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La centrale de Fessenheim ferme… et après ?

43 ans au compteur pour Fessenheim ! Comme toutes les centrales nucléaires françaises actuellement en activité, Fessenheim a été conçue initialement pour fonctionner 40 ans maximum. Au-delà, les réacteurs entrent dans une phase de vieillissement qui n’a pas été prévue par les ingénieurs et que la filière nucléaire ne maîtrise pas.

La doyenne du parc nucléaire français a bien mérité son départ à la retraite : située en zone sismique et susceptible d’être inondée, avec des micro-fissures sur la cuve du 1er réacteur, des joints et composants obsolètes, un générateur de vapeur non conforme, des arrêts prolongés, plus de 15 incidents sur chaque réacteur jugés « précurseurs » par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) car ils augmentent le risque d’accident, une vulnérabilité aux actes de malveillance et aux chutes d’avion.

Même « rénovée » à grands frais, la centrale de Fessenheim n’aurait pas pu atteindre les exigences de sûreté imposées aux réacteurs plus récents comme l’EPR. Sa fermeture était absolument nécessaire pour limiter les risques accidentels pour la France mais aussi pour l’Allemagne et la Suisse, situées à quelques dizaines de kilomètres à peine.

Mais cette fermeture n’est que le début d’un long processus. Quelles sont les prochaines étapes pour le site, la région et le parc nucléaire dans son ensemble ?

Pourquoi faut-il démanteler la centrale de Fessenheim au plus vite ?

Fessenheim arrête de produire de l’électricité mais le site est loin d’être définitivement fermé : il faut désormais démanteler l’installation nucléaire et évacuer du site la totalité des substances dangereuses ou radioactives. Ces opérations peuvent s’étaler sur une durée de 20 à 30 ans, ou bien plus longtemps lorsque l’industriel traîne des pieds. En 2016, EDF annonçait vouloir reporter le démantèlement des vieux réacteurs nucléaires de la génération précédente (graphite gaz) de plusieurs décennies. Ce qui signifie que les réacteurs ne seraient toujours pas complètement démantelés d’ici la fin du 21e siècle ! L’industriel évoque des problèmes techniques mais en réalité, le problème est surtout d’ordre financier : le démantèlement, c’est une opération qui coûte très cher et qui ne rapporte pas d’argent à EDF. Elle génère des volumes de déchets radioactifs importants qu’il faut ensuite stocker quelque part et qui pèsent sur le bilan de l’entreprise.

Dans le cas de Fessenheim, EDF doit commencer par remettre un dossier sur le démantèlement à l’ASN. Cette dernière a répondu début 2020 que « le niveau de détail du plan de démantèlement remis par EDF est insuffisant ». L’exploitant doit corriger le tir au plus vite car il n’est pas bon de repousser le démantèlement à plus tard. D’abord, parce que les équipements et matériaux qui confinent les radioéléments présents dans l’enceinte vieillissent : le béton perd de son étanchéité par exemple. Ensuite, la connaissance des installations se perd au fil du temps : personne ne connaît mieux les installations nucléaires que celles et ceux qui les ont exploitées. Le temps qui passe est un ennemi de la transmission du savoir. En outre, élément très important : qui financera et pilotera les opérations de démantèlement, si elles sont reportées indéfiniment ?

Comment accompagner la reconversion économique du territoire de Fessenheim ?

En 2014, l’INSEE estimait à 5 000 le nombre d’emplois directs et indirects liés à la centrale nucléaire de Fessenheim et à environ 22 000 le nombre d’habitants vivant dans le périmètre économique de la centrale. Il est essentiel d’accompagner le territoire et les travailleurs concernés par la fermeture du site. Pendant sa phase de démantèlement, la centrale continuera de créer de l’activité économique pour le territoire mais dans une moindre mesure. Certains ont largement employé cet argument pour refuser la fermeture de la centrale de Fessenheim mais décaler la fermeture n’aurait pas réglé le problème.

Comme toute installation industrielle, elle n’est pas éternelle et il faut nécessairement prévoir la reconversion des travailleurs et le développement d’activités économiques alternatives, créatrices d’emplois locaux et de valeur non-délocalisable sur le territoire. Les énergies renouvelables par exemple. Des démarches ont été entamées en ce sens même si elles restent encore insuffisantes : en 2019, des appels d’offre ont été lancés pour développer la filière solaire photovoltaïque dans la région.

Le potentiel est immense : la région Grand Est est la 3e région de France en termes d’installations d’énergies renouvelables et celles-ci représentent déjà plusieurs milliers d’emplois. Selon une étude d’Ernst & Young publiée en janvier 2020, les énergies renouvelables permettent de créer de la valeur et des emplois sur tous les territoires. Dans la région Grand Est, la valeur de ce secteur augmente chaque année et représentera 2 milliards d’euros par an en 2028.

L’avenir du territoire de Fessenheim et la région Grand Est n’est plus dans le nucléaire mais bien dans les énergies renouvelables.

Pourquoi et comment anticiper la fermeture des autres réacteurs nucléaires à bout de souffle ?

D’ici fin 2020, une douzaine d’autres réacteurs nucléaires auront dépassé 40 ans de fonctionnement et d’ici 2025, deux tiers du parc nucléaire sera périmé. Les ingénieurs n’ont pas conçu les réacteurs pour fonctionner au-delà de 40 ans mais la filière nucléaire pèse de tout son poids pour prolonger leur durée de vie bien au-delà. En 2019, le gouvernement a fait voter une loi qui, tacitement, prévoit que les réacteurs fonctionnent jusqu’à 50 ans ou plus. Cette décision politique part du principe que le gendarme du nucléaire, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), autorisera les réacteurs à fonctionner au-delà de 40 ans et qu’EDF a la capacité industrielle, technique et financière à mener à bien un programme de mise aux normes colossal. Capacité largement contestable étant donnés la situation financière catastrophique d’EDF, l’ampleur des travaux à piloter sur un temps très court, et les nombreux retards et manquements constatés. Début 2020, l’ASN tirait encore une fois la sonnette d’alarme face au manque de rigueur industrielle de la filière nucléaire.

Prolonger les réacteurs bien au-delà de leur durée de vie est dangereux : ils vieillissent, le moteur des réacteurs n’est pas remplaçable, et ils ne sont pas suffisamment protégés contre les risques d’accident grave. C’est pourquoi il faut anticiper et planifier la fermeture de tous les réacteurs nucléaires vieillissants. Il est temps de tirer les leçons de Fessenheim. Reporter les décisions à plus tard enferme les territoires et les salariés concernés dans l’incertitude. Huit longues années d’incertitude se sont écoulées entre l’annonce par François Hollande de la fermeture de Fessenheim et son arrêt effectif. Huit années difficiles à vivre pour le territoire et pour les travailleurs. On peut choisir de préparer les prochaines fermetures plutôt que de les subir de plein fouet.

Un calendrier précisant la date de fermeture de chaque réacteur nucléaire est essentiel pour planifier sereinement la reconversion socio-économique des travailleurs et des territoires.

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