les principaux acteurs industriels, économiques, ou agricoles ont pesé dans l’orientation de la répartition des efforts, les grandes associations de protection de l’environnement en ont été absentes.
Les mesures présentées n’ont fait l’objet d’aucune consultation des associations de protection de l’environnement (citée seulement trois fois dans le document de 78 pages !), ni de procédure de démocratie participative. Sa place auprès des autres instruments devant assurer la « transition écologique » (Stratégie Française pour l’Energie et le Climat SFEC, la programmation pluri-annuelle de l’énergie PPE, la stratégie nationale biodiversité SNB, le plan national d’adaptation au changement climatique PNACC, non mentionnés dans le document), tout comme le rôle du Conseil National de la Transition Ecologique (CNTE), du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE), de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) ou plus globalement la participation du public dans sa construction, n’est pas précisée.
Les lacunes de cette programmation
Si nous avions été consultés en amont de la présentation de cette planification écologique, nous aurions rappelé que les scénarios de l’Ademe existent et que RTE a proposé six scénarios de transition énergétique, dont trois scénarios sans nouveau nucléaire. Que ces scénarios, couplés aux scénarios du GIEC nous imposent de mettre au débat la société que nous voulons pour demain, dans un cadre national garantissant l’intérêt général, la protection des plus fragiles, et intégrant la question de la biodiversité à la question climatique. Nous aurions interrogé certaine des réponses proposées qui restent coincées dans le logiciel de consommation et de croissance du PIB, du techno-solutionnisme, et d’une promesse implicite illusoire que rien ne changera.
- Nous aurions pu proposer d’autres allocations des efforts entre acteurs et davantage défendre la justice sociale et les plus fragiles, premières victimes des impacts du climat et des pollutions tout en étant les moins contributeurs et ayant les moins les moyens d’agir.
- Nous aurions pu peser pour davantage de sobriété (très peu présente dans le document) ; rappeler que la programmation énergétique en cours (PPE) ne permet pas que le Président décide seul de la relance du nucléaire sans débat public.
- Nous aurions pu renforcer la restauration de la biodiversité et la protection des ressources en eau, dont le nouveau plan eau n’a fait que réduire les objectifs de réduction de consommation antérieurs (les faisant passer de -25% à -10%).
- Nous aurions pu plaider pour une transformation du modèle agricole et alimentaire et rappeler que la baisse des pesticides est un engagement ancien, lourdement financé, et jamais tenu.
- Nous aurions rappelé les enjeux de santé-environnement quasi-constamment balayés sous le tapis.
- Nous aurions questionné la gouvernance et le pilotage de cette planification s’il s’avère nécessaire de réajuster les trajectoires en continu, s’il devenait nécessaire de contraindre ceux qui ne participeraient pas à l’effort national.
La démocratie participative est vue par l’exécutif comme un espace informel de dialogue d’interlocuteurs choisis, sans travail sérieux sur les dissensus, ni co-construction réelle, ni redevabilité particulière et mettant sur un même niveau des fédérations nationales comme FNE, des think tanks pas toujours indépendants, et des lobbys. C’est très loin de notre vision d’une démocratie participative vivante et équilibrée.
Cette approche verticale pour des décisions aussi cruciales risque de provoquer des difficultés d’acceptation de la transition, d’où la nécessité de renforcer les processus existants de démocratie participative, au niveau national comme dans les territoires. France Nature Environnement et l’ensemble de ses associations fédérées seront là pour y contribuer et porter ces sujets sur lesquels nous sommes investis depuis longtemps.
Pour Antoine Gatet, Président de France Nature Environnement : “On nous présente une «planification écologique» mais il s’agit en fait d’une programmation carbone, nécessaire certes, mais loin d’être suffisante. Il faudra aller bien au-delà de réponses productivistes qui oublient d’intégrer les sujets bilan matériaux, biodiversité, pollutions ou santé… pour pouvoir répondre à la crise écologique. Et cette réponse, pour être efficace devra être construite collectivement».