Communiqué du 25 juin 2020 du réseau "Sortir du nucléaire"
Le 29 juin 2020 à 23h30, le réacteur 2 de Fessenheim entamera sa mise à l’arrêt, marquant la fermeture définitive du site. Bientôt, fini la production de déchets hautement radioactifs, les pollutions chimiques, thermiques et radioactives du Rhin, les incidents et pannes en tout genre ! L’épée de Damoclès d’un risque d’accident majeur, qui aurait pu contaminer l’une des plus grandes nappes phréatiques d’Europe, commencera à s’éloigner…
Cette fermeture interviendra après plus de 50 ans de mobilisation en Alsace puis partout en France, ainsi que dans les pays riverains. L’Alsace peut enfin tourner la page du nucléaire et envisager l’avenir avec plus de sérénité. Elle pourra ainsi s’investir pleinement dans un changement de modèle énergétique tourné vers la sobriété et les énergies renouvelables.
Un arrêt inéluctable et une indemnisation indue
Cet arrêt était inéluctable, la centrale n’étant pas éternelle. Situé en zone sismique et inondable, en contrebas du grand canal d’Alsace, le site est particulièrement vulnérable à des aléas non prévisibles. La prolongation de son fonctionnement n’aurait pu se faire sans risques, les cuves des réacteurs, affectées de défauts, n’étant ni remplaçables ni réparables. Tout en prétendant que la centrale était sûre, EDF n’a pas présenté de dossier qui aurait pu en attester en vue de sa 4ème visite décennale, pressentant qu’elle pourrait difficilement remplir les conditions requises [1]. En connaissance de cause, EDF a unilatéralement décidé de ne pas réaliser certains travaux pourtant requis depuis 2012 par l’Autorité de sûreté nucléaire [2].
Il est donc choquant qu’EDF ait obtenu de l’État une indemnisation colossale pour cette fermeture, sur le postulat infondé que la centrale aurait pu fonctionner jusqu’en 2041. Le 14 novembre 2019, nous avons déposé plaintedevant la Commission Européenne pour dénoncer une aide d’État déguisée. La Cour des Comptes elle-même a fustigé ce protocole, dans un rapport dénonçant une opération extrêmement avantageuse pour EDF aux frais de l’État.
Fessenheim doit ouvrir le bal d’autres fermetures en France !
Aux côtés des associations alsaciennes, nous restons vigilants quant aux risques qui perdureront tant que le combustible usé restera sur le site et aux conditions du démantèlement. Nous nous opposons également au projet d’installation à Fessenheim d’un « Technocentre » destiné à recycler les ferrailles radioactives.
Surtout, la victoire de la fermeture de Fessenheim ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Il reste encore 56 réacteurs en France, dont EDF souhaite prolonger le fonctionnement jusqu’à 50 ans au moins. Bugey, Tricastin, et tant d’autres centrales en France méritent aussi d’être fermées ! La France se doit d’engager une transition énergétique digne de ce nom et d’en finir avec le nucléaire, plutôt que de maintenir en fonctionnement des centrales vieillissantes et dangereuses et envisager la construction de nouveaux réacteurs.
Pour célébrer la fermeture de Fessenheim, les associations alsaciennes organiseront plusieurs événements à partir du 29 juin, avec notamment une conférence de presse sur un bateau sur le Rhin.
Notes
[1] Pour que la centrale puisse répondre aux exigences requises pour la 4ème visite décennale, elle aurait dû pouvoir atteindre le niveau de sûreté des réacteurs les plus récents. En particulier, elle aurait dû se doter d’un dispositif destiné à empêcher que le cœur en fusion, en cas d’accident, transperce le radier, ce socle en béton situé sous la centrale. Des travaux menés en 2012 n’ont permis que d’épaissir de 50 cm le radier, avec pour seul effet de ralentir de 44h son éventuel percement. On peut fortement douter qu’il restait de la marge pour rendre le radier étanche.
[2] En 2012, l’Autorité de sûreté nucléaire a exigé qu’EDF dote, d’ici 2018, tous ses réacteurs de « diesels d’ultime secours » destinés à assurer une alimentation électrique en toute circonstance. En 2017, EDF a mis l’ASN devant le fait accompli, demandant à dispenser Fessenheim de ces équipements du fait de la fermeture. Ceux-ci restaient pourtant nécessaires pour sécuriser le refroidissement du combustible usé restant, qui prendra plusieurs années. Notons également qu’au prétexte de la fermeture de la centrale, EDF n’a pas procédé à une réévaluation de l’aléa sismique, comme cela était demandé.