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Contrôle au faciès : face au silence du gouvernement, nous saisissons la justice

Le 22 juillet, nous saisissons avec 5 organisations le Conseil d’État pour dénoncer l’inaction du gouvernement français face au problème généralisé des contrôles d’identité au faciès en France. À travers une procédure d’action de groupe, nous souhaitons obtenir de la justice qu’elle contraigne l’État à enfin agir pour mettre fin à cette discrimination systémique.

Le 27 janvier 2021, nous avions mis en demeure le Premier ministre, le ministre de l’Intérieur et le ministre de la Justice d’engager des réformes structurelles et des mesures concrètes afin de mettre un terme aux pratiques policières discriminatoires en France.

Les autorités n’ont pas répondu à la mise en demeure dans la période de quatre mois prévue par la loi. Nous regrettons ce silence, particulièrement douloureux pour celles et ceux qui subissent au quotidien ces discriminations insupportables.

Ainsi, ce 22 juillet 2021, nous portons l’affaire en justice avec des associations de quartier, nationale ou internationale : la Maison Communautaire pour un Développement Solidaire (MCDS), Pazapas, Réseau Égalité, Antidiscrimination, Justice Interdisciplinaire (Reaji), Vox Public, Human Rights Watch et Open Society Justice Initiative.

En France, des personnes sont contrôlées par la police simplement du fait de leur origine réelle ou supposée

Notre requête s’appuie sur de nombreux témoignages de personnes ayant subi des contrôles d'identité discriminatoires dans différentes villes à travers le territoire français (Paris, Rennes, Beauvais, Lorient, Châtellerault, Eybens, Lyon, Toulouse et Lille), ainsi que ceux de plusieurs policiers confirmant ces pratiques discriminatoires.

Nous avons des éléments établissant que la police procède à des contrôles d’identité au faciès sur la base de caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée. Par l’absence d’encadrement strict conforme au principe de non-discrimination, la police dispose de pouvoirs trop étendus qui permettent d’effectuer de tels contrôles discriminatoires. Des études quantitatives montrent, en effet, que les hommes et les jeunes garçons perçus comme noirs ou arabes sont ciblés de manière disproportionnée lors de contrôles d’identité et de fouilles. Des études qualitatives révèlent également les effets dévastateurs de telles pratiques sur les victimes, y compris sur des enfants âgés d'à peine 12 ans. 

 

Les contrôles d’identité au faciès : des discriminations systémiques

Notre requête démontre comment ces contrôles au faciès constituent une discrimination systémique, qui se définit comme une pratique généralisée ancrée dans « un ensemble de règles juridiques, de politiques, de pratiques et d’attitudes culturelles prédominantes (…) qui créent des désavantages relatifs pour certains groupes, et des privilèges pour d’autres groupes » (définition du Comité des droits économiques, sociaux et culturel des Nations unies).

L’État français rappelé à l’ordre à plusieurs reprises

Depuis plus de 10 ans, des instances européennes et onusiennes exhortent les autorités françaises à mettre un terme aux contrôles d’identité discriminatoires. Le 28 juin dernier, la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l'homme a épinglé la France en raison des contrôles d’identité au faciès dans son rapport sur la « Promotion et protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales des Africains et des personnes d’ascendance africaine face au recours excessif à la force et aux autres violations des droits de l’homme dont se rendent coupables des membres des forces de l’ordre ». Quelques semaines plus tôt, le 8 juin 2021, la Cour d'appel de Paris a une fois de plus condamné l’État pour « faute lourde » dans l’affaire des contrôles d’identité discriminatoires de trois lycéens qui revenaient d’un voyage scolaire, dans une gare parisienne, en 2017.

Face à un problème généralisé, les autorités doivent prendre des mesures

L’action de groupe est une procédure innovante : elle permet à des associations de saisir la justice pour qu’elle contraigne les autorités à prendre  des mesures. Dans ce cas-là, celles-ci doivent mettre fin aux contrôles d’identité discriminatoires. Des mesures isolées, telles que l'utilisation de caméras-piétons et l'obligation pour les policiers de porter un numéro d'identification, ont montré leur insuffisance. Les autorités ont toujours rejeté toute tentative visant à instaurer un dispositif de traçabilité des contrôles d’identité et de répertorier l’ensemble de ces contrôles.

Nous demandons au Conseil d'État de constater le grave manquement de l'État consistant à laisser perdurer la pratique systémique des contrôles au faciès, et d'enjoindre aux autorités de prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette pratique stigmatisante, humiliante et dégradante.

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