Extraits de l'article de Hortense Chauvin, publié le 27.08 dans Reporterre
Une part importante des pesticides épandus dans les champs finissent par ruisseler jusqu’aux océans. Une contamination encore peu analysée, mais dont les premières études sont alarmantes pour les espèces marines.
On ne les voit pas, on ne les sent pas, mais ils sont là. Entre les fragments de sel et d’algues, des récifs coralliens aux fosses insondables : partout dans l’océan, on trouve des pesticides. Ils sont détectés jusque dans les profondeurs des eaux arctiques, à 2 500 mètres de fond, et dans la chair des baleines. Une pollution insoupçonnée, ubique, dont la communauté scientifique peine encore à comprendre l’étendue des conséquences — mais dont les premiers aperçus ont de quoi alerter.
Ultime réceptacle des contaminations terrestres, l’océan absorbe chaque année 710 tonnes de pesticides agricoles, d’après une étude publiée dans la revue Nature en 2023. Cette fraction des quelque 3 millions de tonnes de pesticides utilisés annuellement dans le monde se déverse dans la mer à la fin de son parcours fluvial, après avoir infiltré les cours d’eau.
Des dizaines de molécules qui s’accumulent
Lorsque des campagnes de mesure sont menées, il est fréquent de retrouver « plusieurs dizaines de molécules » dans l’eau salée, signale à Reporterre Wilfried Sanchez, directeur adjoint de la direction scientifique à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer). Leur concentration respective est souvent de l’ordre de la dizaine de nanogrammes par litre. « Mais elles s’accumulent », ajoute-t-il. Ce cocktail est d’autant plus douteux que d’autres polluants l’agrémentent : microplastiques, per- et polyfluoroalkylées (PFAS), polychlorobiphényles (PCB)…
Les substances identifiées sont parfois anciennes, certains pesticides pouvant perdurer des dizaines — voire des centaines — d’années dans l’environnement. Des travaux ont notamment mis en lumière la présence, sur les côtes européennes, de produits de dégradation de l’atrazine et de la simazine, des herbicides pourtant interdits dans l’Union depuis le début des années 2000. Des métabolites du DDT (un insecticide interdit en France dans les années 1970 en raison de sa grande toxicité) ont également été détectés en 2021 dans des soles et des flets des baies de Somme et de la Seine.
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