Publié par Amnesty International le 03.12.2021 (extraits).
C’est avec énormément de colère et de tristesse que nous avons appris l’exécution d’Arman par les autorités iraniennes. Cette nouvelle est un véritable coup dur. Retour sur un assassinat étatique.
L’exécution, le 24 novembre 2021, d’Arman Abdolali, jeune homme de 25 ans condamné à mort pour un crime survenu alors qu’il était mineur, révèle au grand jour la cruauté du système judiciaire iranien. Utiliser la peine de mort contre une personne qui était mineure au moment des faits reprochés constitue une violation du droit international.
L’histoire d’Arman est des plus révoltantes mais, malheureusement, loin d’être un cas isolé.
Dans le plus grand secret
Les autorités iraniennes ont exécuté Arman Abdolali dans la prison de Raja’i Shahr, près de Téhéran. Son avocat et sa famille n’ont pas été prévenus. Pire, ses proches n’ont pas été autorisés à lui rendre une dernière visite. Cela est contraire au droit iranien : les avocats doivent être informés de l’exécution de leurs clients 48 heures à l’avance.
Selon nos informations, un responsable a appelé les parents d’Arman Abdolali vers une heure du matin le 24 novembre 2021 pour leur dire de venir immédiatement à la prison de Raja’i Shahr, sans leur donner plus d’informations. Lorsqu’ils sont arrivés à la prison, les autorités pénitentiaires les ont informés que son nom ne figurait pas sur la liste des personnes devant être exécutées à l’aube ce jour-là.
Il a été exécuté quelques heures plus tard.
Le secret qui a entouré l’exécution d’Arman Abdolali est conforme à la pratique très préoccupante des autorités iraniennes. Elle consiste à exécuter, en secret ou dans de brefs délais, les personnes condamnées à mort pour des crimes commis alors qu’elles étaient mineures. Cela leur permet de limiter les possibilités d’interventions publiques ou privées visant à leur sauver la vie.
Le 2 août 2021, les autorités iraniennes ont exécuté en secret un autre jeune homme, Sajad Sanjari, qui était mineur au moment de son arrestation. Avant cela, ils l’ont maintenu en détention dans le quartier des condamnés à mort pendant près de 10 ans.
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L'histoire d'Arman Abdolali
Arman Abdolali a été condamné à mort à la suite d’un procès inique au cours duquel on lui aurait arraché des « aveux » sous la torture. Il est accusé d’avoir tué sa petite amie, disparue en 2014, dont on n’a jamais retrouvé le corps. Il avait 17 ans au moment des faits qui lui sont reprochés. Pourtant, lors de son jugement, le tribunal pénal a considéré qu’il avait atteint la « pleine maturité » car le meurtre aurait été justement commis sans laisser de trace. Pour établir qu’Arman Abdolali était suffisamment « mûr » pour mériter la peine de mort, le tribunal s’est également appuyé sur l’opinion d’une conseillère auprès des tribunaux pour les enfants et adolescents. Elle avait déclaré que le jeune homme comprenait le caractère « abject » du crime commis. La Cour suprême a confirmé la déclaration de culpabilité et la peine d’Arman Abdolali en juillet 2016.
En février 2020, la Cour suprême a accordé à Arman Abdolali le droit d’être rejugé après avoir constaté que la conseillère avait retiré son avis initial, reconnaissant l’avoir donné sans avoir personnellement rencontré Arman Abdolali ni étudié son dossier judiciaire. Le nouveau procès, qui s’est tenu a porté essentiellement sur la « maturité » d’Arman Abdolali au moment du crime. En septembre 2020, le tribunal a statué qu’il était impossible de déterminer le degré de « maturité » d’Arman Abdolali tant d’années après les faits et que, en l’absence d’éléments prouvant le contraire, on pouvait considérer que le jeune homme était « pleinement mûr » et donc entièrement responsable pénalement. La Cour suprême a confirmé ce verdict en février 2021.
Les décisions judiciaires dans l’affaire Arman Abdolali témoignent des lacunes de la justice pour mineurs en Iran. Elle considère que, dans les affaires de meurtre et d’autres crimes passibles de la peine de mort, les garçons âgés de plus de 15 années lunaires et les filles âgées de plus de neuf années lunaires sont tout aussi responsables que des adultes. Ces enfants peuvent, par conséquent, être condamnés à mort.
Nous rappelons, qu’en vertu du droit international, l’interdiction du recours à la peine de mort contre des personnes mineures au moment des faits est absolue. Cela signifie qu’elle ne doit jamais être assortie de conditions telles que la « maturité » ou la « conscience de la gravité du crime ».
En 2020, trois personnes ont été exécutées en Iran pour des crimes qu’elles auraient commis alors qu’elles étaient mineures. Plus généralement, avec 246 exécutions en 2020, l’Iran est le deuxième plus grand bourreau au monde.