Publié le 31 mars par Patrick Saurin pour le CADTM
Une des conséquences de la crise financière de 2007-2008 a consisté en une augmentation brutale et conséquente de la dette publique des États. Il a pourtant fallu attendre l’année 2011 pour voir se constituer en France un Collectif pour un Audit Citoyen de la dette publique (CAC) qui essaimera très vite dans le pays avec la création d’une centaine de collectifs locaux. Ses membres fondateurs sont des associations et des collectifs (tels ATTAC, le CADTM, la Fondation Copernic, la LDH, etc.), des syndicats (CGT, l’Union Syndicale Solidaires, la FSU). En octobre 2011, un « texte de référence » est publié par ces organisations avec l’appui de partis politiques (notamment le PCF, le Parti de Gauche, le NPA, les Verts). Le CAC se donne pour mission de procéder à un audit de la dette publique de la France mais aussi de celle des collectivités locales. Il s’attache également à développer une réflexion et des analyses en vue de contrebalancer le discours libéral mensonger sur la dette diffusé en boucle sur les médias mainstream.
Des membres du CAC vont publier des articles, donner des entretiens, organiser des rencontres, des débats citoyens ainsi que des formations. Enfin, la principale contribution du CAC verra le jour en mai 2014 avec la publication du rapport d’audit intitulé : « Que faire de la dette ? Un audit de la dette publique de la France » (CAC 2014). Le CAC se propose d’apporter des réponses à des questions essentielles.
D’où vient la dette ? A-t-elle été contractée dans l’intérêt général, ou bien au bénéfice de minorités déjà privilégiées ? Qui détient ses titres ? Peut-on alléger son fardeau autrement qu’en appauvrissant les populations ? À l’issue de minutieuses investigations, ce document fait la démonstration qu’au moins 59 % de la dette publique française est illégitime. Il établit qu’en baissant ses recettes fiscales à travers des cadeaux aux riches particuliers et aux grosses sociétés, l’État s’est appauvri de 488 milliards d’euros. Par taux prohibitifs, l’État a dépensé 589 milliards d’euros de plus que s’il avait recouru à l’emprunt auprès des ménages et des banques à un taux d’intérêt réel de 2 %.
C’est au niveau local que les initiatives ont été les plus combatives. Des milliers de collectivités territoriales et des dizaines d’hôpitaux contaminés par les crédits toxiques des banques ont vu après 2008 les taux de ces emprunts bondir à des niveaux jamais vus, certains dépassant les 25 % (voir Saurin 2013). De nombreux audits de dettes de collectivités ont été réalisés par des collectifs qui ont révélé au grand jour les pratiques malhonnêtes des banques.
À Nîmes, Grenoble, Vichy et Dijon, des membres des CAC locaux ont engagé des actions en justice contre des délibérations de collectivités validant la sortie de ces emprunts moyennant le paiement d’indemnités représentant plusieurs fois le montant du capital restant dû des emprunts remboursés par anticipation. En 2018, à Nîmes, des militants du CAC local ont fait annuler par le tribunal administratif de la ville une délibération de la collectivité de Nîmes Métropole validant le paiement à la banque d’une indemnité de 58,6 millions d’euros, en plus des 10 millions d’euros du capital restant dû de l’emprunt remboursé.
Pour motiver leur décision, les juges ont retenu le défaut d’information du conseil communautaire, mais ils se sont bien gardés de se prononcer tant sur la nature spéculative et donc illégale de cet emprunt, que sur le caractère illégitime de l’indemnité. Sans l’appui des élus, seuls capables de décider la suspension du paiement de la dette et d’attaquer les banques en justice, l’audit citoyen montre ici ses limites. Il a malgré tout le mérite de révéler à la population la nature scandaleuse du système dette, les pratiques mafieuses des banques, et apporter ainsi des arguments en faveur de la répudiation des dettes illégitimes et de la socialisation du système bancaire.