Communiqué de FNE le 02 juillet 2020
Alors qu’une audience se tient devant le tribunal correctionnel d’Agen le 3 juillet prochain dans le cadre du barrage de Caussade, France Nature Environnement dévoile aujourd’hui le contenu de plusieurs études démontrant la dangerosité de cet ouvrage. En plus d’avoir été construit illégalement et par la force, ce dernier a été édifié à la hâte, sans respecter les règles de l’art. Résultat, il présente des malfaçons manifestes entraînant des risques avérés de rupture. Plus inquiétant encore, des orages pourraient suffire à avoir raison de lui.
Des malfaçons évidentes qui pourraient conduire à une rupture de la digue
Dans le dossier du barrage de Caussade, plusieurs études ont été réalisées depuis le début des travaux fin 2018. Trois ont été commanditées par la Chambre d’Agriculture 47 : une étude du bureau ANTEA sur la solidité de l'ouvrage (2019) qui n’a jamais été communiquée dans son intégralité ; un rapport géotechnique du bureau Geofondation (mars 2020) ; et une étude du cabinet IES[1] (avril 2020), que la Chambre d’Agriculture 47 a dû mandater après avoir obtenu par l’Etat le droit d’utiliser l’eau du barrage cet été.
De son côté, l’INRAE[2] a récemment réalisé des analyses critiques du rapport Geofondation et de l’étude IES. Les documents de l’INRAE fournissent des éléments consternants. Morceaux choisis[3] :
- « La mise en eau d’un tel ouvrage durant la saison 2020 ne devrait pas s’envisager à pleine charge car il n’y a pas de maitrise des mécanismes de rupture par glissement et par érosion interne »
- « Un dispositif d’évacuation des crues à reprendre en très grande partie : plusieurs défauts majeurs de réalisation sont apparents. La mise en charge de l’évacuateur de crue lors d’une crue significative (pas nécessairement exceptionnelle) conduirait à des désordres majeurs, voire la ruine du barrage »
- « Non maitrise des conditions de drainage et d’étanchéité du barrage et de sa fondation »
- « De multiples composants du barrage à reprendre »
Les inquiétudes de l’INRAE sont partagées par les services de la Direction générale de la prévention des risques du ministère de la transition écologique et solidaire : ceux-ci confirment « de sérieux manques de sécurité (…) tant que la cote du plan d’eau n’est pas redescendue sous 82,6 m, il n’est pas possible de contenir une crue importante »[4], et préconisent donc une surveillance renforcée de l’ouvrage. Pourtant, la semaine dernière, les services de l’Etat ont quémandé une vidange préventive avant une période d’orages, avec le mépris pour seule réponse.
Florence Denier-Pasquier, vice-présidente de France Nature Environnement, réagit : « Les éléments qui sont parvenus jusqu’à l’INRAE sont très inquiétants. Et le danger pour les habitant.e.s est avéré : une dizaine d’habitations se trouve dans la zone d’inondation en cas de rupture de l’ouvrage. On y apprend également qu’un orage pourrait suffire à causer un effondrement du barrage… Comment l’Etat peut-il encore, dans ces conditions, laisser une retenue dangereuse complètement remplie pour l’utiliser cet été ? Quelles sont les alertes du rapport ANTEA, que la Chambre d’Agriculture 47 refuse de transmettre ? De nombreuses questions restent en suspens mais ce qui est sûr c’est que l’autorité de l’Etat est piétinée. »
Passage en force et reculades de l’Etat
Le barrage de Caussade, c’est avant tout l’illustration de ce qu’il ne faut surtout pas faire en matière de gestion de la ressource en eau. Sur un bassin hydrographique régulièrement en déficit, le stockage d’énormes volumes d’eau pour répondre aux besoins toujours croissants d’une agriculture intensive ne constitue en rien une solution pérenne. Cet ouvrage, contraire aux objectifs du SDAGE[5] du bassin Adour-Garonne et à l’atteinte des objectifs de la directive cadre européenne sur l’eau, n’aurait jamais dû voir le jour. La mission régionale d’Autorité environnementale, l’Office français de la biodiversité, le Conseil national pour la protection de la nature lui ont tous adressé des avis défavorables. Sans autorisation aucune, les maîtres d’ouvrage ont outrepassé le cadre légal et entamé les travaux du barrage au vu et au su des services de l’Etat, détruisant par ailleurs un site naturel abritant de nombreuses espèces protégées.
C’est ce passage en force qui sera jugé – et nous l’espérons sanctionné – lors de l’audience du 3 juillet prochain devant le tribunal correctionnel d’Agen.