1. « Concernant l’huile de palme, il faut d’abord rappeler qu’elle dégrade six à huit fois moins de surface que le soja »
La réalité : le PDG de Total reprend un argument largement utilisé par les promoteurs de l’huile de palme. S’il est vrai que le rendement surfacique de l’huile de palme est meilleur que celui d’autres huiles végétales comme celle de soja, son impact environnemental est en revanche beaucoup plus lourd. Bien plus que pour d’autres cultures, les plantations de palmiers à huile se font presque systématiquement au détriment de forêts tropicales.
D’ailleurs, le débat autour des agrocarburants s’articule autour de l’effet CASI : le changement d’affectation indirecte des sols. Utiliser pour la production d’agrocarburants des terres agricoles auparavant destinées à la production alimentaire amène à déplacer les cultures alimentaires dans d’autres zones, souvent au détriment de forêts ou écosystèmes riches, et contribue à augmenter les émissions de gaz à effet de serre. C’est d’ailleurs le sens de la directive européenne à laquelle il est fait référence dans la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée (SNDI). Globalement, en matière d’agrocarburants, on ne peut donc pas parler d’huile de palme durable, pas plus que de soja durable.
Surtout, du fait de la déforestation qu’entraîne la culture du palmier à huile, le « biodiesel », dont Total veut abreuver le marché européen à travers sa « bio-raffinerie », serait responsable de trois fois plus d’émissions de gaz à effet de serre que les carburants fossiles et aurait donc un impact catastrophique sur le climat.
2. « 85% des débouchés de l’huile de palme sont alimentaires »
La réalité : si on pouvait encore il y a quelques années parler d’une place marginale de l’huile de palme dans la production des carburants ces dernières années, ce n’est plus vrai aujourd’hui. 46% de l’huile de palme en Europe est utilisée pour du carburant. En France, c’est 75% de l’huile de palme consommée qui l’est sous forme de carburant !
3. « Greenpeace fait mine de découvrir des coraux connus depuis trente ans des scientifiques brésiliens »
La réalité : ce n’est qu’en 2016 que la présence du Récif de l’Amazone a été confirmée par une équipe internationale de chercheurs, dont plusieurs scientifiques brésiliens. Leur découverte a donné lieu à la publication le 21 avril 2016 d’une étude dans la revue Science, fruit de longues recherches. Parmi les pistes qui ont orienté leurs travaux : un article datant de 1977 signalant la présence surprenante à l’embouchure de l’Amazone de poissons et d’éponges typiques de milieux coralliens. N’en déplaise au PDG de Total, la découverte de cet impressionnant biome, dans une zone peu propice à ce type de formations naturelles, date bien de 2016 et a sidéré les scientifiques. C’est la première publication scientifique avec comité de lecture qui prouve la présence du récif. Le Récif de l’Amazone est d’ailleurs loin d’avoir livré tous ses secrets, comme le démontre une nouvelle étude parue en 2018.
4. « Nous forons à 30 kilomètres de là »
La réalité : lors de la seconde expédition scientifique organisée par Greenpeace au large du Brésil en avril 2018, les chercheurs ont prouvé la présence du Récif de l’Amazone dans au moins un des cinq blocs de la concession pétrolière de Total. A la suite de ces révélations, le géant pétrolier a publié un communiqué affirmant avoir l’intention de forer dans un autre bloc que celui où nous avons repéré le Récif, à 28 km du lieu de nos recherches. Pourtant, la demande d’autorisation d’exploration pétrolière aux autorités brésiliennes porte bien sur l’ensemble des blocs, y compris celui où les scientifiques ont identifié le Récif. Par ailleurs, cette région étant soumise à des courants marins parmi les plus forts au monde, les risques de propagation liés à des fuites ou, pire, une marée noire restent très élevés dans l’ensemble de la zone.
5. « Nous avons proposé à Greenpeace de venir sur le site, mais ses équipes ne veulent pas »
La réalité : nous n’avons fort heureusement pas attendu de recevoir un carton d’invitation du PDG de Total pour nous rendre à l’embouchure de l’Amazone, au Brésil. Nous avons mené une première mission exploratoire en 2017 qui nous a permis de ramener les toutes premières images du Récif de l’Amazone. Les informations collectées, réunies dans une étude, ont contribué au rejet par l’autorité environnementale brésilienne (Ibama) du dossier de Total, contraint de revoir sa copie. Malgré plusieurs rejets, Total persiste. Nous aussi : faute d’obtenir un vrai dialogue, nous nous sommes invités à l’Assemblée générale de Total pour dénoncer son entêtement en dépit des preuves recueillies.
Face à ces approximations, Greenpeace et ses militant-e-s continueront de se mobiliser pour dénoncer la réalité qui se cache derrière les discours de multinationales peu scrupuleuses, afin de défendre les forêts contre les ravages de l’huile de palme et de protéger le Récif de l’Amazone des projets d’exploitation pétrolière.