Article tiré du numéro de juin de "Campagnes solidaires", le magazine de la Confédération paysanne.
Deux années de sécheresse plongent dans l'incertitude les paysans et paysannes de la Catalogne du Nord. Des dérogations préfectorales permettent à certains agriculteurs conventionnels, riches propriétaires fonciers de contourner toutes les règles : forage dans des couches profondes, dans des secteurs en tension et pour des volumes astronomiques dépassant les centaines d'hectares d'arboriculture!
Les autres n'ont pas de solution de rattrapage. Ils dépendent de forages peu profonds et d'une eau qui n'arrive plus. Aurélia Ponsich, maraichère dans le Ribéral, tente depuis des années de gérer au mieux son exploitation. Paillage, composts, engrais verts, pour retenir l'eau dans le sol. Arrosage la nuit, en goutte à goutte, pour ne pas dépenser l'eau. Elle sera privée comme les autres de 50% de ses volumes d'eau. Si elle ne respecte pas les restrictions, elle risque 7 500€ d'amende. Une menace supplémentaire pour les petits agriculteurs qui, déjà, fournissent des efforts incommensurables pour préserver une denrée qu'ils savent rare et précieuse.
Pour les paysans qui dépendent des canaux, les restrictions se comptent en jours de présence d'eau dans les canaux. En ce moment, par exemple, les canaux sont ouverts deux ou trois jours tous les vingt jours. La réduction est de 80 %. Il y a donc moins de « tours d'eau ». Ils sont si espacés que la survie des arbres est en jeu. Chacun bricole au mieux.
Côté élevage, Virginie Morin compte les dégâts : « L'herbe ne repousse pas. L'achat de foin cette année me coute 10 000 €; malgré cela la production de glaces diminue. Mes brebis corses seront taries un mois en avance. Elles sont pourtant adaptées aux zones sèches ». Autre source d'inquiétude, l'accès à l'eau pour l'abreuvement. Ses sources s'assèchent. Il faudra forer pour un devis de 16 000€. Trouvera-t-elle de l'eau dans le sous-sol ?
Iskra, en cours d'installation, fulmine : « On me coupe l'accès à l'eau. Je me suis retrouvée avec un cadenas sur ma vanne. Le président de l'association qui gère l'eau (1) ne veut plus rien me donner sous prétexte que je suis cotisante solidaire ». Même son de cloche chez la DDTM (2) et sa cellule sécheresse qui ne se prononce pas. Le tour d'eau est perdu : elle pourra arroser dans trois semaines. Il n'y aura d'ici là probablement plus d'eau : deux puits sur trois sont déjà à sec. Son plantier de pistachier est menacé.
Cécile et François, fromagers à Montalba, ont eu droit à une belle frayeur. L'eau du village n'était plus potable. Contactés par la mairie, les deux premiers jours de traite et de fromages sont à jeter. La nappe est si basse que les mauvaises bactéries se concentrent. Un plan de nettoyage d'urgence est mis en place. La production est relancée. Jusqu'à quand?
Deux curés étaient présents aux réunions d'urgence-sécheresse. Leur demandera-t-on des incantations pour que l'eau coule enfin dans notre région? Quoi qu'il en soit, notre syndicat n'a une fois de plus pas été convié. Faut-il se munir de cierges pour être invité à ces réunions dont notre avenir dépend ?
(2) Direction Départementale des Territoires et de la mer
Valentin Lépineux, animateur de la Confédération paysanne des Pyrénées-Orientales et paysan
Le canal Régleille alimente normalement le lac, qui est sec. La fédération de la pêche est venue ramasser les poissons.
Commentaires
Les Peuples de l’Eau lancent un appel a rejoindre leur campagne d’actions !
Alors que la colère gronde et que la sécheresse fait rage, l’Etat et l’agroindustrie s’acharnent à polluer et privatiser l’eau. L’eau est notre plus précieux bien commun, face aux 100 jours d’apaisement de Macron les Peuples de l’Eau lancent les 100 jours pour les sécher !
LES PEUPLES DE L'EAU