Communiqué de FNE le 05.06.2020
Les outrages au droit se poursuivent dans le dossier du barrage illicite de Caussade : alors que la Préfecture du Lot-et-Garonne demandait la vidange immédiate de la retenue d’eau, certains élus et agriculteurs ont obtenu courant mars de la part de l’Etat la possibilité d’utiliser l’eau durant la période estivale. Respect de l’Etat de droit, sécurité des riverains, adaptation au changement climatique, sobriété et partage de la ressource en eau : reportés à plus tard… peut-être. Face aux défaillances manifestes et réitérées de l’Etat, France Nature Environnement a de nouveau saisi la justice administrative début mai 2020 afin que l’ordre public soit rétabli dans les meilleurs délais. Le tribunal administratif de Bordeaux vient de considérer qu’il n’y avait pas d’urgence à le faire. Indignation.
Sanctions factices et reculs successifs
Des travaux démarrés fin 2018 sans autorisation, des scellés jamais posés sur les engins de chantier début 2019, des sanctions financières non exécutées, un remplissage du lac malgré l’interdiction, une vidange ordonnée début 2020 jamais effectuée… la non-application des sanctions administratives décidées par la Préfecture du Lot-et-Garonne est devenue presque systématique dans ce dossier. En cause, l’inertie de l’Etat et de la préfecture du Lot-et-Garonne face au passage en force et aux menaces des promoteurs de la retenue. Les reculs de l’Etat ont rendu purement factices, virtuelles même, les sanctions arrêtées, encourageant et légitimant les comportements irresponsables… effectivement poursuivis avec aplomb aux yeux de tous et avec le soutien de la plupart des élus locaux.
Dernier recul : l’autorisation, donnée par l’Etat, d’utiliser l’eau de la retenue cet été. Ceci après avoir ordonné, deux mois plus tôt, sa vidange pour des raisons de sécurité. Pour France Nature Environnement, ces complaisances annoncent une régularisation du barrage de Caussade, parfait contre-exemple du respect du droit et de l’environnement. Face à cette énième concession, notre fédération a déposé 2 référés au Tribunal administratif de Bordeaux le 8 mai 2020, demandant l’interdiction de l’utilisation de la retenue d’eau illégale et la vidange immédiate du lac
Une bien curieuse mission d’inspection
Balayant d’un revers de manche les arguments de France Nature Environnement, le tribunal administratif de Bordeaux vient de rejeter la première de nos requêtes. Ses motifs : une démarche de concertation a été entreprise par la préfète et une mission interministérielle a été lancée opportunément quelques jours avant ; la Chambre d’agriculture 47 (qui n’a sur ce dossier respecté aucun de ses engagements) aurait missionné un bureau d’étude pour assurer une surveillance du barrage ; les risques de rupture du barrage ne seraient pas encore démontrés…
Pour Arnaud Schwartz, président de de France Nature Environnement, « cette décision est incompréhensible et inquiétante. Alors que le Tribunal administratif considérait urgent de sanctionner ces dérives début 2019, il considère aujourd’hui que l’urgence a finalement disparu. Il renonce ainsi à sanctionner les nouvelles dérives survenues. La loi doit-elle être ignorée du fait de la désignation d’une mission d’inspection qui débute seulement ses travaux ? Je suis scandalisé de lire dans la lettre ordonnant cette mission, signée par 4 ministres, combien la régularisation du barrage est l’orientation choisie : c’est une véritable prime à la délinquance écologique. Quand l’ordre public sera-t-il rétabli et les sanctions appliquées ? Les associations poursuivront sans relâche leur travail de mobilisation pour que ce calamiteux précédent demeure sans suite et que la loi soit enfin respectée en Lot-et-Garonne, et partout sur le territoire. »
Lire la lettre de mission d’inspection
Un dossier hautement symbolique
Symbolique d’une part, car derrière les questions de légalité et de sécurité de ce barrage, ce sont les questions de l’adaptation de notre agriculture au changement climatique, et du juste partage de la ressource en eau qui se posent. Développer massivement l’irrigation est une mauvaise réponse face à la raréfaction de la ressource en eau. C’est encore plus vrai dans le bassin versant du Tolzac où la multiplication des retenues (plus de 600 recensées, de toute taille) aggrave le problème. Envoyer le signal qu’il n’y a aucun problème à s’accaparer illégalement la ressource en eau dans un contexte de dérèglement climatique est de l’inconscience.
Symbolique d’autre part, car la semaine dernière, un militant, juriste et administrateur de France Nature Environnement était convoqué à la gendarmerie pour avoir donné une interview… dans un champ, alors qu’il dénonçait l’implantation de serres industrielles à tomates hors-sol sur une zone humide. Dérive de la cellule « Demeter », censée condamner les « actions de nature idéologique » à l’encontre des agriculteurs ? Jolie illustration d’un « deux poids, deux mesures » au détriment, comme toujours, de la protection de l’environnement.