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La France, championne d’Europe de l’agriculture bio en circuit court, mais plus pour longtemps ?

Nous publions de larges extraits d'un article de Sophie Chapelle pour Bastamag

Une fois n’est pas coutume, la France est en pointe en Europe dans le développement de circuits courts, qui associent agriculteurs et consommateurs pour des produits de qualité vendus au prix le plus juste pour chacun. L’agriculture biologique poursuit également son essor : 21 nouvelles fermes en bio se créent ou s’y convertissent chaque jour. Mais ce mouvement, porté par des agriculteurs pionniers et des consommateurs engagés reste peu soutenu politiquement, et est menacé par une vision rétrograde de l’agriculture portée par la droite.

Les paniers de produits agricoles, souvent bio, distribués directement du producteur au consommateur, ont le vent en poupe. La France est même championne d’Europe en la matière, loin devant la Suisse, les Pays-Bas et l’Allemagne qui la suivent en nombre de consommateurs concernés. Deux mille associations de maintien de l’agriculture paysanne (Amap) y ont été recensées en 2015 par le mouvement Miramap. Elles fournissent fruits et légumes « équitables » en circuits courts à environ 320 000 personnes. C’est davantage que partout ailleurs en Europe, et dix fois plus qu’en Allemagne ou en Italie.

« Il s’agit d’un modèle de vente directe contractualisée, s’appuyant sur une relation directe entre le producteur et ses consommateurs, rappelle Jocelyn Parot, secrétaire général d’Urgenci, qui tente de structurer ce mouvement à l’échelle européenne . « Les partenaires fondent leurs échanges sur la relation humaine, en partageant les risques, les responsabilités et les fruits de l’activité agricole, à travers un engagement mutuel de long terme. »

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Les régions les plus en pointe sont l’Île-de-France, Rhône-Alpes et Pays-de-la-Loire. La dynamique est également forte en Aquitaine, PACA, Midi-Pyrénées et Bretagne comme le montre la carte ci-dessous réalisée par Miramap.

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(...)

Vingt-et-une nouvelles fermes bio chaque jour

Neuf personnes sur dix en France mangent désormais des aliments biologiques, au moins occasionnellement, contre 54 % en 2003 ]. Face à cette demande, les agriculteurs tentent tant bien que mal de suivre le rythme : chaque jour, vingt-et-une nouvelles fermes bio s’installent ou se convertissent ! « C’est un essor extrêmement important que l’on n’a jamais vécu, se réjouit Stéphanie Pageot, la présidente de la Fédération nationale d’agriculture biologique (FNAB). On espère créer une dynamique collective qui va construire une nouvelle alternative à l’agriculture en France. » [. En surface agricole, la France, avec ses 5,8% de territoire agricole en bio, reste cependant loin derrière l’Autriche (20%), l’Italie ou la Suède (10%).

Comment poursuivre la dynamique alors que la population agricole ne cesse de diminuer ? Les agriculteurs représentaient un tiers de la population active à la fin de la seconde guerre mondiale, ils ne sont plus que 2 % à travailler la terre. « Plus de 10 000 fermes disparaissent par an, faute de repreneur, englouties sous le béton des villes ou accaparées par un voisin agriculteur qui désire s’agrandir », rappellent Lucile Leclair et Gaspard D’Allens dans leur livre Les néopaysans . Le salut pourrait venir de personnes étrangères au monde agricole. « Les néo-paysans prennent peu à peu la relève, ils réunissent déjà 30 % des installations et si la conjoncture se poursuit, ils représenteront un tiers des agriculteurs à l’horizon 2020. (...) À rebours du modèle conventionnel, ils optent pour des productions variées, des transformations à la ferme, des circuits courts. Selon une enquête des Jeunes Agriculteurs et du MRJC (Mouvement rural de jeunesse chrétienne, ndlr), plus de 60 % d’entre eux souhaitent s’installer en agriculture biologique. »

A droite : à mort l’agroécologie, vive les pesticides et les OGM

Cet état de grâce se poursuivra-t-il en 2017 ? A droite, ni François Fillon ni Alain Juppé ne semblent particulièrement sensibles au succès de l’agriculture biologique. Le sujet ne figure pas dans leurs programmes en matière agricole. François Fillon, nouveau favori des primaires de la droite, souhaite même « accélérer l’homologation des produits phytosanitaires » et favoriser l’innovation « génétique » . Comprenez : autoriser plus facilement les pesticides qui souffriraient de règles trop « contraignantes », ainsi que les cultures OGM. « L’argument de santé publique semble peu fondé » précise son programme, au mépris de toutes les études scientifiques sur les effets néfastes des pesticides (lire nos articles).

François Fillon envisage de « soutenir les circuits directs de vente du producteur au consommateur » par des crédits d’impôt. Mais l’un de ses récents soutiens mène une politique totalement contraire. Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, ancien sarkozyste et nouveau fillonniste, diminue drastiquement les financements en faveur de l’agriculture paysanne. Le réseau régional des Amap va connaitre en 2016 une baisse de 35 % de ses subventions, ce qui le contraint à supprimer trois emplois.

Pour Nicolas Sarkozy, désormais éliminé, agro-écologie et circuits courts entre agriculteurs et consommateurs se résumaient à un folklore pour bobos : « Et pendant qu’on y est, on pourrait même toucher le béret et on aurait le droit, pour chaque produit acheté, de prendre une photo », se moquait-il en février 2016 . Les 30 000 exploitations en bio génèrent pourtant 72 000 emplois environ, presque deux fois plus que le même nombre de fermes conventionnelles, frappées par la crise . Avec ce type de responsables politiques, pas sûr que la France demeure bien longtemps championne d’Europe dans la lente construction d’un modèle agricole satisfaisant pour tous.

Sophie Chapelle, avec Ivan du Roy pour Bastamag

Commentaires

  • Nos pays occidentaux pratiquent l'économie de marché qui rend difficile l'épanouissement de l'agriculture bio.

    En agriculture bio, les AMAP ont encore plus de mal. Cet article montre d'ailleurs que seuls cinq pour mille consommateurs français consomment des fruits et légumes de ces fermes en AMAP.

    Il me paraît raisonnable d'être conscient de cet état de fait.

    Daniel

  • Il est tellement plus simple de qualifier de "BOBOS" les personnes qui font le choix politique d'acheter bio ou de se rendre chez un commerçant bio au marché local...

    Les raccourcis sont aisés, l'action l'est un peu moins.

  • Défendre l'agriculture bio, c'est bien. Il me semble cependant qu'il faudrait s'y prendre autrement pour la développer.

    1) Il me parait nécessaire de vérifier statistiquement si la qualité des produits est supérieure. Il y a encore des doutes à ce sujet. Les teneurs en glucides, en protides, en sels minéraux, en vitamines, sont-elles significativement supérieures. C'est à vérifier. La flaveur est-elle mieux appréciée par les professionnels, cuisiniers, nutritionnistes et par les consommateurs eux-mêmes. C'est à voir.

    2) En vue de comprendre la situation actuelle, il convient, me semble-t-il, de bien analyser les chiffres. Aujourd'hui, neuf personnes sur dix auraient consommé bio, pour certaines occasionnellement. Il est nécessaire de préciser. Personne ne peut tirer des conclusions à partir de ce constat totalement imprécis.

    6 % environ des sols cultivables sont en agriculture bio. C'est toujours très peu.

    3) Je crois qu'il n'y a pas forcément incompatibilité entre agriculture industrielle et agriculture bio. Cette piste est à explorer. Les fermes de 1000 vaches ou celles de plusieurs milliers de porcs ou de dizaine de milliers de volailles apportant des garanties contrôlables de saine gestion écologique et de confort pour chacun des animaux, ne doivent pas être rejetées sans réflexion approfondie. Je me suis déjà exprimé en ce sens.

    Dans un autre aspect du problème, les circuits courts ? Oui, bien sûr. Mais cela n'est possible qu'en des situations, somme toute, assez rares. Il est quasiment impossible d'envisager ce concept en grandes villes où habitent la majorité des Français. Je ne vois pas les Parisiens se promener avec un panier d'osier débordant de fruits colorés et de feuilles de poireaux.

    Pour qu'il y ait un impact positif de l'agriculture bio, son développement ne peut s'envisager qu'avec les moyens techniques écologiques et financiers d'aujourd'hui. Pour sa réussite, les rêves et les senteurs du passé n'ont pas vocation de la faire progresser.

    Les senteurs, les images, les souvenirs d'antan, ont tout de même un bel avenir : enjoliver de belles pages de poésie.

    Daniel

  • Voici un extrait du Monde , révision du bac, place et fonction du poète au fil des époques :
    " Le poète occupe une place spécifique dans la société . C'est un artiste , c'est à dire un homme " inutile " . Son oeuvre n'apporte rien de matériellement nécessaire à la société .
    Les familles et personnes ayant un faible pouvoir d'achat se tourne vers les produits industriels les moins onéreuses au détriment de leur santé . Les parisiens ne se promènent pas avec des paniers d'osier mais combien de Vouzinois le font ? Des commerces Bios existent mais pourquoi faire de la culture intensive quand des embargos empêchent la vente ? Les scandales des abattoirs existent et c'est du réel .
    Encourageons les producteurs bios . Ils sont courageux et croient à l'avenir .

  • Je vous comprends, Jean-Jacques. Mon tord est, peut-être, de mal m'exprimer.

    En une quarantaine d'années, l'agriculture biologique reste au ras des pâquerettes. Il faut trouver des solutions modernes pour son développement. S'engager dans la voie industrielle ne doit pas faire peur si l'on prend toutes les dispositions pratiques en conformité avec les lois de protection de la santé et de l'environnement.

    L'industrie ainsi mise en oeuvre peut rendre les plus grands services d'abord parce qu'elle démultiplie les résultats du travail de l'Homme. Les médicaments, par exemple, qui participent au retour de la santé et qui contribue à l'allongement de la vie, sont produits industriellement. C'est vrai que quelques passionnés de botanique médicinale réussissent la fabrication artisanale de bonnes tisanes mais reconnaissons que cela ne représente pas grand chose dans l'approvisionnement pharmaceutique.

    J'approuve ce que vous écrivez dans la dernière phrase. Il est cependant souhaitable de trouver d'autres voies , celles qui permettraient de satisfaire plus de consommateurs. Les méthodes anciennes n'y parviennent pas depuis toujours et l'image de l'Homme courbé ou agenouillé sur le sol en train de démarier des carottes ne peut plus avoir cours. Ici, la poésie peut juste y trouver son compte mais là je ne saurais pas vous convaincre.

    Daniel

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