Communiqué de Greenpeace
Les révélations édifiantes sur la tricherie à grande échelle de Volkswagen sur le niveau d’émissions de gaz toxiques (ici le NOX, un composant du diesel) par ses véhicules, soulignent avant tout l’inefficacité totale du système de contrôle tel qu’il est organisé aujourd’hui.
Un système de contrôle inepte
En effet, ce sont les constructeurs qui sont chargés d’effectuer ces tests et de fournir les résultats aux autorités compétentes, en charge de la mise sur le marché des véhicules. En Europe, ce sont eux qui payent ces tests, réalisés par des laboratoires privés sans contrôle a posteriori par les autorités. Un état de fait qui les place en situation de conflit d’intérêts manifeste et qui explique en partie pourquoi ces tests sont tout sauf fiables.
La partie émergée de l’iceberg
Même si c’est la tricherie manifeste de Volkswagen qui vient d’être mise au jour par une ONG américaine, il ne faudrait pas croire que le problème ne concerne que le constructeur allemand, qui représente vraisemblablement la partie émergée de l’iceberg.
Les écarts de consommation de carburant et d’émission de polluants entre les tests en laboratoires et la réalité de la route sont systématiques et largement connus. Comme le rappelle Libération, l’ONG Transport & Environment a publié une étude cette année qui recense des tests indépendants réalisés pour son compte. Et les dépassements d’émissions y sont systématiques. Alors qu’elle a “réussi” les tests en laboratoires, l’Audi A8 testée par T&E dépasse de 22 fois les limites NOX autorisées… et il en va de même pour tous les véhicules testés, qu’il s’agisse de la nouvelle Mercedes Classe C, la Renault Clio IV ou de la Citroën Picasso.
Le greenwashing, un problème de santé publique
Toutes ces marques ont donc beau jeu de réaliser de belles publicités émouvantes pour vanter le respect de l’environnement (“le Diesel propre” si cher à Volkswagen) et verdir leur image. Avec un cynisme éhonté, elles nous trompent donc deux fois : sur les chiffres et dans leur message.
C’est particulièrement grave. Car il s’agit d’un vrai problème de santé publique et de lutte contre les changements climatiques : les transports sont le premier secteur émetteur de gaz à effet de serre et une source majeure de la pollution de l’air qui coûte 100Mds€/an et écourte la vie de 42 000 personnes rien qu’en France.
D’un point de vue environnemental, le Guardian estime que le système dissimulé par Volkswagen pourrait avoir entraîné le rejet d’un million de tonnes de NOX supplémentaire dans l’atmosphère, soit un volume colossal d’émissions en dehors des radars. Or le NOX cause asthme, insuffisance respiratoire, infections des bronches…
Que font les pouvoir publics ?
Pour autant, il ne faudrait pas dédouaner les pouvoirs publics, qui ne sont pas exempts de toute responsabilité dans cette affaire. Comment se fait-il qu’il faille attendre le travail d’une ONG pour découvrir un scandale d’une telle ampleur ? Cette situation en dit long sur la faiblesse des relais institutionnels traditionnels. Jusqu’où s’étend la triche ? Aux normes de sécurité en vigueur ? Comment savoir ? Les ONG n’ont pas vocation à se substituer aux pouvoirs publics et elles ne pourront jamais – malgré leur veille et leur travail d’alerte – être derrière chaque entreprise en permanence.
De plus, ces ONG doivent lutter contre le lobby intensif des constructeurs automobiles à Bruxelles et à Washington comme le montrait un rapport de Greenpeace (http://www.greenpeace.org/finland/Global/finland/Dokumentit/Julkaisut/2011/vw_report.pdf) publié en 2012 qui dénonçait déjà la mauvaise influence de Volkswagen sur la réglementation des émissions de CO2 des voitures
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Des mesures à prendre en urgence
Dans l’immédiat une enquête est nécessaire au niveau européen pour repérer les véhicules qui seraient équipés de logiciels espions, pour que ces véhicules soient rappelés.
Les autorités doivent ensuite agir pour mettre fin aux fraudes comme aux combines et garantir le respect des normes anti-pollution et la réduction des émissions de NOx et de CO2, en mettant rapidement en place les mesures suivantes :
– un cycle de test plus représentatif de la réalité,
– une procédure de test en conditions réelles (RDE),
– un système d’homologation fiable et indépendant (avec une autorité européenne pour le garantir).
De même, nous demandons un renforcement des normes CO2 (normes 2025) et anti-pollution pour diminuer suffisamment les émissions de GES et respecter les plafonds d’émissions de pollution.
En France, il faut mettre fin à l’avantage fiscal du diesel, en commençant par relever le taux de taxation du diesel (transporteurs routiers compris) dans le Projet de loi de finances 2016 qui sera publié le 30 septembre 2015. Et bien sûr soutenir les transports propres, ce qui implique de privilégier les transports collectifs et d’investir massivement dans les alternatives au routier – avec les recettes de la TIC gazole notamment.
Car au-delà de mettre fin à une tricherie industrielle de grande envergure, c’est bien tout notre système de transport qui doit être repensé en profondeur pour stopper immédiatement les désastres environnementaux et sanitaires liés aux émissions des véhicules.
Volkswagen dénoncée par Greenpeace dès 2011
Greenpeace avait déjà alerté les consommateurs et les pouvoirs publics sur le côté obscur de Volkswagen en lançant en 2011 la campagne Volkswagen Dark Side. A l’époque, il s’agissait de dénoncer l’influence néfaste de la marque allemande sur la future réglementation européenne sur les émissions de CO2. Après deux années de campagne , d’envois de mails en interpellations sur les réseaux, de rencontres en actions aux différents salons automobiles mondiaux, et forts du soutien de 520 000 internautes, nous avions contraints la marque, Volkswagen, à faire un pas dans la bonne direction en s’engageant à réduire les émissions de CO2 de sa flotte de véhicules neufs à 95 g CO2 /km d’ici 2020.
Las, la transparence et le respect de l’environnement ne sont définitivement pas inscrits dans les gènes de Volkswagen. Heureusement, des citoyens et des ONG sont là pour révéler sa face obscure et inciter les pouvoirs publics à enfin agir pour contraindre cette entreprise à prendre soin de l’intérêt général.