Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Ventes d’armes : sans surprise, le gouvernement maintient l’opacité

Communiqué d'Amnesty International le 26.09.2022.

Une fois n’est pas coutume, le ministère des Armées n’a toujours pas rendu public son rapport annuel sur les exportations d'armement effectuées en 2021. C’est le média d’investigation indépendant Disclose qui l’a fait le 15 septembre 2022. Analyse.

 

Le rapport annuel sur les exportations d’armement de la France est un document essentiel qui doit permettre de faire toute la lumière sur un commerce dangereux et meurtrier, trop souvent réalisé dans l’ombre. Le gouvernement français a l’obligation de le transmettre au Parlement chaque année, le 1er juin au plus tard, et le rendre public dans la foulée.

Or, cette année, le ministère des Armées a tout simplement décidé de ne pas le publier en temps et en heure. Heureusement, le média d’investigation Disclose l’a fait à sa place. Nous l’avons analysé : sans surprise, il est incomplet.

Une information parcellaire, voire mensongère ?

La France a livré en 2021 pour près de 780 millions d’euros de matériels de guerre à l’Arabie saoudite. Or, la France indique avoir livré un véhicule blindé de combat, 5 hélicoptères de combat, 18 canons de 105 mm, 3 installations de tir, 4 lanceurs de missiles, 28 lance-missile antichar portatif ainsi que 100 fusils.

Est-ce que  le montant financier des livraisons affiché ne paraît pas être supérieur aux quantités de matériels de guerre livrés ? Quels autres matériels ont été livrés ? À titre comparatif, le coût de production unitaire d’un Rafale serait de près de 100 millions d’euros. La question est donc : quels sont les autres matériels de guerre livrés par la France à l’Arabie saoudite qui ne sont pas mentionnés ?

De même, si l’on prend le cas des Émirats arabes unis, la France lui a livré pour près de 230 millions d’euros de matériels de guerre mais il ne s’agit pas de chars et de véhicules blindés de combat, de navires de combat, d’avions et d’hélicoptères de combat, de missiles, de lanceurs de missiles, de systèmes portables de défense antiaérienne ni d’armes légères et de petit calibre car la France n’indique aucune livraison pour ces matériels. Dès lors, qu’est-ce que la France a bien pu livrer ?

f8550d75-7397-4112-a6b0-e18bd5e83060_rapport_armes_site.png?auto=compress,format&rect=0,0,1024,488&w=1680&h=800

 

À la discrétion du gouvernent

La France est coutumière du fait, elle tarde, dédaignant souvent ses obligations, et maintenant volontairement l’opacité sur son commerce, lucratif, d’armes. C’est ainsi que son rapport annuel au Traité sur le commerce des armes a été publié avec deux mois de retard. Quant au rapport annuel au Parlement, c’est le média Disclose qui a fait la communication du ministre des Armées, sa publication accusant un retard de presque quatre mois.

Ces documents sont pourtant des outils essentiels de contrôle. Ils doivent permettre aux médias et à la société civile d’exercer leur droit de regard, afin de garantir que le gouvernement français respecte bien ses engagements internationaux.

Ces derniers interdisent à la France de transférer des armes dès lors qu’il existe un risque majeur qu’elles puissent servir à la commission de crimes de guerre et d’autres violations graves du droit international ou à les faciliter.

Quant aux données statistiques fournies par le rapport au Parlement, un texte de loi serait nécessaire pour préciser quelles sont les informations à fournir qui sont laissées aujourd’hui à la discrétion du ministre des Armées. En effet, l’essentiel de l’information est manquant : ce que l’on vend (quantités, types de matériels, dates des prises de commande et des livraisons), à qui, pour quelle utilisation finale, avec quelles garanties liées à cette dernière.

C’est dans ce contexte que, le 27 septembre 2022, la commission de la défense nationale et des forces armées organise à l’Assemblé nationale une audition censée faire la lumière sur les ventes d’armes françaises… à huis-clos. On appréciera l’exercice de transparence.

Absence de contrôle parlementaire permanent et institutionnalisé

L’audition du 27 septembre présente un format inédit. Son caractère à huis clos l’est beaucoup moins : symptôme de l’opacité française. Trois ministres seront auditionnés (affaires étrangères, économie et armées) conformément à un décret pris en juillet 2021 suite à l’annonce du Premier ministre Jean Castex de renforcer la transparence.

Au cours de cette audition, devrait être discuté également le premier rapport sur les biens à doubles usages - les produits, y compris les logiciels et les technologies, susceptibles d’avoir une utilisation tant civile que militaire -. Ces évolutions s’inscrivent dans la suite d’une mobilisation parlementaire sous le quinquennat précédent.

Ainsi, nous appelons une nouvelle fois tous les parlementaires à mettre en place un véritable contrôle institutionnalisé et permanent, pouvant prendre la forme d’une délégation parlementaire. C’est ainsi que des sénateurs de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées ont déposé une proposition de loi le 9 septembre appelant à la mise en place d’un tel contrôle.

L’absence de transparence ne permet pas de s’assurer que la France respecte ses engagements internationaux.

bd04670fbe6244a19a816d167f501ee6521ec1d4_yemen.jpg?auto=compress,format

Frappes aériennes dans la ville de Saada, au Yémen, le 6 janvier 2018 © Reuters/Naif Rahma

Les commentaires sont fermés.