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Projet de loi terrorisme : on ne protège pas nos libertés en limitant nos droits

Dans une tribune au JDD, Amnesty International France met en garde contre les restrictions de libertés qu'impliquerait le vote, en l'état, du projet de loi sur le terrorisme et le renseignement, examiné à partir de mardi au Sénat.

Ce mardi 29 juin, les sénateurs vont avoir deux jours pour examiner le projet de loi sur le terrorisme et le renseignement. Cette loi modifierait durablement le droit français en rendant permanentes des mesures d'urgence et en renforçant les pouvoirs de surveillance de l'État. Sur le volet renseignement, le projet confirme et renforce les dispositifs de la loi de 2015, qui avait, à l'époque, provoqué une levée de boucliers. Début juin, les députés ont expédié les débats sur cette partie en quelques heures et rapidement adopté le texte.

Il n'y aura pas de deuxième lecture : le gouvernement a engagé une procédure accélérée. Les parlementaires sont en train de voter au pas de course des dispositions attentatoires à nos droits et libertés.

Que recouvre ce projet de loi relatif à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement ?

Il rend permanentes des mesures issues de l'état d'urgence déclaré après les attentats de 2015, mesures qui renforcent les pouvoirs des préfets au détriment du judiciaire. Elles permettent d'imposer des assignations à résidence ou des perquisitions, sur la base d'éléments vagues et de simples soupçons de l'Administration. C'est une violation des engagements internationaux de la France sur le droit à un procès équitable.

Ces dispositions existent déjà dans la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (Silt), mais elles devaient s'éteindre en 2021. Elles pourraient maintenant être définitivement intégrées au droit français. Le gouvernement n'a pas tenu compte des avis très critiques formulés par les rapporteurs spéciaux des Nations unies, le défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH), de même qu'il a ignoré les appels en faveur d'une évaluation indépendante des impacts de ces mesures sur les droits humains. En revanche, il durcit encore les dispositifs en proposant d'allonger les durées des assignations ou de les cumuler avec d'autres ­interdictions.

En 2015, les experts des droits humains avaient aussi dénoncé la loi sur le renseignement, qui autorisait une surveillance très large sur la base d'une liste extensive de motifs d'intérêt public mal définis, et ce, sans contrôle judiciaire préalable. Le projet de loi qui arrive au Sénat confirme et étend ces principes. Le recours aux algorithmes ou "boîtes noires", qui permettent une surveillance de masse, était encore expérimental : il deviendrait définitif. Les échanges d'informations entre l'Administration et les services de renseignement sont facilités, y compris pour des éléments relevant d'un secret protégé par la loi, professionnel ou médical. Plusieurs dispositions prévoient également ­l'extension de la conservation des données par les services de ­renseignement.

Ce texte arrive peu après la proposition de loi sur la 'sécurité globale' et le projet de loi 'confortant les principes républicains', qui portent eux aussi atteinte au socle des droits fondamentaux. Si le Conseil constitutionnel peut encore censurer certaines dispositions, le signal envoyé par les autorités est très préoccupant.

Ces dernières années, de graves reculs ont eu lieu dans d'autres pays, y compris européens, comme la ­Hongrie ou la Pologne. Il ne s'agit pas de comparer sans prendre en compte les différences. Mais l'expérience montre que la dégradation de la situation des droits humains est un processus qui peut être très rapide et se produire même au sein de l'Union européenne. Par ailleurs, il existe un 'effet cliquet' qui rend très difficile tout retour en arrière. Les attaques contre la justice, l'obstination à ignorer les recommandations des institutions internationales, ou les critiques contre les droits fondamentaux, présentés comme des entraves aux pouvoirs des autorités, sont des signes qui devraient nous alarmer.

La lutte contre le terrorisme est souvent brandie pour justifier de tels reculs. Protéger les populations des violences est un objectif légitime, mais prendre des mesures qui génèrent des discriminations, portent atteinte à la liberté de mouvement, au droit à la vie privée, étouffent la liberté ­d'expression, d'association ou de réunion pacifique ou menacent le droit à un procès équitable est illégal au regard du droit international et bien souvent contre-productif. Les sénateurs devront s'en souvenir, on ne protège pas nos libertés en limitant nos droits."

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