L'Oscar d'Hollywood, la Palme d'or de Cannes, l'Ours d'or de Berlin sont parmi les plus connues des récompenses cinématographiques. Il faudra peut-être y ajouter bientôt le Rimbaud de Charleville, car c'est ce nom et ce symbole qui ont été choisis pour le festival du film indépendant qui s'est déroulé ce samedi.
Les lauréats recevaient un bronze du sculpteur Paul Maulpoix, Ardennais d'adoption, dont l’œuvre représente bien évidemment le poète.
Ce festival se veut différent par le choix de films indépendants (même si la définition de cette catégorie n'est pas évidente) et par la manière de sélectionner et de récompenser les productions. Les organisateurs expliquent leur principe de la récompense pour ce festival :
" Les termes meilleur, étranger, féminin, masculin, n'apparaîtront dans aucun des choix des Rimbaud du Cinéma…
…parce qu'un tableau de Pablo Picasso n'est pas meilleur qu'un tableau de Frida Kahlo, qu'un film de Paolo Pasolini n'est pas meilleur qu'un film de Liliana Cavani et qu'aucune des œuvres de ces cinéastes ou peintres ne peut être qualifiées d'étrangères, masculines ou féminines. Les peintures rupestres des grottes de Lascaux ne sont pas françaises parce qu'elles ont été produites sur le territoire français, mais universelles parce qu'elles ont été conçues par des artistes anonymes dont on ignore le sexe et dont la seule patrie était l'humanité. "
La cérémonie s'est déroulée au théâtre de Charleville, et a connu plusieurs temps forts.
Les faibles moyens financiers disponibles et les difficultés liées à une première expérience expliquent les quelques hésitations perçues lors de la soirée. Mais Delphine Depardieu et Jeremy Banster ont solidement tenu leur rôle de présentateurs, tout en restant simples et en accueillant avec bienveillance les invités et les lauréats.
Le grand vainqueur est le film du réalisateur marocain Mourad Boussif qui a remporté 3 prix, de réalisation, du scénario et d'interprétation masculine avec "Les hommes d'argile". Ce film suit le parcours de Sulayman, un jeune orphelin élevé par un vieil ermite, qui vit dans une région argileuse du Maroc. Alors que la Seconde Guerre Mondiale éclate, Sulayman est contraint de rejoindre les rangs de l'armée française. Il se retrouve à devoir parcourir des contrées inconnues plongées dans la terreur du conflit...
L'équipe du film "Les hommes d'argile"
Un autre temps fort a été la présence d'Emir Kusturica, qui a reçu un "Rimbaud" d'honneur et qui était l'invité de marque de la cérémonie. Le réalisateur de " Papa est parti en voyage d'affaires", "Le temps des gitans", "Arizona Dream", "Chat noir chat blanc", "Underground", etc ,est aussi musicien, comédien ; il est également un homme engagé. Emir Kusturica est tout autant poète qu'indépendant (si tant est que ces deux concepts puissent être séparés), c'est-à-dire qu'il représente parfaitement l'esprit de ce festival.
Serge Regourd accueille Emir Kusturica sous le regard de Delphine Depardieu et Jeremy Banster
Le plus grand temps fort de ce festival est son existence même, la tenue et la réussite d'un tel challenge tenant presque du miracle. Avec très peu de moyens et beaucoup de persévérance, Manuel Sanchez et Muriel Harrar ont su fédérer de nombreuses bonnes volontés, et ont réussi ce tour de force salué par tous les participants. Déjà, de nombreuses voies réclament une deuxième édition, preuve du succès de cette première et de la nécessité de continuer à creuser ce sillon autant indépendant qu'indispensable.
Manuel Sanchez, discret lors de la cérémonie, mais indispensable dans sa conception.