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Venir en aide aux Afghanes, cibles de la « guerre contre les femmes » des talibans

Tribune,publié le 28.08.2023 par Amnesty International

Depuis le 27 août 2021, date de fin du pont aérien entre Kaboul et la France, les libertés se sont drastiquement réduites et le pays vit désormais sous une chape de plomb, dans une illusion sécuritaire et une répression féroce à l’encontre de tous ceux qui contestent le régime en place.

Depuis, surtout, le nouveau régime mène une guerre sans merci contre ce qui semble représenter le danger le plus redoutable à ses yeux. Un ennemi omniprésent en Afghanistan, mais vulnérable, sans arme, et en grande partie abandonné de la communauté internationale : la femme afghane.

Un potentiel crime contre l’humanité 

Ce à quoi nous assistons, en effet, est une véritable campagne de persécution organisée, généralisée et systématique, fondée sur le genre. Un des pires systèmes de domination mis en place dans le monde au niveau étatique pour contrôler et effacer l’existence des femmes dans l’espace public. Cette « guerre contre les femmes », comme nous l’avons qualifiée dans notre rapport publié en mars 2023, pourrait ainsi constituer, selon notre analyse, un crime contre l’humanité, dont les auteurs, nous l’espérons, devront répondre un jour devant les juridictions nationales ou internationales.

20 ans d’avancées pour les droits des femmes phagocytées par les talibans

La faillite de l’État afghan, notamment dans l’arrière-pays où ses missions régaliennes (santé, éducation, sécurité) n’étaient plus assurées, est sans doute à l’origine du retour des talibans au pouvoir. Mais depuis plus de vingt ans, toute une génération de filles avait pu avoir accès – au moins dans la capitale et dans les grandes villes – à un minimum d’éducation, à un travail dans la fonction publique ou même à la direction de sociétés privées.

Des femmes effacées de l’espace public   

Ce temps est révolu, et cette parenthèse d’espoir s’est brutalement refermée pour des millions de femmes afghanes qui n’ont plus d’autre choix que de se soumettre et dépérir. En dépit de promesses d’« inclusivité » qui n’ont engagé que ceux qui y ont cru dans les milieux diplomatiques, l’éducation est devenue peu à peu inaccessible pour les jeunes filles, désormais exclues des écoles après l’enseignement primaire. Elles ont bien sûr été interdites d’inscription à l’université, ont été écartées de la vie politique et de la plupart des emplois de la fonction publique.

De fait, ce sont toutes leurs libertés qui peu à peu se sont estompées, à mesure que leurs vêtements à nouveau imposés recouvraient leurs corps et leurs visages. À commencer par la liberté de manifester. Nombre de femmes, qui ont contesté ce retour à un système ultra-patriarcal, l’ont payé cher. Harcèlement, disparitions, emprisonnements et tortures se sont multipliés ces derniers mois pour étouffer toute velléité de protestation.

Mais le plus flagrant est sans doute leur invisibilisation en dehors de la structure familiale. Interdites d’entrée dans les parcs publics, les femmes doivent être accompagnées par un tuteur masculin pour toute sortie hors du domicile. Les risques en matière de santé sont, en outre, grands pour les Afghanes, les femmes – seules à pouvoir les soigner – étant de moins en moins présentes dans le secteur médical et n’ayant plus accès aux études de médecine, selon les ONG qui travaillent dans le pays.

Fuir les persécutions : le parcours de la combattante 

Beaucoup sont dès lors tentées de fuir le pays, mais pour aller où ? Et surtout, comment ? Une fois la décision prise commence en effet pour la candidate à l’exil un parcours de la combattante des plus éprouvants. Après s’être procuré un passeport et avoir trouvé un passeur capable de leur faire traverser la frontière, le plus « simple » pour elles est de rejoindre l’Iran ou le Pakistan. Et là arrive l’attente insupportable pour un sésame vers un pays tiers, avec les risques d’arrestation arbitraire et de harcèlement pour nombre d’entre elles, devenues irrégulières à l’expiration de leur visa, ou parce qu’elles sont entrées illégalement dans le pays. Avec le risque permanent d’être renvoyées en Afghanistan.

« Les femmes afghanes ont le droit de vivre dans la liberté et la dignité » : c’est par ces mots que le président Macron promettait, à l’été 2021, que la France resterait « aux côtés des Afghanes ». Quelques semaines plus tard, le ministre des affaires étrangères et européennes précisait même : «Nous devons accompagner celles qui partent, celles qui ont trouvé refuge dans un pays voisin de l’Afghanistan. Celles qui demandent l’asile, par exemple, en France ou en Europe. »

Accueillir les femmes afghanes en exil : notre demande à Emmanuel Macron 

Nous sommes conscients des efforts accomplis par la France pour évacuer plus de 6 000 Afghans risquant des persécutions en deux ans, mais les critères et les modalités d’inscription de ces personnes réfugiées demeurent peu transparents et ces aides ont baissé d’intensité. Surtout, aucune action concrète n’a été observée pour accorder plus rapidement l’asile aux femmes bloquées en Iran ou au Pakistan, ou de faciliter et d’accélérer les procédures de réunification familiale pour les conjointes et les enfants d’Afghans exilés en France.

Alors que l’action de la France – entre autres pays – a été déterminante dans l’accueil de réfugiés ukrainiens depuis les débuts de la guerre d’agression de la Russie, en février 2022, nous ne pouvons que constater la différence avec les exilés afghans et d’autres nationalités, traités avec une moindre considération, voire avec défiance. La « guerre contre les femmes » menée par les talibans mérite que l’on apporte tout notre soutien à ces femmes qui fuient l’obscurantisme.

En décembre prochain, la France sera coorganisatrice du Forum mondial sur les réfugiés. À ce titre, nous demandons aux autorités françaises de prendre des engagements clairs en faveur de l’accueil des femmes afghanes, notamment dans le cadre du programme de réinstallation des personnes particulièrement vulnérables du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.

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© Kiana Hayeri / Amnesty International 

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