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En Iran, le régime multiplie les exécutions pour instiller la peur et contrôler la société

Publié le 20.07.2020 par Amnesty International.

En Iran, le recours à la peine de mort est de plus en plus fréquent contre les manifestants, les dissidents et les membres de groupes minoritaires. Le 13 juillet, deux prisonniers de la minorité kurde ont été injustement exécutés. Au moins huit autres prisonniers issus de minorités et trois jeunes manifestants de moins de 30 ans risquent également la peine capitale.

Diaku Rasoulzadeh et Saber Sheikh Abdollah, âgés respectivement d’une vingtaine et d’une trentaine d’années, ont été exécutés le 13 juillet dernier. Tous deux issus de la minorité kurde, ils avaient été déclarés coupables et condamnés à mort en 2015, pour des faits qu’ils ont toujours niés. Leur procès s’est avéré manifestement inique, ignorant leurs solides alibis et s’appuyant exclusivement sur des « aveux » extorqués sous la torture qui, selon leurs avocats, leur avaient été dictés par des agents du ministère du Renseignement et regorgeaient d’incohérences.

Transférés en 2014 vers un centre de détention à Orumiyeh, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, ils n’ont pas pu contacter leurs avocats ni leurs familles pendant plus d’un an et ont été maintenus la plupart du temps à l’isolement. Au cours de cette période, ils affirment avoir été torturés à maintes reprises : des agents les auraient notamment roués de coups, fouettés, soumis à des décharges électriques et à des humiliations sexuelles, suspendus au plafond, et ont menacé d’arrêter leurs proches, pour qu’ils « avouent » avoir pris part à l’attaque armée de 2010 et s’être rendus en Irak pour y suivre un entrainement militaire.

Selon des informations qui ont fuité depuis l’intérieur de la prison, la veille de leur exécution, des responsables de l’établissement les ont dupés en leur expliquant que la Cour suprême avait annulé leurs condamnations à mort et qu’ils allaient être conduits hors de la prison pour l’ouverture de leur nouveau procès. En fait, ils les ont transférés à l’isolement et les ont exécutés le lendemain à l’aube, sans que leurs avocats n’en soient informés au préalable.

Ces dernières exécutions, cruelles et injustes, s’inscrivent dans le cadre d’une hausse inquiétante du recours à la peine de mort en Iran. Alors que le régime cherche à instiller la peur et dissuader la population de manifester contre la crise politique et économique dans laquelle le pays est en train de sombrer, il n’hésite pas à utiliser la peine de mort pour faire taire les voix dissidentes dans le pays.

« NE LES EXÉCUTEZ PAS » : VAGUE DE SOUTIEN POUR LES JEUNES IRANIENS CONDAMNÉS A MORT

Quelques heures à peine après les exécutions à Orumiyeh, le porte-parole du système judiciaire annonçait que la Cour suprême confirmait les sentences capitales prononcées à l’encontre de trois jeunes hommes de moins de 30 ans qui avaient participé, en novembre 2019, à Téhéran, aux manifestations contre le pouvoir iranien.

Amirhossein Moradi, Mohammad Rajabi et Saeed Tamjidi ont eux aussi été jugés dans le cadre de procès manifestement iniques. Leurs allégations de torture et de mauvais traitements ont été ignorées. Tous trois, ont été déclarés coupables d’« inimitié à l’égard de Dieu » (mohareb) et responsables d’actes d’incendie volontaire et de vandalisme. Ils ont nié ces accusations. Même si elles sont vraies, les actes d’incendie volontaire et de vandalisme n’atteignent pas le seuil des « crimes les plus graves », dont l’homicide volontaire, auxquels le droit international réserve l’usage de la peine de mort.

L'annonce de leur condamnation a soulevé une vague de soutien sur les réseaux sociaux sous le hashtag « Ne les exécutez pas » (اعدام_نکنید#). Elle a été largement reprise à l’intérieur du pays et à l’étranger, y compris par des figures publiques comme le cinéaste Asghar Farhadi ou l’actrice Golshifteh Farahani. Grâce à l'ampleur de la protestation en ligne - le hashtag en persan a été utilisé plus de 10 millions de fois sur Twitter et largement repris sur Instragram - le dossier des trois hommes devrait être réexaminé. 

LA PEINE DE MORT : INSTRUMENT DE LA REPRESSION

A ce jour, au moins cinq prisonniers de la minorité kurde et trois prisonniers de la minorité arabe ahwazie risquent également la peine capitale. Un autre Kurde, victime de disparition forcée, aurait été secrètement exécuté.

« Le recours croissant à la peine de mort en Iran comme outil politique de répression est très inquiétant et requiert l’attention immédiate de la communauté internationale. Sans une action diplomatique et publique urgente, la machine à exécuter de l’État risque d’ôter d’autres vies en Iran », a déclaré Diana Eltahawy, notre directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Elle redoute notamment que les condamnés à mort issus des groupes ethniques défavorisés en Iran ne soient particulièrement ciblés, étant donné que la politique des autorités consiste à exécuter ce type de prisonniers lorsqu’elles craignent que des contestations populaires n’éclatent.

L’ONU et les États membres doivent donc intervenir de toute urgence afin de sauver la vie des condamnés dont l’exécution est imminente et exhorter l’Iran à ne plus se servir de la peine de mort pour semer la peur et faire taire l’opposition politique. La peine capitale viole le droit à la vie inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. C'est un châtiment cruel et inhumain. Les graves irrégularités et l’absence de preuves crédibles ne font qu’ajouter à l’horreur.

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