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Le terrible sort des réfugiés syriens qui rentrent dans leur pays

Le gouvernement de Bachar al-Assad s’efforce de dépeindre la Syrie comme un pays en reconstruction. Pour celles et ceux qui y retournent, la réalité est toute autre. 

 

Dans un nouveau rapport intitulé «You’re going to your death », nous avons documenté les violations des droits humains commises par des agents des services de renseignement syriens contre 66 personnes revenues dans leur pays, dont 13 enfants. Parmi elles, cinq sont mortes en détention après être rentrées en Syrie. 17 autres demeurent introuvables, victimes de disparitions forcées. 

Les États comme le Danemark, la Suède et la Turquie, qui limitent la protection accordée aux réfugiés originaires de Syrie et font pression pour qu’ils rentrent chez eux, ne peuvent plus ignorer ces exactions désormais documentées. En ignorant la réalité sur le terrain, ces pays mettent une nouvelle fois les personnes réfugiées en danger de mort.  

La torture, les disparitions forcées et les détentions arbitraires ou illégales qui ont contraint de nombreux Syriens à chercher refuge à l’étranger n’ont jamais pris fin. 

Pris pour cibles pour avoir fui le pays  

Les témoignages poignants contenus dans notre rapport prouvent, s’il le fallait encore, que le territoire syrien n’est pas un endroit sûr où rentrer. Parce qu’ils ont un jour décidé de fuir, celles et ceux qui rentrent en Syrie sont pris pour cibles, accusés de manque de loyauté, de trahison voire de « terrorisme » par les agents du renseignement. 

Dans certains cas, les personnes qui sont rentrées ont été ciblées uniquement parce qu’elles venaient de régions de Syrie qui avaient été contrôlées par l’opposition. 

Des membres des forces de sécurité syriennes ont par exemple arrêté Karim* quatre jours après son retour du Liban, dans son village. Karim a indiqué avoir été torturé pendant ses six mois de détention. 

« Une fois libéré, je n’ai pas pu voir les personnes qui me rendaient visite pendant cinq mois. J’avais trop peur pour parler à quelqu’un. J’avais des cauchemars, des hallucinations. Je parlais pendant mon sommeil. Je me réveillais en pleurant et j’étais effrayé. Je suis handicapé, les nerfs de ma main droite ont des lésions dues à la torture. Tout comme certains disques de ma colonne. » 

Un recours répété aux violences sexuelles 

Les sanctions infligées à celles et ceux qui sont dans le collimateur du gouvernement sont brutales.  

Nous avons recensé 14 cas de violences sexuelles commises par les forces de sécurité sur des femmes, un adolescent et une fillette de cinq ans. Ces violences se sont déroulées aux postes-frontières ou dans des centres de détention, lors d’interrogatoires. Ces témoignages coïncident avec les pratiques avérées de violences sexuelles et de viols commis contre des civils et des détenus durant le conflit par les forces progouvernementales.  

Lorsque Noor* est rentrée du Liban, elle a été arrêtée à la frontière par un membre des forces de sécurité, qui lui a dit :  

« Pourquoi as-tu quitté la Syrie ? Parce que tu n’aimes pas Bachar al-Assad et tu n’aimes pas la Syrie ? Tu es une terroriste… La Syrie n’est pas un hôtel d’où tu peux entrer et sortir comme bon te semble. » 

Puis, il a violé Noor et sa fillette de cinq ans dans une petite pièce qui sert aux interrogatoires au poste-frontière. 

Yasmin*, quant à elle, est rentrée du Liban avec son fils adolescent et sa fillette de trois ans. Les forces de sécurité les ont immédiatement arrêtés au poste-frontière et ont accusé Yasmin d’espionnage pour le compte d’un pays étranger. La mère et ses enfants ont été transférés dans un centre de détention des services de renseignement, où ils sont restés 29 heures. Des agents l’ont violée et ont emmené son fils dans une autre pièce, où ils l’ont violé avec un objet. 

L’agent qui a violé Yasmin lui a dit :  

« C’est en guise de bienvenue dans ton pays. Si tu quittes une nouvelle fois la Syrie et que tu reviens, on t’accueillera encore mieux. On cherche à t’humilier toi et ton fils. Vous vous souviendrez de cette humiliation toute votre vie. »   

Torture et disparitions forcées  

Parmi les 66 personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus, 59 hommes, femmes et enfants ont été détenus arbitrairement après être rentrés en Syrie, la plupart du temps à la suite d’accusations vagues de « terrorisme ». 33 ont subi des actes de torture ou des mauvais traitements au cours de leur détention ou de leurs interrogatoires.

L’objectif ? Les forcer à avouer des crimes présumés et les punir pour leur opposition, présumée également, au gouvernement.  

Yasin* a été arrêté à un poste de contrôle juste après avoir franchi la frontière libanaise. Il a passé quatre mois en prison :  

« Je ne sais pas combien de temps j’ai passé à être torturé dans cette pièce […] Parfois, lorsqu’un agent me frappait, je comptais chaque coup. J’arrivais parfois à 50 ou 60 avant de perdre connaissance. Une fois, je suis allé jusqu’à 100. » 

Ismael*, détenu dans quatre sections différentes des services de renseignement en trois mois et demi, a raconté :  

« Ils m’ont électrocuté entre les yeux. J’ai senti tout mon cerveau trembler […] Je voulais mourir. Je ne savais pas si c’était le matin ou la nuit. Je ne pouvais pas me tenir sur mes jambes, même pour aller aux interrogatoires. Il fallait qu’ils me soutiennent pour m’y emmener et me ramener. » 

Les disparitions forcées sont également monnaie courante. Ibrahim* a raconté que son cousin, ainsi que son épouse et leurs trois enfants avaient été arrêtés à leur retour de France en 2019. À ce jour, la famille a « disparu » depuis deux ans et huit mois. 

Aucune région de Syrie n’est sûre ​  

Les combats en Syrie ont nettement diminué au cours des trois dernières années. Le gouvernement syrien contrôle désormais plus de 70 % du territoire.

Dans ce contexte, plusieurs pays d’accueil commencent à réexaminer la protection accordée aux personnes originaires de Syrie. Au Liban et en Turquie, où de nombreux réfugiés endurent des conditions de vie difficiles et subissent la discrimination, les gouvernements font de plus en plus pression sur les Syriens pour qu’ils retournent chez eux.  En Europe, le Danemark et la Suède réévaluent les permis de séjour des demandeurs d’asile qui viennent de régions qu’ils considèrent comme sûres pour des retours, notamment Damas et ses alentours. Un tiers des cas présentés dans ce rapport concerne des violations commises à Damas ou aux alentours. 

Notre rapport est sans appel : aucune région de Syrie n’est sûre. Les personnes qui ont fui leur pays au début du conflit risquent fortement de subir des persécutions à leur retour, du fait de leurs opinions politiques présumées ou simplement à titre de punition pour avoir quitté le pays. 

 * Tous les prénoms ont été modifiés.

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