Publié le 16.02.2024 par Amnesty International
Vendredi 16 février, Alexeï Navalny est mort en détention dans une colonie pénitentiaire russe. Choc. Colère. Indignation. Fervent militant politique et anticorruption russe, Alexeï Navalny était l’un des principaux opposants à Vladimir Poutine. Nous appelons dès maintenant à une enquête indépendante !
« Ils l'ont tué » a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International suite à l'annonce de la mort d'Alexeï Navalny.
Le Kremlin cherche depuis des années à faire taire Alexeï Navalny. Sa condamnation à 19 ans de prison était uniquement motivée politiquement. En décembre 2023, il avait été déplacé dans la colonie pénitentiaire la plus reculée de Russie, au nord du cercle polaire arctique. C'est ici, isolé du monde, qu'Alexeï Navalny est mort, en détention. Toutes nos pensées vont à sa famille et à ses proches. Cela fait des années que nous menons des actions de mobilisation où nous scandons avec ferveur : « Free Navalny ! ».
Nous sommes encore sous le choc de la mort de Navalny mais nous allons continuer le combat et nous battre pour que justice soit rendue.
Figure de l'opposition à Vladimir Poutine
Avocat de formation, Alexeï Navalny créé en 2011 la Fondation anti-corruption (FBK). Avec ses équipes, il menait des enquêtes documentant la corruption au plus haut niveau de l'État. Pour ce travail, Alexeï Navalny et plusieurs employés de la fondation ont subi des représailles.
C'est cette même année, en 2011, qu'il se fait connaître du grand public au moment d'importantes manifestations organisées contre des fraudes aux élections législatives. Alexeï Navalny deviendra alors de plus en plus présent sur la scène politique russe. Il se présentera à plusieurs élections : en 2013, il est candidat à la mairie de Moscou où il finira en deuxième position. En 2018, il tente de se présenter à l'élection présidentielle mais la justice russe le déclare inéligible. Les autorités russes semblaient déjà déterminées à faire taire cette voix contestataire.
Par le passé, Alexeï Navalny a pu tenir des propos pouvant s’apparenter à un appel à la haine. Nous tenons à rappeler que nous condamnons ces propos, susceptibles de constituer une incitation à la discrimination, à la violence ou à l’hostilité. Mais il ne doit pas y avoir de confusion : rien de ce qu’a dit Alexeï Navalny par le passé ne pouvait justifier sa détention, qui était purement motivée par des considérations politiques.
Alexeï Navalny a été arrêté à plusieurs reprises, simplement parce qu'il appelait ou participait à des manifestations pacifiques.
Empoisonné
En août 2020, alors qu'il rentrait d'une tournée électorale, Alexeï Navalny tombe gravement malade. Victime d'un empoisonnement, il a été emmené d'urgence dans un hôpital en Sibérie avant d'être transféré en Allemagne. Plongé dans le coma, il se réveillera un mois plus tard à Berlin, entouré par sa femme et ses enfants.
Des experts indépendants, en Allemagne et dans plusieurs autres pays, ont diagnostiqué son empoisonnement au Novitchok, une arme chimique extrêmement dangereuse. Le militant russe avait accusé les services secrets et Vladimir Poutine d'avoir orchestré son empoisonnement. De leur côté, les autorités russes ont refusé d'ouvrir une enquête sur l'empoisonnement de Navalny.
Retour en Russie : arrestation et prison ferme
Après cinq mois de convalescence en Allemagne, Alexeï Navalny décide de revenir en Russie en 2021 malgré les menaces d'arrestations et d'emprisonnement.
La menace était bien réelle : le 17 janvier 2021, alors qu'il sortait à peine de l'avion en provenance de Berlin, Alexeï Navalny est arrêté par la police russe. Après avoir passé plusieurs jours en détention provisoire, la justice a finalement condamné le militant anticorruption à deux ans et huit mois de prison. La raison ? Non-respect d'un contrôle judiciaire liée à une ancienne condamnation de 2014. Une parodie, lorsque l'on sait qu'Alexeï Navalny se faisait soigner en Allemagne suite à son empoisonnement.
Après cette arrestation, des manifestations ont gagné toute la Russie pour demander sa libération et pour protester contre la corruption au plus haut niveau du pouvoir.
Depuis 2021, Alexeï Navalny purgeait une peine de prison, d'abord dans la colonie pénitentiaire de la localité de Pokrov, réputée comme étant l'une des prisons les plus sévères du pays. Alors que son état de santé se dégradait, les autorités pénitentiaires russes lui refusent un accès aux soins.
Condamné à 19 ans de prison
Le 4 août 2023, le tribunal de Moscou a condamné Alexeï Navalny à 19 ans d’incarcération dans une colonie pénitentiaire pour des chefs d’accusation comprenant entre autres le financement et l’incitation à l’« extrémisme » et « la réhabilitation du nazisme ». Une nouvelle condamnation qui ajoutait dix ans supplémentaires à sa peine de prison initiale. "Cette condamnation n'est rien d'autre qu'une condamnation à perpétuité." déclarait Marie Struthers, directrice du programme Europe de l'Est et Asie centrale à Amnesty International, au moment de l'annonce des 19 ans de prison d'Alexeï Navalny.
Les nouveaux chefs d’accusation étaient liés aux activités de la fondation anticorruption fondée par Alexeï Navalny, qui a été interdite par les autorités russes en 2021, et à des déclarations faites par des membres de la fondation. La fondation anticorruption était enregistrée légalement en Russie avant l’emprisonnement d’Alexeï Navalny. La désignation arbitraire de l’organisation comme « extrémiste » a fourni un motif pour les poursuites qui ont suivi contre Alexeï Navalny et ses associés pour des accusations liées à l’extrémisme.
Les autorités russes ont tout fait pour museler cette voix critique. Elles sont déterminées à enfermer quiconque ose dénoncer et critiquer le pouvoir. Vendredi 16 février, Alexeï Navalny est mort, en détention. Une enquête indépendante DOIT s’ouvrir !