Extraits de l'article de Reporterre du 16.02.2023
Le gouvernement veut fusionner l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Au risque de mettre en péril la sûreté nucléaire en France, dénoncent salariés et observateurs.
L’annonce est tombée comme un coup de massue le 8 février, à Fontenay-aux-Roses (Hauts-de-Seine), au siège de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). « Le directeur général a réuni les délégués syndicaux en conférence à 9 h 15, pour annoncer la disparition prochaine de l’institut. Il n’y a eu aucun temps pour les questions, raconte à Reporterre François Jeffroy, délégué syndical CFDT à l’IRSN. À 9 h 30, il a parlé à tout le personnel. Le communiqué du ministère de la Transition énergétique est arrivé quelques heures plus tard. Personne ne s’y attendait. Quand j’ai demandé à mes collègues de l’intersyndicale ce qu’ils en pensaient, personne n’a répondu. Tous étaient assommés. » Puis, très vite, un sentiment de colère et d’injustice a émergé. « Qu’est-ce qu’on nous reproche ? Rien. Aucun argument précis pour justifier cette sanction ultime : vous disparaissez. »
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Avis discordants et liberté de ton
Actuellement, l’IRSN est un établissement public à caractère industriel et commercial (Epic) fondé par un décret de 2002. Outre ses activités de recherche, il aide l’ASN à prendre ses décisions en lui apportant les éléments techniques nécessaires. « Quand un exploitant veut modifier une installation nucléaire, il envoie un dossier de sûreté à l’ASN. L’ASN saisit alors l’IRSN qui instruit le dossier, envoie des questionnaires à l’exploitant, visite l’installation… et rend un avis accompagné de recommandations », explique M. Jeffroy.
Exemple : une installation nucléaire peut-elle fonctionner en toute sûreté en pleine canicule, alors que le mercure dépasse les 50 °C dans certains locaux ? « L’IRSN va rendre un avis sur, entre autres, la résistance des matériaux à des températures élevées. L’ASN, elle, va rendre une décision finale qui tiendra compte de cet avis, mais aussi d’autres paramètres : sécurité de l’approvisionnement en électricité, etc. », développe le syndicaliste. Ce système dual « permet à l’expert de travailler en toute liberté sur la base d’éléments techniques et scientifiques, puisqu’il ne subit pas le poids de la décision à prendre ensuite » apprécie Thierry Charles, contacté par Reporterre.
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M. Jeffroy, lui, rappelle l’avis de 2012 de la Cour des comptes : « La fusion de [l’ASN et de l’IRSN] constituerait une réponse inappropriée par les multiples difficultés juridiques, sociales, budgétaires et matérielles qu’elle soulèverait. » Cette réorganisation interroge jusque dans l’entourage d’Emmanuel Macron, puisque le parti En Commun, cofondé par l’ancienne ministre de la Transition écologique Barbara Pompili et qui réunit des parlementaires de la majorité, a dit « s’inquiéter » du démantèlement de l’IRSN dans un communiqué du 14 février. Pour M. Marignac, l’objectif du gouvernement n’est pas tant d’améliorer la sûreté, que de l’affaiblir pour accélérer la mise en œuvre des chantiers annoncés par le président de la République : « J’ai l’impression que la décision a été prise pour simplifier la vie de la filière nucléaire. »
Quoi qu’il en soit, les salariés de l’institut n’ont pas l’intention de se laisser faire. Ils ont publié une pétition sur Change.org, qui rassemblait plus de 3 700 signatures le 15 février au soir. Ils ont également contacté les parlementaires spécialisés dans les dossiers énergétiques pour les appeler à refuser la réforme.
Ici, la centrale nucléaire de Chooz (Ardennes). Wikimedia Commons/CC BY-SA 2.5/Mossot