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Politis : Un hebdomadaire d’utilité publique

La campagne actuelle d'appel à soutiens est aussi l'occasion de nous interroger sur le rôle de notre journal.

Un journal ne peut jamais cesser de s’interroger sur son utilité sociale. Qu’apporte-il de neuf, dans ses articles, ses angles de vue, ses analyses ? À quel besoin répond-il ? Nous nous posons la question avec plus d’acuité aujourd’hui, face aux difficultés financières que nous rencontrons et face à la situation des médias de notre pays. Quel peut être le rôle de Politis dans le débat démocratique aujourd’hui ?

Alors que 90 % des quotidiens nationaux d’information diffusés en France se trouvent entre les mains de quelques milliardaires, tout comme la moitié des télévisions et des radios, il est plus que jamais nécessaire de faire vivre des médias indépendants. À Politis, pas de conflits d’intérêts avec des acheteurs d’espaces publicitaires, et pas plus de magnat de l’armement, du luxe ou de la téléphonie pour faire pression sur les choix éditoriaux de la rédaction.

Mais l’indépendance économique ne suffit évidemment pas à construire un projet éditorial original. Ce qui nous motive, c’est le refus têtu de nous accommoder de l’état de notre société, de notre monde. Nous assistons avec une profonde inquiétude à l’extrême-droitisation du débat public en France, à l’impossibilité croissante de traiter des questions de fond, ensevelies sous les invectives stériles. Face à la crise écologique, aux inégalités, les réponses de nos dirigeants dessinent un projet qui n’a de sens que pour les plus privilégiés, amplifiant la régression sociale et le péril environnemental. Et la réponse autoritaire et policière se banalise pour faire passer en force des « réformes » présentées comme seule voie envisageable.

Face à cela, que peut un journal comme Politis ? D’abord armer intellectuellement ses lecteurs et ses lectrices, impliqué·es dans cette bataille culturelle. Plus que jamais, Politis veut être un espace de confrontation des idées, pour éclairer et structurer des débats, en donnant une place à une pluralité de voix et de regards, complémentaires ou contradictoires, mais acceptant toujours le dialogue. Nous voulons dépasser les querelles internes de la gauche, sans détourner le regard des débats essentiels en son sein. Produire des enquêtes, traiter des questions qui crispent et clivent, parce que nous vivons aussi ces débats au sein de notre journal. Que ça frotte, que ça grince, et que ces frictions soient fécondes.

Politis, c’est aussi un journal « de combat », sur les sujets qui devraient, selon nous, occuper le devant de la scène politique et médiatique – la lutte contre le dérèglement climatique, la résorption des inégalités sociales, la défense des libertés attaquées, la sauvegarde des services publics, etc. Sur ces questions, nous voulons dépasser l’indignation et « nommer l’ennemi », pour qu’on ne se trompe pas de cible et de colère : montrer la responsabilité des écocidaires, des idéologues dogmatiques, des climato-négationnistes, des profiteurs de tout poil ; dévoiler les collusions ; documenter les alliances cachées ; identifier celles et ceux qui mettent en péril la vie sur la planète et la survie de notre civilisation ; mettre à nu les discours falsificateurs et les auto-justifications.

Nous refusons pour autant les positions en surplomb, les arguments d’autorité d’un média qui serait sûr de son fait, qui prétendrait dire à ses lecteurs et ses lectrices ce qu’il convient de penser. Dénoncer certes, mais sans posture moralisatrice et abstraite. Dans une période aussi confuse, l’humilité est une valeur cardinale. Dans la recherche de clés de compréhension du monde, nous voulons surtout inviter à cheminer à nos côtés. Ce qui nous importe, c’est le compagnonnage qui invite à décaler ou à renouveler le regard sur ce qui nous entoure. Traduit en termes journalistiques : rechercher des personnes et des collectifs avec qui frotter nos esprits, réaliser des grands entretiens qui invitent à prendre de la hauteur, donnent de l’oxygène, nous entraînent vers des territoires inexplorés. Nous voulons aller là où se produisent de la pensée nouvelle, des analyses émancipatrices, des œuvres culturelles qui invitent à une nouvelle perception sensible du monde.

Nous voulons que Politis soit un véritable outil d’éducation populaire, et contribuer à écrire un autre récit possible du monde. Que notre journal soit un chaudron, un espace où se discute la refondation de notre société, sur des bases plus stables, plus saines, où écologie et justice sociale ne sont pas des vains mots. Qu’on y parle d’expérimentations possibles pour un autre futur, de rêves d’utopistes, de « causes communes », de résistances fertiles et d’alternatives concrètes, d’échecs et de réussites. Nous voulons aller à la rencontre de ceux qui inventent d’autres manières de vivre, produire, travailler, consommer, débattre, dans les villes et les villages, dans les usines et les universités, sur les ronds-points ou dans les ZAD… Politis veut être un média qui éclaire et bouscule, qui donne à voir ce qui peut être porteur d’un changement social à grande échelle, qui donne rendez-vous, qui invite à passer de l’indignation à l’action. Parce qu’il ne suffit pas de penser et d’imaginer. Nous voulons essaimer. Politis, média de la transformation sociale : c’est dans nos gènes.

 

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