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Crise de l’eau à Mayotte : un flot de résistance

Extraits de l'article de Politis

"Mayotte a soif. » Le slogan fédérateur se déverse depuis plusieurs semaines dans les rues du 101e département. Manifestations, actions judiciaires, campagne de communication : la formule rassemble désormais des centaines d’assoiffés en quête de justice. Dans leur viseur, les acteurs désignés comme « responsables ou bénéficiaires de la crise de l’eau ». Parmi les figures de proue de cette fronde : Racha Mousdikoudine, 34 ans, une mère de famille particulièrement concernée par les pénuries. « Je n’ai plus d’eau courante depuis le 7 juillet », raconte-t-elle. Tout le voisinage partage ce qu’elle décrit comme « un film d’horreur ». Depuis son quartier de classe moyenne perché sur les hauteurs de Petite-Terre, elle tient à nuancer. « Tout le monde n’est pas touché de la même manière par la crise. Mon cas est grave, mais certains le sont bien plus. »

« Chaque jour est une surprise »

Depuis le 4 septembre, Mayotte est soumise à un rythme de coupures d’eau redoutable. En cause : une sécheresse inédite doublée d’une gestion défaillante des acteurs privés et institutionnels. Les scandales s’enchaînent. La population enrage. Dans le meilleur des cas, seuls deux jours d’eau courante sont disponibles dans la semaine. De quoi aggraver une situation déjà insupportable. « Nous avons fini par bricoler un robinet sur le réseau en contrebas. J’y puise mes réserves, mais chaque jour est une surprise. Je ne peux jamais prévoir si l’eau sera réactivée, ni pour combien de temps. Sans ­parler de sa qualité », déplore Racha. Ses suspicions s’orientent vers le réseau local, sérieusement abîmé par les coupures qui ponctuent le quotidien des Mahorais depuis 2016. Date à laquelle Mayotte commence à enchaîner les coupures en raison du manque de ressources.

Racha a passé plus d’une centaine d’appels à la Société mahoraise des eaux (SMAE, filiale de Vinci). « Chacun se renvoie la balle », regrette-t-elle. Après un reportage sur ses difficultés diffusé sur la chaîne locale Mayotte La 1re, un « responsable local » a fini par se déplacer. « On m’a donné trois conseils : installer un moteur à mes frais et sans garantie, déplacer le compteur, ou bien… déménager. »

Dans l’Hexagone, la plupart ne tiendraient pas 24 heures.

Le même scénario se répète chaque matin. « J’ouvre le robinet pour voir s’il y a de l’eau. Parfois, les voisins me préviennent directement. » Dans une véritable course contre la montre, ou plutôt contre les pénuries, les corvées s’enchaînent. Tout est chronométré. Constituer des réserves d’eau ? « Deux heures. » La lessive à la main ? « Une heure, sans les draps. » À cela s’ajoutent la vaisselle, le ménage, les sanitaires. Au total, « six heures par jour pour une famille de quatre personnes », additionne-t-elle avec amertume. Un défi logistique pour cette entrepreneuse, enseignante et militante associative.

Difficile de ne pas céder à la colère. « Vous voulez savoir ce que ça fait de vivre dans notre situation ? Fermez votre compteur d’eau. Dans l’Hexagone, la plupart ne tiendraient pas 24 heures. On vit littéralement avec nos excréments », s’indigne-t-elle. Certains n’hésitent plus à récupérer de l’eau de mer pour remplir le réservoir de leur cuvette. D’autres l’aspergent de détergent. Racha, elle, ne gaspille aucune goutte. « Hors de question d’utiliser de l’eau claire pour les W.-C. On récupère celle de la lessive, de la vaisselle, de la pièce à frotter. Tout ! »

(...)

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"Mayotte expérimente une pénurie qui sera globale. Les Français ont l’opportunité d’être avec nous pour trouver des solutions." Racha Mousdikoudine, lors de la manifestation du 27 septembre 2023 sur l'île.
© Cyril Castelliti

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