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Agriculture : décryptage des annonces de Gabriel Attal sur l’environnement

Publié  par FNE le 29 janvier 2024

Le 26 janvier, le Premier ministre entendait répondre à la colère des agriculteurs et agricultrices en annonçant, dans une exploitation de Montastruc-de-Salies en Haute-Garonne, des mesures de politique publique. Plusieurs de ces mesures concernent l’environnement et aboutissent à des régressions importantes de la protection de la nature et de l’environnement. 

À l’heure des États généraux de l’information, et parce que le Premier ministre fonde ses décisions sur un certain nombre d’informations erronées, France Nature Environnement a choisi de rappeler dans ce décryptage les contre-vérités très inquiétantes entendues dans la bouche du Premier ministre. Très inquiétantes car elles fondent aujourd’hui des décisions publiques dans le domaine de l’environnement. 

L’analyse du discours du Premier ministre sur l’environnement démontre que sa vision de l’agriculture se résume à la seule agriculture industrielle. 

“J’ai fait le choix de recevoir à Matignon l’ensemble des responsables syndicaux”

 Le Premier ministre, alors même que s’annonçaient des décisions publiques en matière d’environnement, n’a à aucun moment entendu les services publics de l’environnement concernés par ses annonces, ou les associations de protection de la nature, malgré nos nombreuses demandes. En ce sens, ces décisions publiques en matière d’environnement ne respectent pas les principes constitutionnels de la participation préalable du public avant toute décision en matière d’environnement. 

Les décisions qui en ressortent sont donc fondées sur le discours unique des représentants syndicaux dominants et ne tiennent pas compte des divergences d’opinion au sein même du monde agricole. Si Gabriel Attal a bien reçu tous les syndicats, seules les demandes de l’agriculture industrielle ont été prises en compte. 

“Ce pour quoi on se bat, c’est tout simplement notre indépendance agricole et notre souveraineté”

TROMPEUR ! Notre indépendance s’écrit justement dans la proximité, avec des paysannes et paysans nombreux sur nos territoires, qui respectent leur capital sol et biodiversité, sans lesquels ils ne pourront plus produire demain.  

Le modèle agro-industriel soutenu par G. Attal est en réalité extrêmement dépendant des importations : énergies fossiles pour les machines agricoles, intrants de synthèse, produits phytosanitaires…  Si l’on veut réduire la dépendance de la France aux importations étrangères, des solutions existent : réduire la consommation de viande permettra par exemple de réorienter une partie de l’espace dédié à la production d’aliments pour le bétail vers l’alimentation humaine.  

La France ne manque pas de terres agricoles mais fait le choix d’exporter une partie de sa production : par exemple, en 2022, 29% de la volaille de chair était exportée. Assurer la souveraineté alimentaire de la France passe avant tout par une massification des circuits de proximité.  

“Quand quelqu’un veut déposer un recours contre un projet, il y a un délai de 2 mois pour le faire (…). Pour les agriculteurs, c’est un délai de 4 mois.”

FAUX. Il n’existe aucun délai de recours contentieux spécial en matière agricole. Le délai de recours contentieux est de 4 mois pour toutes les installations industrielles dangereuses soumises à la règlementation industrielle ICPE. Ce délai de recours était de 1 an jusqu’en 2017 et a déjà été réduit à 4 mois. 

Ce délai de recours ne concerne donc que les activités agricoles les plus dangereuses : les activités industrielles soumises à autorisation (porcheries industrielles de plus de 2000 porcs, élevages de poulets de plus de 40 000 animaux, méthaniseurs à plus de 100 tonnes par jour …). L’essentiel de la production agricole de qualité qui nourrit les Françaises et les Français de manière non industrielle n’est donc pas concernée par ce type de procédures. 

“On passe son temps à se battre contre des recours abusifs”

FAUX. Aucune « procédure abusive » n’existe en matière de contentieux environnementaux contre l’agriculture industrielle. En 50 ans d’activités, aucune des 6200 associations du mouvement FNE n’a jamais été reconnue par un juge comme ayant conduit une « procédure abusive ». Puisque les mots ont un sens en droit : les « procédures abusives » sont celles reconnues comme telles par le juge dans le cadre de contentieux pour procédures abusives. 

Par contre, le mouvement FNE gagne ses recours contentieux contre les décisions préfectorales autorisant des activités industrielles (et seulement elles) sans intégrer les limites environnementales.

“On va simplifier drastiquement tout ce qui relève des curages. (…) Dès la semaine prochaine, on sort un décret pour passer de l’autorisation à la déclaration”

MAUVAISE IDÉE ! Le Premier ministre donne crédit à une information fausse de la FNSEA selon laquelle les lourdeurs administratives empêcheraient les agriculteurs et agricultrices de curer les cours d’eau, au risque de provoquer des inondations.   

Cette affirmation est fausse d’un point de vue hydrologique. Le problème des inondations s’explique au contraire par les effets combinés d’une artificialisation excessive et d’une perte de matière organique des sols, ce qui ne leur permet plus de jouer leur rôle “d’éponge”. En facilitant le curage des fossés, et des cours d’eau, on accélère le circuit de l’eau et on s’expose à davantage d’inondations.  

Au-delà des fossés, le « curage de cours d’eau » est interdit au-delà de l’entretien normal car ce sont des écosystèmes fragiles qui ne supportent pas une intervention mécanisée, et qui n’ont normalement pas besoin de curage dans un fonctionnement hydrologique normal. Les périodes de hautes-eaux jouent le rôle de chasse des sédiments et d’entretien naturel   

“Désormais l’OFB sera sous la tutelle du préfet, ce qui renforcera votre capacité à dire au préfet quand ça va et quand ça va pas” 

FAUXLes contrôles administratifs de l’OFB sont déjà sous tutelle des préfets et les contrôles judiciaires de l’OFB ne peuvent par nature pas l’être : ils sont sous contrôle du Procureur de la République, conformément au principe de séparation des pouvoirs ! 

La réalité est toute autre : l’OFB a pour mission principale le contrôle de la chasse et les contrôles administratifs dans le domaine de l’eau, donc sous l’égide d’un plan de contrôle décidé en lien avec le préfet et l’ensemble des autres services de contrôle. Compte tenu des faibles moyens accordés à ce service de l’environnement, les contrôles sont ciblés : 3000 contrôles en 2023, soit 0,75% des installations agricoles seulement.

L’OFB a, en plus de ses missions administratives, des missions judiciaires, en lien avec la gendarmerie et sous l’autorité du Procureur de la République. C’est en effet l’OFB qui conduit les enquêtes judiciaires pour destructions de l’environnement et pollutions. Les nombreux rapports publics et déclarations politiques du gouvernement reconnaissent par ailleurs que le contrôle et la sanction pénale des atteintes à l’environnement sont très insuffisantes en France (voir le rapport de l’ancien procureur général François Molins sur le droit pénal de l’environnement).

“Il y a 14 réglementations différentes pour les haies (…)
donc on passe de 14 réglementations à une”

VRAI MAIS Toutes les réglementations servent un seul et même objectif : préserver les haies en raison de leur importance pour la biodiversité, pour la préservation de l’eau dans les sols et pour la production agricole elle-même !  

S’il est vrai que la destruction des haies est très règlementée, ce sujet ne concerne encore une fois que l’agriculture industrielle hyper-mécanisée, qui a besoin de grandes parcelles d’un seul tenant et est responsable de la disparition de 23 500 km de haies par an. 

Annoncer la simplification de la règlementation de destruction des haies est proprement contraire à l’ensemble des enjeux de la protection de la biodiversité et d’adaptation et atténuation du changement climatique. Et c’est une demande directe de la FNSEA et des Chambres d’agriculture. 

Zones humides : “pour tout le pays, on fait une pause sur le sujet»

MAUVAISE IDÉE ! 50% de la surface des zones humides en France a disparu entre 1960 et 1990. Depuis les années 2000, cette disparition se poursuit à un rythme moins élevé mais qui reste préoccupant (zones-humides.org).

Les zones humides et leur protection ne sont un problème que pour l’agriculture industrielle mécanisée. L’agroécologie connait les atouts indispensables de ces zones en été pour les bêtes, et toute l’année pour la régulation des débits des cours d’eau (pour « stocker » naturellement l’eau) et pour la biodiversité indispensable aux cultures. 

“Entendre des personnes, parfois politisées parfois moins, qui dénigrent en permanence nos agriculteurs, qui les présentent comme des bandits, des pollueurs, des femmes et des hommes qui torturent leurs bêtes. Ce que je souhaite, c’est qu’à l’issue de ce mouvement on n’accepte plus ce type de discours dans le débat public.”

TROMPEUR ! Le mouvement de la protection de l’environnement travaille en lien étroit avec le monde agricole qui fait le choix de s’engager dans la transition écologique. En revanche, les associations environnementales assument le fait de dénoncer les effets de l’agriculture industrielle, de l’agroalimentaire et de la chimie, en termes de destructions de milieux naturels, de pollutions, d’atteintes à la condition des animaux d’élevage, de violences contre nos militant.es et nos locaux. 

Cette agriculture-là est régulièrement condamnée par les juridictions pénales pour ces actes de délinquance environnementale. Condamnée par des juges sur réquisition des Procureur.es de la République, donc de l’État ! Cette agriculture industrielle là est responsable des pollutions aux nitrates et aux phosphates, des marées vertes, des pollutions de cours d’eau, des destructions des sols, des haies, de la pollution de l’air et des maladies professionnelles de ses ouvriers et ouvrières agricoles. 

Nous continuerons de lutter contre cette agriculture-là, contre ces atteintes qui sont réelles, tout comme nous continuerons à travailler avec l’agriculture de demain, celle engagée dans l’agroécologie. 

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