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Un décret qui met en danger le patrimoine

Un décret d'application peut modifier profondément la direction donnée par une loi. Ainsi le décret de mai 2016 inverse la charge de la preuve, concernant l'opportunité d'une isolation par l'extérieur des bâtiments anciens. Cette obligation prévue par la loi sur la transition énergétique excluait les constructions possédant des spécificités architecturales et patrimoniales de leur  bâti. Le décret d'application demande au propriétaire de faire la preuve de l’inopportunité esthétique et patrimoniale d’une telle isolation, en chargeant un architecte de dresser un argumentaire. Le propriétaire se voit donc dans l'obligation de mettre en œuvre une démarche coûteuse et au résultat aléatoire : rien de mieux pour décourager toute tentative de recours.

Les associations de défense du patrimoine sont mobilisées contre ce décret, voici la réaction de l'ASPV

Depuis octobre 2014, les associations et fédérations nationales de sauvegarde du patrimoine se mobilisent contre l’obligation de travaux extérieurs d’isolation prévus en cas de restauration de bâtiment par la loi sur la Transition énergétique.
Votée le 17 août 2015, la loi rendait obligatoire l'Isolation Thermique par l'Extérieur (ITE) en cas de ravalement de façade des bâtiments, exceptés ceux présentant des spécificités énergétiques et architecturales. Les associations nationales de protection du patrimoine dont Patrimoine-Environnement à laquelle adhère notre association, regroupées dans le G8 Patrimoine, avaient obtenu qu'un décret précise les catégories de bâtiments concernés et ceux exemptés (en fonction de la date de leur construction ou des matériaux mis en œuvre).
Or le décret du 30 mai 2016 avec application au 1er janvier 2017 généralise l'ITE à tous les bâtiments !
Ce décret, relatif aux "travaux embarqués" (c’est-à-dire rendus obligatoires à l’occasion d’autres travaux) confirme les craintes des associations. Ce texte complexe - malgré les protestations émises lors de la consultation du public - est à la fois irrespectueux de la loi qu’il entend appliquer, coûteux pour les propriétaires, inutile et désastreux pour la qualité architecturale.

 

Et voici la réaction  de Vieilles maisons françaises

La loi relative à la Transition Energétique du 17 août 2015 prévoit que les travaux de rénovation du bâti répondent à une obligation de performance énergétique. Cette obligation se traduit par une incitation à l’isolation par l’extérieur. Toutefois, cette rénovation ne peut se faire contre les spécificités architecturales et patrimoniales du bâti. Elle renvoie donc, via un décret d’application du 30 mai 2016, à la liste des catégories de bâtiments soumis à cette règlementation. Or les Associations Nationales du Patrimoine (membres du G8 Patrimoine) s’opposent à la rédaction de ce décret d’application.

Que prévoit le décret d’application du 30 mai 2016 ?
Relatif aux « travaux embarqués », il confirme les craintes des associations. Il ne correspond pas au texte proposé lors des réunions de concertation de janvier 2016 entre le ministère de l’Ecologie et les acteurs du patrimoine.
A la place de cette liste et contrairement au texte de loi, ce décret créé une obligation générale d’isolation pour tous travaux de ravalement importants. Pour s’exonérer de cette obligation, le propriétaire doit charger un architecte de dresser un argumentaire afin de prouver l’inopportunité esthétique et patrimoniale d’une telle isolation. Ce renversement opéré par le décret met en danger le patrimoine de proximité qui donne à chaque région sa typicité architecturale. La technique de l’isolation par l’extérieur, qui convient parfaitement au bâti récent, n’est pas adaptée au bâti ancien, puisqu’elle empêche les matériaux utilisés de respirer (pierre, mortier etc.) et conduit à une uniformisation et à une dénaturation des façades.

La proposition des associations du Patrimoine
Dans le cadre du débat public mis en place par le ministère de l’Ecologie, les associations du Patrimoine avaient proposé que le bâti d’avant 1948 soit exclu de ces obligations, d’une part à cause des considérations patrimoniales mais aussi à cause des propriétés isolantes de ces matériaux, qui ne sont pas à remettre en cause.
Des études menées par les services de l’État et Maisons Paysannes de France montrent que ces bâtiments ont une bonne performance énergétique et se classent en D ou en C. Ces performances peuvent être améliorées par différents travaux, isolation sous toiture, entretien des huisseries, etc…

Devant ces menaces inédites pour notre cadre de vie, et dans l’attente d’évolutions, les associations nationales de protection du patrimoine reconnues d’utilité publique ont intenté un recours gracieux le 27 juillet 2016 auprès du premier ministre, lui demandant de retirer son décret.
Sans réponse avant le 27 septembre 2016, elles sont déterminées à saisir le Conseil d’État.

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Façade à Landèves

Commentaires

  • L'absurdité fait loi!
    Vous aurez sans doute du mal à croire l'article publié par l'Anvert tant il semble incroyable que des législateurs dignes de leur fonction puissent avoir écrit un arrêté qui mette ainsi en danger le patrimoine. Huit fédérations nationales en charge du patrimoine ont d'abord pensé à une erreur, à une étourderie et sont donc intervenues pour demander une correction. Et c'est là où les choses se sont compliquées car elles ont constaté que les ministères concernés, celui de l'environnement et celui de la culture, faisaient le dos rond et ne répondaient pas. Le lobby du BTP est-il donc si puissant que le patrimoine lui soit livré en sacrifice? Vous ne faites pas un mauvais rêve! Tout ce qui est dit ici est vrai, vérifiable. C'est tout simplement un scandale, un de plus!

  • C'est pas possible , on n'est pas le premier Avril ,cette loi c'est une blague de mauvais goût .
    Recouvrir , faire disparaître d'un seul coup nos vieilles pierres taillées , nos boiseries , ces assemblages , tout ce savoir faire de nos anciens ...toutes ces "choses" qui nous parlent , nous racontent des histoires depuis des siècles ...il faut perdre la tête pour pondre une telle loi !
    Mais je suis sûr que la grande majorité des français sont respectueux , fiers et admiratifs de leur patrimoine , et que ce décret tombera vite dans les oubliettes .
    André

  • Je partage volontiers le vœu ou la prédiction d'André.Mais il n'empêche qu'une telle absurdité reste inexplicable, inacceptable.

  • Il faut relativiser et garder une certaine objectivité et exhaustivité. Cette obligation d'isolation ne s'applique qu'en cas de ravalement d'une part. Une façade en pierre ou en briques que l'on souhaite garder en l'état ne verra jamais un enduit la recouvrir, donc pas concernée par ce décret. Il faut de plus que les travaux concernent au moins la moitié des murs.
    D'autre part, les possibilités de déroger sont assez ouvertes à mon avis : risque de pathologie, disproportion manifeste en terme architectural ou économique (temps de retour sur investissement >10 ans).
    Sur des façades qui ne montrent pas un intérêt architectural majeur, l'isolation extérieure est tout à fait envisageable, à condition d'utiliser des matériaux ouverts à la vapeur d'eau et capillaires. Mais très souvent, le temps de retour sur investissement sera supérieur à 10 ans, donc la possibilité d'y déroger ne posera pas de problème à mon sens.
    Loïc G

  • Elles sont donc folles ces associations.
    Les 8 plus importantes fédérations nationales d'associations de sauvegarde du patrimoine qui disposent d'une veille juridique au niveau du Sénat et de l'Assemblée nationale sont parfaitement informées.Elles ont par ailleurs rencontré les instances chargées de la rédaction du décret contesté.La première formulation du décret qui prévoyait des causes d'exemption et qui était approuvée par ces fédérations a été revue à la demande des entreprises du BTP. L'affirmation de Loïc qu'une façade en beaux matériaux ne sera jamais recouvertes d'un isolant crépis n'est pas exacte. Des maisons à colombage, en Alsace, ont subi cette contrainte que les propriétaires ont refusé en renonçant à leur projet. Loïc donne un avis fondé sur quoi?Comment peut-il affirmer que ce décret ne sera pas appliqué, ne sera pas opposable aux propriétaires. Soupçonnerait-il les fédérations du patrimoine de s'émouvoir inutilement? Pour ma part, je les considère comme sérieuses et responsables!

  • Je n'ai jamais dit qu'un bâti ancien ne serait jamais recouvert d'un enduit ciment. Le patrimoine normand en est également un bon exemple et je suis le premier à le regretter. Mais si un propriétaire decide de faire un enduit ciment, qu'il soit contraint ou non à une obligation d'isolation, les risques de pathologies sont réels. Le décret ne changera rien à ce niveau.
    Attention, possibilités de déroger ne veut pas dire que le décret ne sera pas applicable ou non opposable. Comme dans beaucoup de textes réglementaires, il est prévu des cas de dérogation, où en l'espèce cette notion de travaux embarqués ne s'applique pas. Je vois deux cas possibles : soit la personne souhaite faire de toute façon une isolation, Et là il faut travailler sur la sensibilisation (choix des matériaux, contraintes architecturales...). Soit la personne ne souhaite pas isoler et dans ce cas, plusieurs possibilités de déroger apparaissent (voir décret). Celle sur le temps de retour sur investissement supérieur à10 ans ne sera pas trop difficile à soulever. Après il faut voir comment (et combien) un homme de l'homme de l'art va attester d'une de ces possibilités de déroger.

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