Anticor a demandé le renouvellement de l’agrément ministériel qui lui permet d’intervenir dans des procès majeurs impliquant des actes de corruption. Cet agrément est une condition sine qua non pour saisir un juge d’instruction. Le Premier Ministre a jusqu’au 2 février pour donner sa réponse.
Mini-moyens, maxi-influence : Anticor & les affaires d’État
Depuis sa création en 2002, 5000 adhérents ont rejoint Anticor. Cette petite association, qui n’accepte ni subvention publique, ni don des entreprises, défend sans relâche l’intérêt général. Elle le fait notamment grâce à cet agrément. Anticor l’a obtenu en 2015 et en 2018. Il a permis à l’association d’intervenir dans de nombreux procès : pour éviter que des scandales politiques soient enterrés mais aussi pour favoriser une culture de l’éthique.
L’agrément, condition sine qua non de son action en justice
En France, le parquet décide seul de l’opportunité des poursuites : il peut donc classer une plainte sans suite. Or, dans les affaires politico-financières, l’action du parquet, hiérarchiquement soumis au Ministre de la justice, peut s’avérer difficile. Lorsque le parquet refuse de poursuivre, rien ne peut faire obstacle à sa décision, excepté une constitution de partie civile, qui nécessite un agrément ministériel prévu par la loi.
Des procès qui agacent le pouvoir
D’abord perçue comme un intrus dans des procès politico-financiers majeurs, l’association s’est au fil du temps imposée comme un acteur judiciaire de premier plan. Mais ses procès agacent le pouvoir :
• L’affaire Richard Ferrand, président de l’Assemblée nationale, mis en examen ;
• L’affaire Alexis Kohler, secrétaire général de l’Élysée ;
• Mais aussi… l’affaire Alstom, l’affaire dite des « sondages de l’Élysée », les 13 milliards de dérapage financier du Grand Paris, le dossier des fraudes massives aux subventions agricoles en Corse mais aussi de très nombreux dossiers moins médiatiques concernant de petits élus.
Un agrément qui expire bientôt…
Le délai de renouvellement de l’agrément expire dans quelques semaines… Après avoir égaré la demande d’agrément envoyée en recommandé par Anticor le 6 août dernier, les services du Ministère de la Justice procèdent depuis le 2 octobre à son instruction. En raison de la plainte déposée par Anticor contre Éric Dupond-Moretti pour prise illégale d’intérêts en octobre dernier, c’est au Premier Ministre qu’il revient de prendre la décision avant le 3 février.
… et de lourdes conséquences !
• L’arrêt probable des instructions en cours, faute de personne habilitée à saisir un juge d’instruction (affaires Richard Ferrand, Alexis Kohler, et de nombreuses autres) ;
• L’impossibilité pour l’association de se constituer partie civile dans de nouvelles affaires, qui seront donc susceptibles d’échapper à la Justice, si le parquet n’agit pas.
Anticor demande simplement une application loyale des textes relatifs à l’agrément anticorruption. Il serait bien évidemment inimaginable que des entraves politiques viennent suppléer les critères réglementaires d’attribution de l’agrément, au risque de priver la lutte contre la corruption d’un acteur majeur, légitimant au passage une certaine culture de l’impunité et la défiance d’un certain nombre de nos concitoyens.
Il appartient au Premier ministre de prendre la mesure de l’enjeu.
« En matière de corruption, si nous sommes tous victimes dans les faits – le coût de la corruption a été chiffré à 120 milliards d’euros par an en France – personne ne peut se prétendre victime au sens procédural : le simple citoyen n’a pas d’intérêt à agir contre un élu corrompu. C’est là qu’interviennent les associations anti-corruption. En représentant l’intérêt général, elles permettent d’éviter que des scandales politiques soient enterrés. »
Élise VAN BENEDEN – Présidente d’ANTICOR